Y'a de ces jours qui commencent mal. Une connerie. Puis deux. Puis trois, et à partir de là tout s'enchaîne, et la journée est tamponnée comme étant pourrie. De ces jours où l'on se dit qu'on aurait aussi bien fait de ne pas se lever, si c'était pour régresser au lieu d'avancer. Parce que franchement, si c'est pour enchaîner catastrophe sur catastrophe, autant se faire porter pâle et hop au lit pour rattraper les heures de sommeil. Oui, vous savez, ces heures qu'on ne rattrape jamais. Qu'on passe nos grasses mâtinées à leur courir après. Bah y'a des jours où leur courir après est plus productif que toute autre activité. Oui, ce sont vraiment des jours pourris.
Et aujourd'hui n'est pas un de ces jours là pour Finn. Non non non. Au contraire. Il a carburé au boulot, a même eu le temps de rendre un rapport tout beau tout propre au clan, a croisé un bon ami, a un frigo plein, a nettoyé son appartement alors qu'il était déjà propre...
Et là nous avons donc un truc qui ne va pas. Nettoyé l'appartement qui était déjà propre. Il a beau être complètement maniaque avec son territoire, si c'est déjà clean, il ne vas pas repasser dessus. Mais le fait que l'appartement soit déjà propre en soit est aussi un truc qui ne va pas. Ce très simple fait révèle qu'il y a un dysfonctionnement non seulement chez le contractant - aurait-il des spasmes incontrôlés ? - mais aussi chez Nana. Mais oui, Nana. Appartement propre alors que dans ce même appartement rôde cette créature ? Impossible.
Sauf si la créature en question n'y rôde pas. Si la créature a déserté.

Ce qui est exactement le cas.

Ce qui est, au passage, la raison pour laquelle Finn, afin de s'occuper l'esprit, en est réduit à nettoyer un appartement déjà propre. Si ce n'est pas dramatique. Ils n'ont pas divorcé. Ils ne se sont pas disputés. Nana n'a pas non plus fini par se faire éjecter de l'appartement comme le contractant menace des fois de faire. Pendant qu'on y est, non Finn n'a pas attenté à sa vie dernièrement.
Non. Nana a purement et simplement disparu. Sans rien dire à son contractant. Et ça, c'est la première fois que cela arrive sur une durée aussi longue. Parce que bien sûr, il a déjà disparu sans rien dire. Finn ne le flique pas, il lui laisse totale liberté du moment qu'il revient régulièrement. Ou, s'il décide de s'absenter longtemps, qu'il le prévienne. Mais là, rien. Disparu. Et Dieu seul sait dans quel types de guépiers cette chain peut se fourrer. Il est vivant, parce que Finny le sent. Mais alors où... Voilà un grand mystère. Où, et dans quel état surtout.

Vous l'aurez deviné, le contractant, même si on ne dirait pas, est complètement mort d'inquiétude. Réellement. Tellement qu'il doit s'occuper l'esprit. Au début il n'était pas inquiet, mais à force, les jours passants... Et depuis quelques jours, il va faire un tour chaque jour dans un endroit différent, pour voir si au détour d'un buisson, il ne trouverait pas une pauvre chain agonisante sur le sol. Jusque là, rien du tout. Il ne sait pas encore s'il doit s'en réjouir ou non. Nana est chiant quand il est présent. Mais Nana est encore plus chiant quand il est absent. Quelle idée, mais quelle idée de s'être pris d'affection pour cet aimant à ennuis. Bon c'est l'hôpital qui se fout de la charité, il attire pas mal les embrouilles lui aussi.
Mais mais mais mais mais, aujourd'hui ce n'est pas lui qui est absent. Et les absents ont toujours tord, c'est bien connu.
Oh quand il va lui poser la patte dessus... Ça va pas être joli.

Et donc, comme les jours précédents, Finny est parti visiter une nouvelle localisation. Soyons clairs, il a un sens de l'orientation désastreux. Alors oui, il se balade avec une carte de la région dans ses poches. Parfaitement. Ainsi qu'une carte assez détaillée de Réveil dans une autre. Il n'a pas l'air fin quand il essaie de se repérer dessus, et souvent - ok tous les jours depuis qu'il a commencé - il se perd même avec, mais il finit par s'en sortir. Avec du retard, mais il prévoit large pour être sûr. Nana serait fier de lui !
Nana... Fichu chain. Fichu truc mâle attachant et malheureusement actuellement disparu. Direction d'aujourd'hui : la rivière qui passe pas très loin de Réveil. Pas très original, mais l'originalité tue la vache.
Inutile de chercher la signification de cette expression, elle n'existe pas. La signification. Mais l'expression aussi, en fait.

Il faut bien entendu une heure et vingt minutes à Finn pour se rendre à la rivière, au lieu de la petite quarantaine de minutes nécessaires à tout être humain normal. Le commun des mortels qui ne se perd pas, ou en tout cas pas avec une carte. A priori, Finn est en dessous de tout ça. Au dessus, selon lui, mais voyons la vérité en face. Quand c'est mort, c'est mort. Pauvre enfant.
Enfin, toujours est-il qu'il y parvient sans trop de problèmes. Et maintenant qu'il a trouvé la rivière, il la longe en observant autour de lui. Au moins, en longeant la rivière il ne peut pas se perdre. Il prend le pont comme repère, et hop ! Ouais, ça va le faire. Ça doit le faire. Et Nana dans l'histoire ? Eh bien... A première vue il n'est pas dans la rivière. C'est déjà une bonne chose. De toute façon Finn n'est même pas sûr que les chains puissent respirer sous l'eau. Et qu'est-ce qu'il aurait fait dans une rivière avec trois poissons pendant tout ce temps, hein ? Le contractant est quand même plus intéressant que les pauvres poissons ici, hein ? Il fait la conversation, lui au moins ! Et, et... Ouais bon. Cette absence est en train de lui retourner le cerveau, bientôt il deviendra lui aussi distrait par un papillon, s'assiera en tailleur à table, et portera des kimonos quand tout les hommes portent assez visiblement des pantalons. Bref. En fait faudrait aussi qu'il devienne bordélique, et ça par contre ça serait délicat. Voyons, c'est difficile d'aller à l'encontre de la génétique.

Il longe la rivière, en jetant de temps en temps des regards assez suspects dans l'eau pour vérifier quand même, des fois que. Pourtant, après quelques minutes, il sent qu'à nouveau cette journée sera infructueuse. Sa chain... Non, à ce stade ce n'est pas pour sa chain qu'il s'inquiète, c'est pour Naaru, son ami, qui a disparu, pourrait bien s'être fourré dans un bourbier sans nom, et lui est incapable de l'aider.
Il est rongé par l'inquiétude, mais quand il va lui poser la main dessus...
Ça ne va pas ête joli.

Ça avait démarré de rien. Une histoire comme une autre, une pensée parmi tant d'autres. Naaru en avait eu de nombreuses, et jamais son cerveau ne semblait s'en fatiguer. Avec Finette, son contractant, il lui arrivait souvent de songer à tout et n'importe quoi. Souvent à n'importe quoi. C'était ainsi. C'était il y a une semaine, peut-être moins. Nana, comme à son habitude, s'était levé tard. Très tard. À tel point que s'il avait suivi les phases de la lune, il aurait compris qu'il pouvait se rendormir. Mais voilà, une chose l'avait maintenu en éveil, dans un état semi-conscient. Il avait les yeux grands ouverts, fixant l'unique étagère de sa chambre. Et la plante posée dessus. Il ne faisait pas totalement noir, la lune perçait bien à travers les rideaux. Nana avait fermé les yeux, mais c'en était terminé, il n'avait plus envie de dormir. Et surtout... quelque chose lui trottait dans la tête.

C'était... c'était cette histoire de concombre, il y a peut-être deux ou trois jours. Qu'importe. Les jours étaient passées, et pourtant le chain s'en souvenait encore. Oui, il se souvenait de cette pensée qu'il avait eu. Il avait ignoré tout le reste de la discussion, mais ça, ça lui restait en tête. Pouvait-on vraiment se battre avec un concombre dans l'Abysse ? Question existentielle, qui, je suis sûre, mériterait d'être soigneusement étudié. Et Nana s'apprêtait à faire une thèse dessus. Tard dans la journée, ou bien tôt dans la soirée, Naaru se leva donc et commença à enfiler son kimono. Il avait pris son haori noir, notamment parce qu'il n'était pas trop salissant. Curieusement, le chain ne tourna pas sept fois sa langue dans sa bouche avant de penser vouloir entrer dans l'Abysse. Non, il n'y avait pas trente six manières de vérifier si un concombre pouvait tuer un chain dans l'Abysse -ou tout du moins se défendre- si déjà on ne voulait pas se satisfaire au lieu. Bref, Nana s'était donc habillé comme s'il sortait, katana en main. Il ne prit même pas la peine de mettre des chaussures et se dirigea vers la cuisine. Tout en se grattant la tête et bâillant un peu, il ouvrit la porte du frigo et jaugea la quantité de légumes sur la surface totale disponible du réfrigérateur. Autant dire que c'était la crise. Et pas de concombres en vue.

Le chain partit alors du principe qu'il allait trouver un concombre dans l'Abysse.
…
Jugez la réflexion du chain qui a passé je-ne-sais-combien de temps dans l'Abysse sans jamais croiser l'un de ces cucurbitacées à taille difforme et pour le moins anormal. Jugez cette façon qu'il a de dédramatiser quelque chose qui ne pourrait, à l'évidence, pas se produire, et l'importance qu'il tient à des choses qui ne devraient même pas être évoquées.
Qu'importe. Le chain tourna alors sa tête vers la chambre de Finn et remarqua que son contractant n'était pas là malgré l'heure. De toute façon, il ne l'aurait pas prévenu, il n'en avait pas pour longtemps -ben voyons-. C'est pourquoi Naaru ouvrit une brèche vers l'Abysse et se dirigea à pas lents, les mains dans ses manches, vers cet endroit obscur qu'il détestait tant. Une fois à l'intérieur, il se sentit envahi de cette odeur. Ses cheveux devinrent aussi blancs que de la neige, sans aucun reflet, tandis que ses yeux viraient au rouge sang. Il ne pouvait décidément pas garder forme humaine dans l'Abysse, même si de toute façon il gardait beaucoup de similitudes avec un humain normal même en tant que chain. Quoi qu'il en soit, le Nana fut investi d'une sorte d'aura malsaine. Il n'était... pas vraiment le même quand il entrait dans l'Abysse. Il n'avait pas cette sympathie, ce sourire constamment sur ses lèvres. C'était même l'entier opposé. Il était sérieux, les sourcils presque froncés. Il regardait droit devant lui, sans jamais s'arrêter sur un objet. C'était peut-être une simple sensation de malaise, mais le chain ne trouvait pas cet endroit très amusant.

Néanmoins, il n'avait pas perdu son objectif de route, et si son attitude semblait plus mature, à l'évidence elle ne l'était pas. Vous voilà avertis. Rapidement, son regard finit par chercher l'instrument de son expérimentation. Oui, vous suivez ? Un concombre. Il commença à marcher dans ce tas d'immondices, où se mêlaient murs et objets en tout genre. De temps en temps, il sentait des chains, là, au loin. Mais puisqu'il en était une lui aussi, ils restaient distants l'un de l'autre. Enfin, ça c'était pour ceux munis d'un cerveau, ou de quelconque autre appareil servant à réfléchir ou effectuer l'opération 1+1. Il fallait préciser puisqu'on pouvait se poser des questions sur certains d'entre eux. Nana en croisa un qui se battait visiblement contre un autre. À vrai dire, il s'arrêta même sur un bout de mur pour observer le combat sans s'en mêler. L'Abysse c'était un peu un champ de bataille. Il se souvenait à l'époque qu'il avait appris à se battre à cause de ce genre de choses. Il y en avait toujours pour déclencher un conflit. Bref. Naaru s'éclipsa avant la fin, histoire de ne pas être pris pour cible par la suite. L'un des deux adversaires était bien amoché et sa fin était proche.

Les minutes passèrent, puis ce furent des heures. Étrangement, le chain ne s'ennuyait pas. Non, il y avait à faire. Il n'avait pas pu éviter quelques confrontations et l'objectif du concombre était encore dans sa tête. Il avait même osé interrompre son combat en plein milieu en demandant au chain d'en face s'il avait déjà vu un concombre. Apparemment, il l'avait mal pris, et Nana l'avait un peu payé de sa personne. Car, oui, évidemment, pour chercher ce cucurbitacée, il fallait qu'en plus il s'amoche volontairement. Parce que les combats au final, il les cherchait en venant ici. Et qu'il n'était pas musclor ni même superman. Et qu'un combat de chain en général, ça faisait des blessés. Même pour le gagnant.

Finalement, au bout d'un certain temps, dix à douze heures maximum, le chain s'arrêta de chercher et se posa sur une chaise en plein milieu de la carré. Il cicatrisait moyen et son costume était tâché de sang, quelque peu déchiré au niveau de l'épaule droite. Un mince filet de rouge zébrait sa tempe gauche en descendant jusqu'au niveau de son menton. Et puis, il y avait sa main droite. De tout son corps, c'était elle qui avait le plus pâti de ses idioties. La blessure initiale était située au niveau de l'avant bras, mais ça avait beaucoup, beaucoup saigné. Si bien que sa main à la couleur mate était devenue toute rouge. Mais vraiment toute rouge. D'autant plus que la main elle-même n'était pas dépouillée de toute blessure, c'était même l'inverse. Il avait bandé sa main jusqu'à l'avant bras pour cacher le désastre, mais ça n'avait fait qu'empirer et la pression qu'il avait posé sur la blessure l'avait encore plus fait rougeoyer. Bref, c'était un idiot de dernière classe.

Déprimé de n'avoir pu trouver ce qu'il cherchait, Naaru décida alors de revenir à la maison. Sauf que bien évidemment, il y avait de grandes chances qu'il ne se retrouve pas exactement chez lui, mais plutôt autre part. Il était blessé et il ne maîtrisait donc plus si bien les brèches. Il fit donc irruption dans un endroit vert. Oui, un très bel endroit d'ailleurs. En fait, il était même très probable que ce décor de verdure n'appartienne pas à Réveil même. Où était-il encore tombé ? Il scruta les environs sans vraiment y faire attention. Était-il dans un parc ou quelque chose du même genre ? Il voulait éviter d'avoir à rentrer ainsi chez lui. Mais, à l'évidence, il n'avait pas le choix. Il s'assit sur le sol vert, dos contre un arbre. En face de lui, il y avait de l'eau. De l'eau et un pont. Il n'y avait pas grand monde qui passait, et Naaru se demanda vraiment comment il allait faire pour rentrer sans encombre. Il était sous l'ombre d'un grand grand saule, et il fallait vraiment faire attention à lui pour le remarquer. En revanche, lorsqu'on le repérait, il était difficile de ne pas garder l’œil sur lui, vu son accoutrement et le sang sur ses vêtements. D'ailleurs, il cacha sa main dans sa manche après un léger petit sursaut de douleur. Voilà, il n'avait pas trouvé de concombres, il pourrait dire à Finn en rentrant que de toute façon, on ne pouvait pas se défendre dans l'Abysse avec un concombre parce que c'était une espèce menacée. Et puis c'est tout.

-Pfouuu...

La seule onomatopée qui sortit de la bouche du chain fut cette dernière, prononcée assez forte, puisqu'à l'évidence il n'y avait personne. Dans un ultime soupir, il repoussa sa tête contre le tronc de l'arbre et ferma les yeux, content malgré lui qu'il en ai terminé.

* Il n'a pas pu se faire kidnapper. Qui kidnapperait un chain ? Autant sur le pourquoi que sur le comment. Et puis Nana, avoir des ennemis ? Il ne ferait pas de mal à une mou... Ok. Ok je retire. Mais tout de même, où est-ce qu'il a encore disparu ? Je ne vais quand même pas poster des annonces comme ces gens qui perdent leur chat. "Contractant cherche chain perdu. Se balade en kimono et fait des trucs étranges. Si vous le trouvez, contactez Finn Bask-"... Non, je ne peux définitivement pas. Je suis condamné à errer avec mes deux cartes dans des lieux inconnus en priant pour obtenir un signe di-*

- Pfouuu...

*vin. Je jurerais que c'était un de ses soupirs. Comment ça se fait que je sois capable de reconnaître ses soupirs ? Ce n'est pas normal.*

Et il faudrait aussi qu'il revoit l'ordre de ses priorités. Néanmoins il se dirige vers la provenance du son, à moitié convaincu qu'il a réussi, par on ne sait quelle prouesse technique, à confondre le gazouilli de quelque oiseau pour un des soupirs de Nana. Encore quelques temps, et il deviendra parano. En plus comme le soupir provient de la direction générale d'un arbre, c'est peut-être vraiment un oiseau. Un drôle d'oiseau super humain, mais un oiseau quand même. Enfin puisqu'il n'a rien de mieux à faire - non mais c'est vrai, regarder au fond d'une rivière c'est drôle les cinq premières secondes, mais à partir de la sixième ça devient lassant -il va quand même au pied de l'arbre. Et puis il lève le regard vers la cime de ce dernier, presque prêt à voir une nouvelle espèce perchée sur une branche. Evidemment, il n'y a rien, et c'est surtout plein de feuilles. Du coup il commence à faire le tour de l'arbre.

Et là, c'est le drame.

La catastrophe, Jean-Michel. La catastrophe. Tellement que devant la vue qui s'offre à lui, un Nana pas frais teint en rouge et à la surface accidentée, il se gèle sur place pendant au moins 5 bonnes secondes.
C'était bien un drôle d'oiseau. Nana, quoi.
Et il a en fait vraiment reconnu son soupir.
Bref. Pendant ses cinq secondes de pause, quinze mille sentiments passent dans sa tête. D'abord la surprise, puis le soulagement, l'inquiètude, la colère, la menace de vaisselle pendant l'année à venir - à force, c'est devenu un sentiment à part entière -, la curiosité, l'envie de lui écraser la tête dans le tronc une bonne fois pour toute, l'envie - même pas discutable - de lui faire un câlin, ah on rapporte aussi celle de lui faire enfiler des fringues propres avant qu'il ne pose ne serait-ce qu'un orteil à l'appartement; mais les deux majoritaires restent le soulagement et la colère. Entre lesquelles il oscille présentement. Voyons, l'engueuler comme c'est pas permis, ou lui faire un câlin écrase-os - et améliorer sa condition au passage, notez que les deux solutions envisagées engendreraient toutes deux des dégâts sur Nana -.
Finalement, les 5 secondes sont terminées. Et Finny fronce les sourcils tout en croisant les bras, l'une de ses mains se resserrant inconsciemment mais fortement sur le bras qu'elle touche, bien planté sur ses deux pieds.

- Naaru Irwin. Trente secondes pour t'expliquer, pas une de plus. C'est le délais qu'il te reste avant que j'explose, et vu ton état tu vas pas aimer. Ça reste une suggestion mais tu ferais bien d'y penser avant qu'elle ne devienne un ordre. Vingt-neuf secondes.

Il serre les dents après sa déclaration.
Une partie de lui a juste envie d'oublier toute retenue et de se jeter sur Nana pour bien lui faire comprendre qu'on ne l'inquiète pas comme ça sans en subit les conséquences, surtout quand on est Naaru Irwin. Une autre partie de lui a aussi très envie de vérifier l'étendue des dégâts qui ont été causés à ce chain, parce que ça a l'air méchant. Oh, ce n'est pas un élan de compassion soudain - bien que restons d'accord sur le fait qu'il était très inquiet, un peu moins maintenant qu'il a vu que la chain est en vie -, parce qu'après tout les blessures sont monnaie courante en mission. A force, seul le fait d'être en vie finit par compter et peu importe l'état. Une blessure, ça cicatrise. Ce n'est pas un élan de compassion, mais il n'a aucune idée de ce qu'a pu faire Naaru, de ce qui a bien pu lui arriver, et pour tout ce qu'il en sait, il a peut-être un bras empoisonné ou quelque chose du genre. Et il ne s'en est peut-être même pas empoisonné et d'abord est-ce qu'on peut empoisonner une chain ? Encore une question qu'il préfère sans réponse. Parce que demander à Nana est risqué, et il n'a pas envie de découvrir en situation réelle.
Une autre partie de lui est juste complètement soulagée. Bestiau retrouvé, et bestiau en vie. Bien qu'il pense plus en ce moment à son ami qu'au fait qu'il soit chain. Rien à faire de ça, dans l'instant. Mais c'est pas Finny qui fait la narration.

Naaru a intérêt à s'expliquer, et à s'expliquer vite et bien. Avec une excuse tout à fait valable. Parce que plus le temps passe, plus Finn a vraiment envie de lui sauter dessus. Et pas pour lui faire un bisou. Terrible destin que celui de ne pas juste réussir à exprimer son soulagement et comment il était inquiet mais maintenant content de lui avoir posé la patte dessus. Enfin, on a un sale caractère ou on ne l'a pas. Finn l'a, pas de chance pour Nana.
Et c'est surtout qu'en cas de surcharge émotionnelle, c'est toujours plus simple de tout rejeter en bloc et de céder à des pulsions comme la colère par exemple. Bon, Finny n'est peut-être pas en surcharge émotionnelle, mais il s'est quand même méchamment inquiété. Et retrouver Nana plein de sang n'est pas forcément une vue plaisante. Bien qu'elle soit toujours meilleure que pas de Nana du tout un jour de plus, certes.
Il a plutôt intérêt à avoir une bonne excuse. Sinon...
Ça va pas être joli.

La cime de l'arbre sembla bien moins intéressante lorsque le bras du chain pulsa dans son corps. Il serra les dents sous le mal. Les blessures entre chains guérissaient bien moins vite que les autres. Il s'était fait avoir comme un débutant. Son regard plongea alors instantanément sur ce qu'il avait devant lui. Et un soupir s'échappa de sa bouche. Il préférait de loin cette environnement à celui de l'Abysse. Plus coloré, plus vivant aussi. Pas juste une immensité noir au sol semblable à du lithium oxydé. Il n'y avait pas à dire, le chain était heureux d'être rentré ici, même s'il se faisait engueuler en rentrant. Pour une demi-journée... Finn avait l'habitude le voir partir après tout. Il aurait juste le droit à un sermon sur sa tenue actuelle.

D'ailleurs, quand on parle du loup, on en voit souvent la queue. Finn déboula alors de derrière le tronc et se... s'immobilisa littéralement devant le chain. Ok, Nana était certes très amoché, mais durant leurs missions, il avait déjà été bien plus blessé que ça. Et puis, il avait le bras caché, si bien que le contractant ne pouvait rien voir. Jusqu'à ce que, du moins, le chain ne doive se lever et donc s'appuyer au moins sur une main. Il ne voulait pas qu'il s'en fasse pour rien. Ce n'était rien qu'une blessure comme une autre. Elle guérirait un peu plus lentement, c'est tout. Naaru leva son regard vers son contractant, fatigué. Il avait pas mal utilisé d'énergie -pour rien- et sa blessure le faisait tellement souffrir qu'il en avait les oreilles qui bourdonnaient par moments. Une fois la surprise passée, Finette passa de la statue immobile à quelque chose d'un peu plus humain. D'un peu plus vivant. Il fronça les sourcils tout en croisant les bras. Bon sang, il ne comprenait pas ce qui pouvait le mettre dans cet état-là. C'était de l'obsession. On aurait dit que ça faisait une semaine qu'ils s'étaient quittés. Or, ce n'était pas le cas. Le chain soupira en baissant les yeux, tout en écoutant les paroles de son ami.

- Naaru Irwin. Trente secondes pour t'expliquer, pas une de plus. C'est le délais qu'il te reste avant que j'explose, et vu ton état tu vas pas aimer. Ça reste une suggestion mais tu ferais bien d'y penser avant qu'elle ne devienne un ordre. Vingt-neuf secondes.

Wouhou, en plus il avait le droit à son nom complet. C'est que c'était très grave. Il nageait en plein incompréhension. Il était habitué aux « Nana ». C'était pour dire s'il ignorait qu'il avait un jour prononcé son vrai nom devant Finn. Enfin bref, le contractant eut droit à deux orbites grands ouverts de la part de son chain. Qu'est-ce qu'il avait fait de mal ? Trente secondes pour s'expliquer... ce n'était pas bien compliqué. Le chain parut réfléchir un instant. De toute façon, il n'avait pas grand chose à dire. Il avait essayé de chercher un concombre dans l'Abysse et n'en avait pas trouvé. Ce qui le confortait du fait qu'on ne puisse pas se défendre dans l'Abysse avec un concombre. L'idée se voulait simple, et surtout pas tordue. Toujours baigné dans cette incompréhension sans cesse grimpante, le chain tourna sa vision droit dans les yeux de son colocataire et lança, tout à fait simplement.

-Tu sais, y'a pas de concombre dans l'Abysse.

Voilà. Toutes ces blessures pour ça. Une aussi simple conclusion qu'il aurait pu faire plus tôt. Auquel il aurait été préférable qu'il ne songe pas. Mais le chain avait l'esprit tourmenté, cet esprit qui le faisait penser différemment des autres. C'était un esprit à part, qui se prenait le choux avec des choses qui n'en valaient pas la peine. Pourtant, il devait y trouver un intérêt quelconque, bien qu'on ignore vraiment en quoi. En vérité ce qui l'étonnait vraiment, c'était l'énervement du contractant, et surtout cette sensation de soulagement paradoxal. Plus il y pensait, plus il croyait s'être absenté pendant un certain temps. Pour lui l'Abysse c'était un peu son chez soi d'avant qu'il n'aimait plus beaucoup. S'il avait pris le temps d'y réfléchir un peu plus longuement, il aurait compris que c'était vraiment un endroit à part, où le temps ne s'écoulait malheureusement pas de la même manière.

Le chain poussa à soupir à fendre l'âme, avant de se décider à se lever. Ce fut quelque chose de particulièrement éprouvant, comme un lendemain de sport qui voulait dire courbatures. Le chain dégagea alors rapidement sa main de sa manche et la passa derrière lui, pour empêcher son contractant de la voir. Mais par-là même, son geste était louche. Il se servit de sa main gauche pour mettre son poids dessus et ainsi soulever sa carcasse ensanglantée. Aussitôt, il remit ses mains dans ses manches, l'air de rien. Si Finn ne pouvait pas voir de quoi il s'agissait, il était certain qu'il saurait qu'il cachait quelque chose. Pour détourner l'attention de son jeune maître, Naaru souffla sur une des mèches qui barrait son œil droit à moitié avant de dire, un peu frustré :

-Qu'est-ce qu'il y a ?

Son contractant le fixait trop pour qu'il ne s'agisse que d'une farce. Si tel était le cas, Nana était en tout cas persuadé que ça ne l'était pas. Restait donc à savoir ce qui motivait tant son contractant à faire grise mine.

Des fois Finn se dit qu'il va faire un truc pour son tempérament. Des fois il essaie vraiment, vraiment de se contrôler. Et d'ailleurs il est très calme en temps normal. Mais dès qu'on pousse les bons boutons - ou qu'on s'appelle Naaru Irwin -, y'a rien à faire, ça démarre au quart de tour. Si ce n'est pas au dixième. C'est plus fort que lui. Alors en plus après plus d'une semaine de tension accumulée ? Ça explose. Les hommes ne sont pas connus pour leur résistance mentale à ce genre de pression, de toute manière.
Et Nana ne fait rien, strictement rien, pour arranger la situation.

Pourquoi. Pourquoi est-ce que le bougre a en plus l'air honnêtement surpris ? Comme s'il n'avait rien fait de mal. Finn lui laisse une grande liberté, mais même Nana doit savoir qu'il ne pourrait pas disparaître plus d'une semaine sans rien dire, et ne rien craindre au retour. Il connaît Finny depuis le temps. Et même s'il n'a pas vraiment les mêmes définitions pour désigner les relations que les humains, tout de même... Le contractant, toujours aussi peu prompt à la réflexion, commence à penser qu'en plus il se paie sa tête. Ce ne serait pas la première fois qu'il imite tellement bien un sentiment que n'importe qui y croirait. Surtout lui. Du coup, pour s'empêcher de réellement lui sauter à la gorge, il serre un peu plus sa main sur son bras. Il grincerait presque des dents tellement il boue intérieurement. Finalement il s'est décidé, et la colère vient écraser le soulagement. Dommage Nana.

- Tu sais, y'a pas de concombre dans l'Abysse.

Pendant deux secondes il entend les mouches voler. Il s'attendait à beaucoup de réponses, certaines même très farfelues. Mais pas à celle là. Evidemment, au bout des deux secondes, la troisième est mise à profit pour remettre un coup de clé, et il est encore plus furieux qu'avant. Cette fois, il a vraiment l'impression que l'autre se paie sa tête. Ce qui ne va pas pouvoir continuer comme ça. Il s'étonne lui-même de ne pas s'être encore jeté sur lui.
Bah mince alors, il a plus de contrôle qu'il ne le pensait.

- Tu te fiches de moi.

Son ton est dur, et ce n'est même pas une question. Convaincu comme il est.
La seule chose qui le retient d'attraper Nana par la peau du kimono, c'est de le voir faire tout un tas de manières étranges pour se lever. Allons-bon, pourquoi jouer avec son bras droit ainsi ? Pourquoi il est plein de sang son kimono, d'ailleurs ? Il s'est déjà posé la question. Du coup maintenant il recommence à s'inquiéter. Une vraie girouette. Et Nana ouvre la bouche une fois de plus :

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Le voir ainsi l'air décontracté, presque désinvolte, fait repasser son inquiètude au second plan. Ni une, ni deux, il cède et clos la distance qui les sépare en deux enjambées, décroisant les bras pour empoigner la chain par le haut du kimono et le plaquer brusquement contre l'arbre derrière. Aucune gentillesse, et sur le coup il ne prête même pas attention aux blessures que son ami peut présenter.
Il n'est, en quatre mots, pas content du tout. Du tout, du tout.

- Dix jours Naaru. Dix jours que tu as disparu sans prévenir, et tu as l'audace de demander ce qu'il y a ?!

Les mots sont crachés avec force, bien qu'il ne soit pas en train de crier. Il met de la violence dans ses paroles au lieu de les hurler à la face de l'autre homme, martelant chaque phrase en poussant la chain contre le tronc. Pourtant au fond, tout ce que cela cache, c'est à quel point il s'était rongé les sangs pour l'imbécile qui parle de concombre en face de lui. Sauf que lorsqu'on en vient à Naaru, Finn oublie souvent toute demi-mesure. Après tout c'est comme ça qu'ils ont appris à se connaître.
Il attrape sans prévenir le bras droit de Nana et le tire de sa cachette. Et il ne peut que contempler l'étendue des dégâts, et imaginer ce qui se cache sous le bandage de fortune bien teinté de rouge. Il fronce un peu plus les sourcils, remontant ses yeux verts pour fixer leurs semblables en face. Il a une vilaine envie de tirer sur ce bandage pour voir ce qu'il y a en dessous, mais il se contient sur ce coup là. Parce qu'il sait bien, pour en avoir fait les frais lui même, qu'un bandage sur une blessure peut bien cacher une jolie fontaine en dessous. De toute façon les chains se rétablissent mieux et plus vite que les humains. Du coup, autant bouger sur le prochain objectif.

- Qu'est-ce que tu as vraiment été faire ?

Son ton laisse entendre qu'il ne souffrira d'aucun refus. Il veut et il exige une réponse. Qui ne contienne pas le mot concombre si possible. Qu'est-ce qui a bien pu prendre dix jours qui le mette dans cet état ? Et pire, que Finny de son côté ne ressente aucune détresse de la part de la chain. Le lien qui les unit permet toutes sortes de communications non verbales et longue distance. Pourtant, rien n'est passé via ce lien dans les dix derniers jours. C'est inquiètant même s'il est bien heureux de ne pas avoir non plus ressenti de rupture soudaine dans la connection qu'ils partagent. Cela n'aurait rien présagé de bon du tout.
Tout cela n'empêche pas. Il n'a une fois de plus pas réussi à se contenir en présence de Nana, mais en même temps c'est tellement habituel qu'il n'y prête plus attention. Cela dit, il ne s'emporte pas souvent à ce point sur la chain. Habituellement, leurs bagarres restent de l'ordre de la chamaillerie. Finn qui pète une durite pour un appartement en bordel. Nana qui boude comme il ne devrait pas être permis de bouder parce qu'il n'aime pas le menu du jour. Ou pour toute autre invention de son esprit tordu. Dernièrement c'était le boudin blanc... Une vraie tragédie, ce boudin. Dire qu'à cause de ça, Nana a vu... Ce soir là... Quand... Bref. C'est pas le sujet. Il y a d'abord une autre histoire à tirer au clair.

Ok, ok, ok, soit Nana avait fait quelque chose de très très très très mal, soit Finette revenait d'une mission qui l'avait barbé et qu'il voulait s'en prendre au chain. Or, comme cela n'arrivait pas, pour dire jamais, Naaru opta pour la première affirmation. Maintenant, restait à savoir la raison de cet énervement si apparent. Il fallait mieux être honnête sur la raison de sa disparition de quelques heures. C'est pourquoi il le fut. Et ne compris pas du tout l'expression de son contractant. Hm... en général, il aurait poussé un soupir, même sourit du coin des lèvres. Mais là non. Ils s'observaient l'un l'autre sans dévoiler une quelconque rangée de dents. S'il y avait bien quelque chose qui barbait le chain, c'était les discussions sérieuses. Dans le genre vraiment sérieuses. Cependant, lorsque cela devait arriver, Naaru pouvait comprendre pleinement la situation.

Le problème, c'est que pour Nana, ce n'était pas encore une discussion sérieuse. Il savait que son contractant était plutôt tête brûlée, mais qu'au final il en venait rarement aux mains. Les paroles, et encore les paroles. Il savait les manier aussi bien que son sabre. Et Nana était aux antipodes. Lui, il s'exprimait par la gestuelle principalement, sauf si on lui trouvait un sujet intéressant. Bref, il débattait peu. Finn avait encore les bras croisés, fixant son chain dan les yeux. Bon sang. La situation l'ennuyait déjà. Et l'autre qui ne dit rien. Si cela continuait, il s'en irai et retournerai à la maison le plus rapidement possible. Franchement, il avait beau chercher, il ne comprenait pas les motivations du garçon. Il avait foutu le bordel dans la maison ? Non. Il ne serait pas autant en colère contre lui. Et son regard serait moins sérieux. Naaru s'apprêta à détourner son visage lorsque finalement quelques mots s'échappèrent de la bouche de son contractant.

- Tu te fiches de moi.

Le chain voulut paraître désintéressé, mais ses yeux trahirent totalement ses sensations. Il se trouvait totalement démuni. Sans trouver la source, il ne pouvait rien, strictement rien faire. Il devait s'expliquer. Il l'a fait. Qu'avait-il besoin d'autre ? Totalement pacifique et fatigué, Naaru baissa les épaules dans un long soupir. Avait-il l'habitude de se payer sa tête ?
… Ok, avait-il l'habitude de le regarder sérieusement tout en se payant sa tête ?
…
Ouais enfin bon là il lui avait répondu sérieusement, et pour s'être côtoyés durant un certain temps, Finette était en mesure de savoir s'il plaisantait ou pas. Tut du moins, il l'espérait. Et puis mince après tout, il n'allait pas se mettre à genoux et lui jurer sur toutes les divinités qu'il avait dit la vérité. Et puis, même dans ce cas de figure, Nana pourrait mentir puisqu'il n'a strictement rien à faire des divinités. Bref. Comme dit précédemment, il ne mentait pas sur ce coup-là, un point c'est tout.

L'instant d'après, le chain se releva en faisant attention à ne pas montrer son bras. L'être pacifiste qu'il était ne voulait pas inquiéter plus que cela le contractant qui avait dû manger un boudin blanc tellement il était livide. Pourtant, Nana l'avait prévenu. Il voulut lui demander ce qu'il avait mangé cette après-midi mais se retint un peu, conscient malgré lui que ce n'était peut-être pas le bon moment. Et qu'après tout, s'il l'avait mangé, c'était trop tard pour lui. Il remit ses mains dans ses manches avant de racler son pied sur le sol plein d'herbes pour enlever la terre. Oui, il était encore pied nu. Il releva l'instant d'après son minois et demanda alors la vraie question qui le turlupinait. Qu'avait-il bien fait au monde pour mériter pareil interlocuteur ? Il avait mal un peu partout, et tout ce qu'il voulait c'était dormir. Accessoirement prendre une douche sinon Finn allait le trucider une deuxième fois. Oui, parce que vu la tronche que son contractant lui a sorti, il avait tout l'air de vouloir lui casser la figure une première fois, pour rester poli. Et non plus verbalement.

Le maigre espace qui séparait les deux individus fut comblé par deux pas rapides. Naaru eut le temps de cligner des yeux avant de se faire propulser contre l'arbre qui lui avait servi de dossier. Il fallait dire que c'était beaucoup moins confortable ainsi. Le contractant le tenait le col du kimono déjà bien amoché et lança un regard qui ne plut guère au plus âgé. Le chain ferma violemment les yeux pour accuser le choc sans laisser échapper un cri quelconque, mais lorsqu'il les rouvrit, il ne put s'empêcher de lancer un regard à faire fuir les cauchemars. Son incompréhension lui suffisait déjà mal, mais si en plus il se faisait attaquer pour une faute qu'il n'avait même pas l'impression d'avoir commise, c'en était trop. Naaru s'apprêta à riposter au moins avec la même violence -c'est qu'il avait toujours de la force, ce machin-, lorsque son ami-qui-lui-pompait-l'air-en-ce-moment lui cracha avec fougue à la figure ces quelques paroles, pleines d'émotions...

- Dix jours Naaru. Dix jours que tu as disparu sans prévenir, et tu as l'audace de demander ce qu'il y a ?!

Il nota l'accentuation du dix en question. Et alors là. Là, le chain, en plus de se faire vraiment maltraiter avec ses blessures, lui sortit ses plus beaux yeux ronds. Quoi ? Mais vraiment QUOI ? Il avait manqué un épisode. Et un gros. En fait, Naaru croyait même que Finn était devenu fou. Dix jours ? Il s'était absenté une dizaine d'heures, tout au plus ! Il avait raté son réveil, ou bien avait rêvé de ça. Et Nana n'était pas encore suffisamment fou pour mélanger heures et jours. Le chain fronça aussitôt les sourcils, sentant son sang s'agiter dans ses veines. Ça allait bien les insinuations. Le contractant força alors Naaru à lui montrer son bras, ce qui, décidément, ne satisfit guère plus l'énergumène. Se servant de l'arbre comme d'un appui, il repoussa brutalement son assaillant, poussant sur son bras gauche autant qu'il le put. Et blessé ou non, il avait la force d'un chain, qui n'était vraiment pas négligeable. Lorsque son contractant fut repoussé deux ou trois mètres plus tard, Nana s'encra sur ses deux pieds, légèrement titubant. Il en avait des choses à dire. Oh oui, tellement qu'il ne parvint même pas à faire le tri et qu'aucune question ne franchit la barrière de ses lèvres. Et puis, ce n'était pas non plus une petite fille qui allait pleurer. Non, alors il se tut. Pour pas longtemps...

-Dix... DIX JOURS ? Mais tu débloques ma parole ?!

Tout ceci prononcé d'une voix forte et qui porte loin. Nana était très extraverti, et lui exprimait au brut ce qu'il pensait. Même quand il s'énervait. Il tint son bras droit qui lui faisait plutôt... atrocement souffrir et fronça ardemment les sourcils pour marquer sa frustration. Qu'allait-il se prendre cette fois ? La chaussure de Finn dans la figure ? Un quelconque projectile ? Ou allait-il encore utiliser les mains ? Le chain avait mal au dos et ça ne s'arrangeait pas au fil du temps. Et son bandage qui lui serrait la main pour empêcher une futur hémorragie. Dans tous les cas, il se remettrait, mais il aurait préféré rentrer chez lui se soigner pour cicatriser plus vite. Au lieu de ça, il se chamaillait âprement avec son ami de toujours. Quelle plaie. Il l'aurait bien résonné autrement, mais il avait la curieuse impression d'oublier un GROS détail. Le genre de détail qui pourrait régler tout ça très rapidement.

- Qu'est-ce que tu as vraiment été faire ?

Le chain roula des yeux d'un air théâtral. Allait-il devoir se répéter ? Non, non il ne le ferait pas. Alors, il changerait la manière de le dire. Disons qu'il est allé dans l'Abysse. Simplement. Mais ça n'expliquerai pas totalement ce sang sur ces vêtements. En fait, face à un autre chain, Naaru n'aurait pas eu à développer, mais finalement, là il le devait. Alors, il soupira, lassé de toute cette mascarade et lança d'un voix un peu tranchante.

-Tester mes capacités face à d'autres chains dans l'Abysse, ou quelque chose du genre. Je crois.

La fin de la phrase fut plus monotone, moins criarde. Ça y est, le drame était passé, le chain avait changé d'expression. Il soupira une seconde fois. Non il n'était pas parti là-bas pour se battre, mais après tout, il fallait bien qu'il s'explique. Et c'est ce qu'il avait fait. Il croisa alors les bras sur sa poitrine et attendit, quelque peu boudeur.

Une fois de plus, l'autre homme a l'air surpris. Pourquoi ? A croire qu'il ne sait pas lui même ce qu'il a fait, et qu'il pense qu'il est en train de se faire malmener pour rien. Comme si Finn était volontairement violent physiquement avec lui pour aucune raison. Réellement, on pourrait presque croire que c'est une chain battue.
Sauf que non. Si Finn a bel et bien la fâcheuse habitude de s'énerver quotidiennement sur Nana, ce n'est jamais sans raison. Parce que non, l'agacement, l'irritation et/ou - suivant le cas - la colère ne sont pas une seconde nature chez lui. S'il y est prompt, c'est uniquement parce qu'il doit y faire face tellement souvent qu'il n'essaie même plus d'y résister. Ou très peu. Evidemment, cela n'est valable que dans certains cas. D'où le fait qu'il démarre comme une fusée uniquement lorsqu'on appuie aux bons endroits. Nana doit en connaître une bonne partie par coeur. A croire que c'est instinctif chez lui.
Toujours est-il que de voir l'autre surpris visiblement surpris une fois de plus l'agace prodigieusement. Pourquoi c'est toujours lui qu'on fait passer pour le méchant de l'affaire, alors qu'en fait c'est Nana qui cache trop bien son jeu ? Un jour, le Monde saura.
Mais ce jour n'est pas aujourd'hui.

Banana revient à lui-même rapidement, et, bien que d'apparence bien amoché, il lui reste encore pas mal de force en réserve. Suffisamment pour repousser Finn en arrière avant qu'il ne puisse penser que Naaru riposterait. Le contractant trébuche mais, de manière surprenante, ne se viande pas. Applaudissons l'équilibre.
Evidemment, il regarde sa chain trop mal. Presque prêt à revenir à la charge, avec les poings cette fois.
Mais Finny n'est pas un être colérique et violent en même temps. Surtout que franchement, c'est ridicule de frapper quelqu'un qui est déjà blessé. Lamentable, même. Et puis bon sang, il a dépassé l'âge des crises tempéramentales. Tentons de gérer ça entre adultes.
Tenter étant le verbe clé de la phrase.

- Dix... DIX JOURS ? Mais tu débloques ma parole ?!

...
Le contractant l'assassine proprement du regard. Et comme tout assassinat au regard, la victime meurt et ressucite tellement vite qu'en fait personne ne s'en rend compte, la victime en premier. D'où le fait que l'expression "si les regards pouvaient tuer" est incorrecte. Il manque un "définitivement" à la fin. Et ceci sera un jour accepté par l'Académie Française. Oui Marcel.
Le contractant ne se retient même pas d'aboyer sa prochaine phrase, parce que ras-le-bol que l'autre n'ait pas l'air de comprendre.

- C'est toi qui débloques oui ! On est l'combien dans ta tête ?!

Réellement, si ce genre de situation venait à se reproduire, il pourrait être amené à reconsidérer la liberté qu'il laisse au chain. Non il ne le fera pas maintenant, il est plus indulgent que cela. D'autant plus que l'idée ne l'enchante guère. S'il est bien évident que dans la relation, il est le "maître", il rechigne à voir cette superioté qu'il a sur Nana. Parce qu'il en est un peu beaucoup trop arrivé à le voir comme son égal. De là, le fait de prendre une mesure aussi drastique viendrait complètement détruire ce pied d'égalité sur lequel ils se tiennent. Et quelque part, cela rabaisserait Nana. Parce qu'en regardant les choses en face, combien savent qu'il n'est pas humain et pourtant ne prennent pas ce paramètre en compte ? Probablement pas beaucoup. Il ne sait pas si Nana s'en préoccupe, d'ailleurs. Peut-être, peut-être pas. Quelle importance. Lui ferme les yeux dessus sans même plus y penser. Voilà au passage pourquoi, à le voir comme Nana une entité à part entière, sans prendre en compte aucune conditions, ils se chamaillent si souvent pour des divergeances de point de vus. On ne peut pas demander à des entités complètement différentes de penser de manière semblable. Allez demander à un canard ce qu'il pense de l'obsession des humains à travailler, vous verrez ce qu'il en pense. Si la comparaison n'est pas glorieuse, elle illustre en tout cas bien les mondes de pensées différents auxquels appartienennt Naaru et Finn.
Pourtant, ça ne les empêche absolument pas de s'engueuler comme des marchants de poissons rivaux au petit matin sur un port. Comme quoi, certaines choses sont universelles.
Pour sortir de cette digression qui sort du sujet, revenons à nos moutons. Cette fois Naaru a l'air agacé. A rouler des yeux. Le contractant pense très franchement qu'il se moque du monde et qu'il va reconsidérer sous peu l'idée de lui envoyer son poing dans la tronche. Peut-être que cela aurait le mérite de lui remettre les idées en place. Sinon, il le balancera dans la rivière pour le faire revenir à lui. Très bonne idée à conserver, ça. Seulement, Naaru se décide à rouvrir la bouche avant que Finny ne puisse esquisser le moindre geste pour mettre en application un de ses deux nouveaux plans.

- Tester mes capacités face à d'autres chains dans l'Abysse, ou quelque chose du genre. Je crois.

...

Oh l'idiot... Oh le pas doué. Oh la grosse pata... Ok ça suffit.
Finny reste pantois, complètement hébété, devant la déclaration de Naaru. Un seul mot a réellement atteint son cerveau et ce mot est "Abysse". Voilà au passage une illustration de la perte d'information entre l'émetteur et le récepteur et arrêtons nous là pour ce cours.
Naaru était dans l'Abysse. Et ce sombre imbécile n'a pas pensé une seule seconde que le temps entre les deux dimensions est radicalement différent. Ce que la chain a pris pour une petite poignée d'heures est bel et bien un bon tiers de mois dans le monde réel. Le taux de conversation est absolument inconnu au contractant qui d'ailleurs s'en fiche éperduement, et ne pense même pas qu'il y en ait un. Tout ce qu'il sait c'est que Nana est une banane. Il mérite amplement son surnom.
Passée sa surprise, le plus jeune retrouve la parole. Il ne hausse plus le ton, mais la colère teinte encore ses mots :

- Espèce de crétin.

Et il insiste bien sur le mot clé de la phrase. Réellement, dix jours pour ça ? Il aurait dû s'en douter. Il aurait dû se douter qu'il y avait encore une histoire louche derrière tout cela. Après tout, c'est Nana. Et Nana ne disparaît pas sans prévenir. Pas plus que son contractant ne disparaîtrait sans l'avertir aussi. Il est toujours bon pour chacun de savoir où se trouve l'autre bout de la corde qui les relie.
Enfin. Finny n'en a pas terminé avec Naaru. Le fait que la chain semble honnêtement ne pas se rendre compte du problème le sidère. Du coup, il décide de clarifier la situation oralement, tandis qu'il croise les bras pour contenir son irritation.

- Le temps ne s'écoule pas de la même façon dans le monde réel et dans l'Abysse. Ici, ça fait dix jours. Que tu le veuilles ou non.

Sur ce il soupire profondément et marmonne pour lui même :

- Pourquoi est-ce que je m'en fais pour toi de toute façon...

Finalement, il se détourne pour faire face à la rivière. Même plus envie de poser ses yeux sur Naaru, tellement l'être en face le sidère. Il ne sait même pas s'il a envie de le puncher, s'il doit l'attraper et le secouer comme un prunier, ou s'il faudrait mieux tout simplement quitter les lieux et le laisser là contre son arbre.
Sa main droite lâche le bras qu'elle serrait pour aller sur son visage, doigts écartés pour remonter ses cheveux qui bien entendu retombent en place sur son front aussi tôt. Il soupire.

- J'espère que t'as gagné au moins.

La référence est faite aux "autres chains dans l'Abysse" contre qui il a été "tester ses capacités". Visiblement, s'il est là, c'est qu'il a gagné. Mais il a pris cher. Bien fait pour lui, ça lui apprendra.
Un jour, le contractant va vraiment lui obtenir ce collier et cette laisse. Avec son nom gravé sur la médaille du collier.
Ce jour sera un jour glorieux. Glorieux et qui changera sa vie. Tout à fait.

Qu'avait-il fait à la terre entière pour recevoir pareil regard de son contractant. D'une, il ne comprenait pas. De deux, il espérait que Finette avait une très bonne réponse à lui fournir pour le malmener ainsi. Parce qu'il avait intérêt à avoir une très bonne raison. Nana était gentil, ô combien malicieux et sympathique, mais il ne fallait pas pousser le bouchon. C'était un chain avant tout. Il pouvait... comment dire, changer d'attitude assez rapidement. C'est pourquoi il ne tarda pas à repousser violemment son assaillant. Non, il ne comprenait pas. Et il ne cherchait plus à comprendre. La situation l'énervait au plus haut point, et du fait qu'il était blessé, il en était deux fois plus irritable. Pauvre petit agneau. Bref, le chain ne manqua pas de jeter un regard mauvais à son, pourtant, ami de toujours. Qui ne tarda pas à lui renvoyer le même visage. Hurlant quelques paroles, Naaru plongea peu à peu dans une colère sans précédent. Juste parce que le sens de cette discussion lui échappait. Pour ainsi dire totalement. Et son contractant n'avait pas l'air de comprendre lui non plus.

- C'est toi qui débloques oui ! On est l'combien dans ta tête ?!

Nana renifla, avant d'inspirer profondément en fermant les yeux. Le combien ? Ils se prenaient la tête sur une date ? Tout ce que voulait le chain, c'était se reposer, et simplement ça. Dormir. Qu'on le lâche de suite. Et non, non. Non, Finn le tenait, le maintenait debout, le réveillait sans cesse, alors que lui rêvait de rêver, justement, si tout du moins les chains pouvaient le faire. Le combien ? Vraiment, le combien ? Eh bien, eh bien, quel jour était-on ? Il ne s'amusait pas à regarder la date tous les matins. En fait, il se fichait bien des jours, du temps qui passe et de toutes ces choses. Compter, à quoi cela servait-il ? Fêter un anniversaire, quoi de plus ennuyeux ? Quand était-il né, lui ? À vrai dire, ça lui était totalement égal, et il ne connaissait pas non plus la date d'anniversaire de son contractant. Est-ce qu'il fêtait son anniversaire, lui ? Bougeant par réflexe son bras, la souffrance de ce dernier le ramena à la réalité. Il secoua la tête et râla bien vivement.

-Mais qu'est-ce que j'en sais, merde ? Tu t'amuses pas à regarder l'heure toutes les minutes, si ? Ben moi, c'est pareil, j'en ai rien à foutre des jours !

Il leva les yeux au ciel d'un air lassé. Son énervement était à son comble, mais il se maîtrisait plutôt bien. Et c'était uniquement parce que c'était Finn face à lui. Uniquement pour ça. Il ne pouvait pas être vraiment méchant avec lui. Même s'il ne comprenait pas la réaction de son coéquipier, il gardait un certain respect pour ce dernier. Il s'adossa au tronc derrière lui et souffla un bon coup, en mettant les mains dans ses manches, prenant un soin infime à ne pas trop faire bouger sa main droite. Il ne le montrait pas, mais sa blessure semblait plus profonde qu'il ne croyait. Et ça, ça allait prendre du temps à cicatriser. Beaucoup de temps. Il savait qu'il avait perdu beaucoup de sang, mais tant qu'il ne faisait pas d'anémie, il ne s'en ferait pas plus que ça.

Vint alors le moment pour lui de s'exprimer sur ses agissements passés. Et il fut honnête. En relevant la tête vers son contractant, il put admirer son visage dans toute sa splendeur. Et surtout l'expression qui s'y encrait profondément. Quoi ? Il avait raté un épisode ? À l'observer, ce devait même être un gros épisode. Tellement immense qu'il lui serait passé au-dessus de la tête... sans doute.

- Espèce de crétin.

Naaru eut un semblant de grincement de dents. Il était inconscient certes, mais pas idiot. Et crétin, c'était quelque peu excessif... il inspira profondément. Si ça continuait, il finirait par mettre u pain à son chaleureux camarade. Il y avait des limites à la moquerie. Alors il attendait impatiemment que son contractant veuille bien s'expliquer au lieu de l'insulter de toutes les manières possibles. Ses yeux verts fusillaient régulièrement son interlocuteur, mais le rythme s'était accéléré depuis un certain temps.
Silencieux, il attendit sa réponse. Et il fallait éviter de trop faire attendre le chain, par mesure de sécurité. Et effectivement, cela ne tarda pas... trop.

- Le temps ne s'écoule pas de la même façon dans le monde réel et dans l'Abysse. Ici, ça fait dix jours. Que tu le veuilles ou non.

Dix jours... l'Abysse ? Cet endroit, malgré lui, était son chez soi, et il n'avait jamais eu de problème auparavant avec les jours qui passaient. Il haussa un sourcil interrogateur, comme s'il n'était pas sûr de comprendre. Pourtant, il était tout à fait conscient à présent de ce fait. Il soupira un certain temps. Comment avait-il pu être aussi bête. Tout d'un coup, il trouva son comportement injustifié. Alors, il se laissa tomber le long du tronc, reprenant la position qu'il avait quitté quelques minutes plus tôt. Il détourna enfin son regard de Finette et laissa filtrer un sourire idiot. Ils s'étaient battus, jusqu'à en arriver aux mains, pour le temps. Ce temps qui file, toujours plus vite. Qu'ils étaient idiots. Tous les deux. Pas l'un plus que l'autre. Peut-être Nana un peu plus que Finette, mais en tout cas il n'allait pas l'assumer. Naaru patienta un instant, avant de murmurer juste assez fort pour que Finn entende en tendant son oreille :

-Désolé...

Pourtant, cette excuse n'en avais rien d'une. Elle était prononcée d'un air si râleur qu'on en venait à se demander si ce n'était pas par obligation qu'il le faisait. En tout cas, il osa remonter son regard vers celui de son contractant, l'air un peu boudeur. La pression était redescendue en un rien de temps. Moins qu'il n'en faut pour le dire. Puis, le jeune homme posa ses yeux émeraude sur l'horizon. Et maintenant ? Allait-il pouvoir se reposer ? Le chain commençait à avoir un peu chaud. Sa tête lui tournait de temps en temps, et malgré ses efforts pour faire fis de ces maux, le chain repoussa sa tête contre l'arbre en fermant les yeux.

- J'espère que t'as gagné au moins.

Un sourire se dessina sur les lèvres du plus vieux, et il ouvrit les yeux pour fixer la cime de l'arbre. D'aussi fort qu'il put, il répondit du tac au tac.

-Évidemment, j'allais pas te laisser tout seul.

Et puis, de toute façon, il ne serait plus là pour témoigner si ç'avait été le cas. Mais Naaru ne voulait pas lui répondre ceci. C'était bien trop dur. Inconcevable à son esprit. Ils étaient liés par quelque chose de plus fort encore que le sang. Comme s'il n'étaient qu'un. Que la perte d'un signifierai la mort de l'autre. Or, Nana avait vécu un long moment seul, et il ne souhaitait pas offrir cette aventure à son jeune maître, bien qu'il ne le considérait pas comme tel. Un sourire moqueur se dessina sur le visage du chain, qui lança une pique qui lui était venue dans l'instant.

-On dirait que j't'ai manqué, petit maître.

Le chain insista longuement sur le « petit » en question. Oui, il était petit. Ce petit maître. Un rire passa sur ses lèvres, pour souligner la moquerie. C'était une façon de se venger du « crétin » d'avant. Mine de rien, ça lui faisait chaud au cœur de se sentir important. De se sentir autre chose qu'une machine à tuer. Enfin bon, peut-être que Finette s'en faisait pour sa vie à lui, en perdant de vue son chain. Il ne voyageait pas dans sa tête, il ne pouvait donc pas deviner les vrais agissements. Tout du moins, en posant cette question, il allait avoir une réponse. Une goutte de sueur passa sur le nez du chain, qui s'empressa de l'enlever car cela lui donnait envie de se gratter. Il était fatigué. Terriblement fatigué. Il voulait fermer les yeux. C'est ce qu'il fit. La blessure le faisait atrocement souffrir. Alors il soupira. Pour une fois, il ne voulait pas trop discuter. La fatigue le clouait littéralement au sol.

Naaru est idiot, mais le contractant ne vaut pas mieux. De tous les endroits où chercher une chain, il n'a absolument pas pensé à l'Abysse. Pas qu'il y serait allé faire un tour bien sûr, les chances d'en ressortir sont trop aléatoires et moins il voit ce lieu mieux il se porte. Mais pour une chain ? Il n'a pensé à le rechercher que dans Réveil et ses alentours, persuadé qu'il s'était fourré dans une quelconque situation hautement improbable et était incapable de s'en sortir tout seul. Alors qu'en fait, non. La chain était tout bonnement dans l'Abysse. Là d'où il vient, et ce que le contractant n'a que trop tendance à oublier. Comment vit Nana quand il va dans l'Abysse ? A priori, pas si bien que cela vu son état. Les humains se cognent sur la figure dès qu'ils n'en aiment pas un autre et en ont l'occasion, mais visiblement les chains essaient carrément de se bouffer les unes les autres dès qu'elles se croisent. Ou alors Nana est allé provoquer plus gros que lui, qui sait. Le contractant n'est pas sans savoir que lorsque la chain s'ennuie, il lui arrive de disparaître un moment et de revenir avec l'attitude de celui qui a ôté la vie à quelque chose, ou à quelqu'un. Bien qu'il ne pense honnêtement pas que Nana s'amuse à tuer des humains dans la rue. Il est plus gentil que cela. Ou plutôt, sa méchanceté et sa cruauté ont des cibles particulières. Peut-être qu'à force de vivre avec les humains, il en récupérera quelques habitudes. Après tout, Banana n'est-il pas celui qui réclame sa pitance tous les soirs alors qu'il n'a même pas besoin de manger pour vivre ? Habitude. Habitude qui, visiblement, lui plaît. Alors qu'en revanche, par exemple, il faut presque le pousser sous la douche pour qu'il se débarbouille. Finny soupçonne d'ailleurs que ce trait là ne soit pas le témoin d'un manque d'hygiène mais juste d'un gros poil dans la main. Bon, peut-être aussi qu'il n'en voit pas tant que ça l'intérêt. Mais ça viendra. Un jour, ça viendra.

- Désolé...

Le plus jeune détourne son regard de la rivière pour le poser à nouveau sur la chain, recroquevillé contre son arbre. C'est vrai qu'il est blessé. C'est vrai qu'il va falloir, à un moment ou à un autre, lui faire traverser la ville, le faire entrer dans l'appartement, le pousser dans la salle de bain, et traiter toutes ces blessures comme il le ferait sur un humain. Il ne sait rien du processus de cicatrisation des chains, seulement qu'il est plus rapide que celui des humains - et même que celui des Baskerville -, il ne sait même pas si s'amuser à nettoyer les plaies y fait quoi que ce soit, mais il le fera quand même et il bandera ce bras en piteux état aussi. C'est comme ça qu'on s'occupe d'un camarade blessé après tout.
Enfin pour l'instant, Finn a juste envie de lui lancer une pierre dessus pour ses excuses qui n'en sont pas. Dire qu'il se permet, encore, de bouder alors qu'il est celui en faute. Des fois, tenter de faire entrer un truc dans son crâne épais est peine perdue.

- La prochaine fois, laisse un mot sur la table.

Il lance ça sans vraiment y croire. Des fois la chain le fait. Des fois pas. Souvent pas, en fait. C'est plus le truc du contractant, qui d'ailleurs les laisse souvent accompagnées de menaces en tout genre, ou de remarque sur comment il a, une fois de plus, profité de l'absence de la chain pour lancer un raid dans sa chambre. Les absents ont toujours tord comme on dit. Mais ça, Nana aussi l'a compris. Parce que lui, il lance ses raid sur l'appartement tout entier quand le chef n'est pas là. Comme les chiots qui, en attendant que les humains daignent revenir s'occuper de lui, s'attaquent à tout ce qui passe à leur portée. Malheureusement pour Finny, Nana est un chiot surdimensionné et il se trouve qu'il y a beaucoup trop de choses à sa portée.
Une laisse, un collier et une niche à côté du paillasson. Voilà ce qui l'attend.

- Évidemment, j'allais pas te laisser tout seul.

Le plus jeune souffle d'un dédain feint. Voilà que l'autre fait le malin à présent. Alors qu'au fond, il a tout à fait raison.
Dix ans de vaisselle. Dix ans de vaisselle, une laisse, un collier et une niche à côté du paillasson. Ça va être géant.

- On dirait que j't'ai manqué, petit maître.

Le contractant plisse les yeux. Bah tiens. Plutôt crever que de répondre oui. Oui il a raison, oui il s'est fait un sang d'encre, oui il n'était pas content du tout de constater la disparition de son ami. Oui il lui a manqué.
Mais l'exposition des sentiments est terminée. De toute façon, le Nana est tout à fait capable de lire par delà ce qu'affiche son contractant. Et puis d'abord, il n'est pas petit. Non mais.

- Il manquait juste des bras pour faire la vaisselle.

Et nah.
Finn se retourne enfin complètement vers l'autre homme, puis s'en approche. Ses grimaces de fatigue ne sont pas passées inaperçues, loin de là. Il est grand temps de ramener la bête dans son terrier - parfaitement propre, d'ailleurs - et de lui offrir un détour par la case salle de bain. Du coup, le contractant se plante devant la chain et lui tend une main.

- Allez viens, on rentre.

Le plus jeune tente d'afficher une mine renfrognée alors qu'au fond il a envie de sourire de soulagement. Du coup, on dirait surtout qu'il boude comme un gosse. Ce qui n'est pas glorieux. Ce dont il se vengera quand Nana sera en pleine possession de ses moyens. Comme d'hab quoi. D'ici là, il va le ramener au bercail, le pousser sous la douche et ensuite le mettre dans son lit. Même qu'il le bordera s'il est sage. Des fois, il a vraiment l'impression d'avoir un enfant à charge. Un petit galopin malicieux qui n'a que trop bien compris comment faire pour embêter son entourage. Bref, c'est Nana.
Et il l'aime comme ça.

Nana ne cessait de fixer son contractant. Peut-être parce qu'il espérait quelque chose, au fond de lui ? Après tout, lui ne demandait qu'à rentrer. Il ne demandait qu'à dormir, qu'à s'allonger sur un lit moelleux et attendre qu'enfin la nuit passe. Qu'enfin, il en termine avec cette blessure. Pourtant, il était bien parti pour posséder encore ces traces de combat pendant... quelques jours. Trois au maximum. Il ne fallait pas sous-estimer le pouvoir de cicatrisation d'un chain. Pour Naaru, trois jours de blessure, et il croyait posséder cette cicatrice jusqu'à la fin de sa vie. En fait, il vivait un peu à l'écart du monde humain. Le chain ne pensait pas pareil qu'eux et des fois ça l'arrangeait, ne serait-ce que pour mettre son très cher contractant dans un état de semi meurtrier. Il fallait dire que c'était bien amusant. Qu'importe, actuellement son regard se portait sur l'étendue d'eau, un peu plus loin, juste au-dessous du pont. Nana n'était pas un chat, pourtant, il n'aimait pas beaucoup l'eau. Sans doute le jalousait-il de sa liberté. De sa place en chaque homme. Lui n'y était pas soumis. Il n'avait pas soif. Pourquoi ? Il y avait des jours où le chain se sentait un peu reclus, comme s'il n'avait jamais existé. Comme si de toute façon la vie ne s'en serait jamais mieux porté sans son apparition. La vie n'en avait plus rien à faire de lui.

- La prochaine fois, laisse un mot sur la table.

La tête de l'intéressé se leva à hauteur de l'autre visage, d'un air interloqué. Quoi, il n'avait pourtant rien dit de sorcier. Non, effectivement. On avait juste sorti Naaru de sa bulle pendant une demi-seconde. Alors, il vous lançait ce regard que rien ne pouvait imiter. Il laisserait un mot sur la table. Il devait ? Ou bien, il en avait le droit ? En fonction de la réponse, cette affirmation passait à des degrés moindres ou plus importants. À voir s'il se retrouverait dans un coin de son crâne ou bien tout près de l'hypophyse. Connaissant l'énergumène, il y avait pourtant peu de chances qu'elle se retrouve près de la deuxième hypothèse. Il en avait laissé des mots. Quelques fois. Peu souvent. D'autant plus qu'il avait tendance à raconter sa vie dessus. Si bien qu'un jour Finn était même revenu alors que lui devait être parti depuis 10 bonnes minutes déjà. Parfois, au contraire, il ne laissait qu'un seul mot. Pas par flemme, pas par volonté d'être synthétique ni même parce qu'il était pressé. Non, simplement parce qu'il voulait n'écrire qu'un seul et unique mot. Qui pouvait tout aussi bien ne pas s'agir d'un mot clé. Bref, le Nana était un cas qu'il fallait mieux ne pas chambouler trop rapidement.

- Il manquait juste des bras pour faire la vaisselle.

Il fronça les sourcils. Pour l'unique raison que Finette était actuellement en train de lui déballer à tort et à travers qu'il lui manquait simplement des bras pour la vaisselle. L'attitude bornée du chain ne tarda cependant pas à se muer en un espèce de rictus sarcastique, témoin de son "percutage" lent. À la vérité, Finn devait s'être fait du mouron pour lui. Quelque part, ça le rassurait. Mais... uniquement parce qu'il l'avait nié en bloc en installant une... excuse bidon, Nana eut envie de le lui faire payer gentiment. Et un sourire amusé lui suffisait amplement. Il n'avait pas besoin de parler avec lui, il bougeait simplement. Finette était une sorte de décryptage HD Nana TV. Et ça lui évitait souvent de sortir de longs monologues. Alors, il écoutait simplement les paroles de son contractant. C'était en quelque sorte un dialogue de sourd pour le chain, qui bien souvent se fichait royalement des insultes que Finette pouvait lui envoyer. Heureusement, parce qu'ils n'en finiraient pas de s'énerver sinon. Son bras ne tarda pas à le démanger, signe que le sang commençait à coller. Mais il ne pouvait pas non plus se permettre d'enlever le pansement, ne serait-ce que par peur de voir l'atrocité de la chose. Une main avenante lui apparu à quelques centimètres de son museau, et il leva la tête pour en trouver le propriétaire. Qui d'autre que Finn ? Personne. Et la vérification se trouva juste. Son air incrédule contrasta en force avec celui boudeur du contractant.

- Allez viens, on rentre.

Qu'est-ce que c'était ? Il avait bien entendu ? Non, non, Nana n'était pas maltraité par son contractant, loin de là, mais c'était tout de même rare qu'il lui propose son aide pour quelque chose d'aussi débile que se relever. Et même si le cerveau du chain chercha longtemps la signification de son geste, allant jusqu'à fouiller dans sa mémoire des derniers livres qu'il avait lu, sa main gauche prit celle qu'on lui désignait. S'appuyant à moitié sur le tronc, il se hissa sur ses bipèdes droit et gauche et réajusta une mèche qui était venue se planter en plein milieu de son visage. Il mit ses mains dans ses manches et reprit sa mine réjouie tout en s'exprimant alors :

-Espérons qu'il n'y ai pas trop de monde sur les routes...

Oui, chose rare, Nana avait pris conscience de ses vêtements trempés du sang des autres chains – et sans doute du sien – et surtout de sa main elle-même ensanglantée, cachée par les montagnes de vêtements que constituaient ses manches. Pourtant, sa phrase finit, il avança et se mit en plein milieu de la route. Après tout, les humains étaient du genre à ignorer les choses qui se passaient sous leurs nez. Et puis, Nana était tout sauf discret, après tout. Il se retourna et cria presque aussi fort qu'un marchand :

-Bon, tu viens ?

Avant de se recentrer sur la route et de commencer à marcher, comme si de rien n'était, ses courbatures passées. Mais toujours, toujours restait cette salle sensation au bras droit.

L'attitude amusée de l'autre lui annonce clairement qu'il est grillé. Tout bêtement grillé. Le Chain sait parfaitement qu'il s'est fait du soucis pour lui. Des fois, Finn se demande si Naaru saisit réellement ce que signifient tous ces sentiments. Est-ce qu'il s'attache vraiment au fond, lui qui vivra encore des centenaires après la mort de son jeune maître ? Son contractant n'est qu'un humain. Un pauvre et frêle humain. Alors il veut croire que oui et tant pis s'il se leurre jusqu'à sa mort. Penser que non lui ferait du mal et puis il ne fait de tord à personne, non ? Au pire, le Chain s'en fiche. Au mieux, il ne se leurre pas. Voilà tout. Ils se comprennent mieux que quiconque et pourtant chacun est un mystère pour l'autre. Enfin, Nana est un mystère pour Finn, mais pour être honnête, c'est probablement plus le genre humain que Finn qui est un mystère pour Naaru. Qu'importe. Quand le plus jeune décédera - ce qui a bien plus de chance de se produire en premier que l'inverse -, peut-être que Nana aura appris quelques choses. Donc il se rappellera encore longtemps. Et finalement, son jeune maître actuel ne sera pas oublié si facilement que ça.
Enfin, marquer à tout jamais Nana n'est pas non plus son objectif premier quand il essaie de lui apprendre à se comporter. Loin de là. Pourquoi est-ce qu'il fait ça d'ailleurs ? Aucune idée. Le voir faire tout un tas de choses - souvent exprès pour l'énerver en plus - l'agace et, avant de s'en rendre compte, il est déjà en train de lui râler dessus. C'est tout. A force, c'est devenu une habitude, une façon d'animer des journées qui parfois pourraient bien trop se ressembler sinon. Certes être un Baskerville fait qu'elles ne sont pas toutes si semblables que cela. Il faut veiller à rester incognito - pas trop dur quand notre liste de relations relativement proches se compte sur les doigts d'une main -, survivre aux missions, être prêt à mener toutes sortes d'opération n'importe quand, rester en forme et faire tout un tas d'autres choses que leur incombe leur condition. Qu'ils n'ont pas choisie, mais qu'ils acceptent largement.
Néanmoins. Même avec cela, avoir un Nana à domicile, c'est quand même sympa. Et puis ça fait chier les voisins et comme Finn aime beaucoup embêter son monde quand il s'ennuie, c'est parfait. Et puis au moins, même s'il ne l'écoute pas, il a quelqu'un à qui causer tout le temps.

Et pas que. Il l'avoue. Il ne s'en cache pas, en fait. Des fois, il attend que le Chain soit dans les parages pour aller piquer sa crise sur le ménage. Juste pour pouvoir lui aboyer dessus. Parce que c'est drôle de réduire Nana en esclavage des fois. Tout comme il est drôle de se disputer avec lui pour rien. Ou de lui poser sous le nez un truc qu'il n'a jamais vu et de l'observer faire avec. Ou de le pièger sur un truc qu'il n'a jamais vu. Juste pour le plaisir. Ou encore de réussir à tellement l'énerver - ça c'est parfois délicat - qu'il quitte l'appartement en rageant, laissant derrière lui son contractant ricanant.
Y'a pas à dire, ils ont une relation mouvementée.
Et pourtant. A force de cohabitation, ils sont capable de déterminer qu'est-ce qui est grave et qu'est-ce qui ne l'est pas chez l'autre. Par exemple, Nana sait parfaitement que les crises de maniaquerie aiguës de Finn peuvent être pointées du doigt pour en rire. Ça l'énervera, mais il s'en remettra parfaitement. Alors qu'en revanche, il sait qu'il ne faut pas trop jouer au plus malin quand son jeune maître lui laisse voir son affection ou son inquiétude. Parce que là, il le prendra mal. Et en réalité, Finn a plus tendance à s'énerver dans tous les sens sur des broutilles que lorsqu'il prend réellement mal les choses. Tantôt, il était vraiment énervé contre Nana. Et sa colère était froide, peut-être qu'elle aurait fait un peu peur à quelqu'un d'autre que son propre Chain. Chain qui, ne comprenant pas, s'était énervé à son tour. Mais ni l'un ni l'autre n'était en train de se moquer de son camarade ou de rire intérieurement, loin de là.
Qui aime bien châtie bien.

- Espérons qu'il n'y ai pas trop de monde sur les routes...

Le plus jeune lève les yeux au ciel. Pourquoi est-ce qu'il a l'air content des potentiels ennuis qu'il pourrait leur attirer ? Fichu Banana. Espérons en effet, parce qu'ils passeront limite moins inaperçus que si le contractant avait sa cape rouge sur le dos. Il faudra éviter les regards. Et préparer un sacré mensonge. Le coup de la sauce tomate risque fort de ne pas passer ici.

- Bon, tu viens ?

Le cri du plus âgé tire Finn de ses pensées. Eh bien, il a encore de la voix pour un mourant. Qui d'ailleurs n'attend pas et continue son chemin, obligeant son maître à le rattraper en trottinant pour se placer à ses côtés. Nana et la discrétion, une grande histoire d'amour.

- De toute façon t'as pas les clés.

Dans les dents. Il l'a déjà vu rentrer par la fenêtre - le bougre pense à tout - mais aucune fenêtre n'est actuellement ouverte. En réalité il n'aime pas vraiment laisser quoi que ce soit d'ouvert en partant. Sait-on jamais qui pourrait rentrer dans l'appartement.
Mais bref. En rentrant, il le pousse dans la salle de bain et l'enferme dedans jusqu'à ce qu'il se soit entièrement débarbouillé. Ensuite il jouera aux apprentis médecins. Et ensuite, comme tous les médecins, il prescrira du repos, du repos et encore du repos et ira l'enfermer dans sa belle chambre propre. Qui doit même sentir le propre tellement elle l'est. Oh, enfermer Nana là dedans. Douce vengeance. Il va voir ce qu'il en coûte d'aller chercher des concombres dans l'Abysse sans l'en avertir. Oui madame.
Quand il lui mettra un collier, il faudra qu'il pense à graver son adresse au dos de la médaille portant le nom de l'animal. Comme ça, si des gens le trouvent, ils sauront où le ramener. Parce qu'ils le ramèneraient. Il n'y a que lui pour supporter le Nana. Comme il n'y a que le Nana pour supporter le Finn. Coincés tous les deux jusqu'à la mort.
Et ils ont l'air de plutôt bien le vivre.