L'Homme a toujours rêvé de voler. N'ayant jamais su se contenter de ce qu'il avait, étant du genre à vouloir accomplir ce qui paraissait impossible, ne pouvant qu'envier les oiseaux qui planaient librement au-dessus de leur tête, il a toujours aspiré à transgresser sa bipédie et sa soumission à la gravité. Lui qui n'avait pas d'ailes, qui n'avait par nature pas sa place dans les airs, voulait tout de même s'en trouver ou s'en faire une. Utopie irréalisable ou espérances qui, un jour, connaîtraient une bienheureuse conclusion ? Ça, seul l'avenir pourrait le leur dire. Il n'empêche que cette ambition était l'une des seules durables que l'humanité ait connu, ayant transgressé les générations successives jusqu'à aujourd'hui. Mais au final, était-ce plus à cause d'un besoin frénétique d'obtenir ce que la nature ne le lui conférait pas ou par une intarissable soif de liberté ?
Quoi qu'il en soit, Sora ne pouvait que comprendre cette envie. Depuis qu'il avait passé un contrat illégal lui permettant de se métamorphoser, il sortait souvent juste pour se transformer en oiseau et voler sans autre contrainte que le temps. Bah, ne pas pouvoir maintenir sa transformation plus de vingt ou trente minutes n'était déjà pas si mal, même s'il lui était déjà arrivé d'être un peu trop imprudent et de frôler l'arrêt cardiaque – enfin ça c'était surtout dans les débuts, quand on pouvait le comparer à un garçon en pleine découverte de ses capacités ainsi que de leurs limites et dont le principal trait de caractère est l'imprudence.

Sora adorait prendre la forme d'un oiseau, voler gonflait son cœur de palpitations joyeuses. Sentir le vent sur ses plumes était agréable, avoir l'impression que jamais personne ne pourrait le mettre derrière des barreaux soulageait le claustrophobe haineux des cages qu'il était.
Ce bien-être lui était bénéfique, c'était ce dont il avait besoin actuellement. Après être sorti de l'appartement d'Aiko, sa meilleure amie qui venait d'apprendre pour lui et son pacte avec Alfic et avait semblé particulièrement affectée, le jeune homme avait eu l'impression qu'elle avait raison de le faire sortir de chez elle : il ne s'y sentait soudainement pas sa place. Une sorte de culpabilité le rongeait. Et voulant apaiser ce sentiment – tout en se disant qu'il n'en avait pas le droit puisque celle à qui il venait de causer du tort devait se sentir bien plus mal encore –, à peine avait-il franchi les portes du bâtiment que notre artiste de rue s'était mis à courir sans se ménager, sans s'arrêter, au point que sa tête tourna au point qu'il crut s'évanouir, que ses poumons le brûlaient et que ses muscles tiraient désagréablement quand il s'arrêta enfin, à la périphérie de la ville. La tigresse blanche apparut alors à ses côtés et tenta de lui parler, de l'apaiser, mais sans l'écouter il se transforma rapidement en oiseau et décolla, oubliant qu'utiliser ce pouvoir alors que ses sentiments le contrôlaient et que son corps venait de se prendre un grand coup de fatigue n'était pas une bonne idée.

Le vent était fort mais, si Sora avait eu dans ses débuts quelques soucis d'adaptabilité à un corps d'oiseau faisant qu'il avait enchaîné les chutes, désormais il était capable de manier ses ailes aussi bien que ses bras – ce qui faisait qu'il profitait encore plus de ses vols, puisqu'il avait moins à se soucier de leur aspect technique.
Notre vagabond plana longtemps sous la forme d'une mésange bleue, sans se soucier de sa direction. Au bout d'un moment il réalisa soudain qu'il atteignait la demi-heure, donc ferait mieux de reprendre sa forme humaine s'il ne voulait pas morfler méchamment voir y laisser la peau, alors il décida de se poser à l'orée du jardin de l'immense manoir qu'il pouvait voir non loin et vira dans cette direction tout en entamant sa descente.... Quand une bourrasque brusque et violente, qui avait sans doute fait vibrer quelques vitres, lui fit perdre le contrôle de sa trajectoire. La panique le gagnait, mais tous ses efforts furent en vain puisque malgré tout l'associé défendu se rapprochait dangereusement de la bâtisse. Quand il vit que le scratch dans l'une des vitres était imminent, il chercha par un réflexe purement humain à mettre ses bras devant son visage, en vain puisqu'ils avaient été remplacés par des ailes qui n'étaient pas faites pour ce genre de mouvement. Néanmoins, il put fermer les yeux juste avant de rencontrer les carreaux de verre.

Bam. Le choc avait été encore plus violent que ce que Sora avait imaginé, tellement qu'il fut projeté en arrière et s'échoua sur le gazon en contre-bas – non sans avoir sauvé un peu de son honneur en se rétablissant juste à temps pour éviter au maximum les dégâts. Pour autant il sentit qu'il n'avait pas réchappé aux meurtrissures, vive les ecchymoses et autres petites plaies. Mais plus de se soucier de quelques bobos le principal était de savoir s'il allait survivre à cette journée, alors sans plus tarder notre Enderstar reprit son apparence normale. Et, comme il le redoutait, non seulement son cœur qu'il avait malmené avant de devenir oiseau mit très longtemps à repartir mais en plus tout son corps protestait contre l'effort physique intense de tantôt ainsi que le choc et la chute qu'il venait de subir.
En résumé, l'homme aux yeux bleus était dans un piteux état. Au bout d'un moment, juste avant que son sang se remette à circuler normalement dans ses veines, il frôla de peu la perte de conscience. C'était donc sans avoir tous ses esprits qu'il resta là, allongé, le regard dans le vide, jusqu'à ce qu'enfin il se reprenne assez pur qu'une pensée le traverse, lui qui avait vu son passé défiler devant ses yeux et s'était déjà vu enterré – d'ailleurs il n'avait rien trouvé de mieux à faire que de se dire qu'Aiko allait encore plus lui en vouloir.
Ah, je suis toujours en vie...
Au-dessus de lui, le ciel ravissant semblait lui dire que tout n'était qu'un rêve.

La journée s'étirait lentement.
C'était une belle journée, de celles où le soleil darde ses rayons doux sur le monde, trônant dans un ciel immaculé bleu, d'une pureté telle, que croire au paradis devenait presque naturel.
Les oiseaux chantaient la vie, et les plantes dégageaient une odeur délicate, embaumant l'air de leur parfum printanier.
Il y avait de quoi avoir le cœur léger, et pourtant...

Sharon soupira en reposant sa tasse de thé.
Elle avait attrapé un petit rhume qui l'agaçait, et la rendait assez sensible. Pire encore, elle se retrouvait consignée seule dans son domaine, en proie à l'ennui et des pensées négatives emplissaient déjà son cerveau. Pourquoi fallait-il que ce grand crétin de Break parte aussi longtemps?
Elle éternua, porta un mouchoir brodé à son nez et l'essuya doucement.
Ho certes, elle aurait pu utiliser Eques, mais elle avait envoyé son Chain sur d'autres missions... zut.

Elle se perdait dans des conjonctures inutiles lorsqu'un coup de vent plus violent balaya son jardin, emportant avec lui le châle qui recouvrait ses épaules plus loin.
Zut.
La demoiselle se leva, pesta intérieurement, et s'en alla à la recherche de celui-ci, espérant qu'il ne soit ni souillé, ni abîmé: un cadeau de sa défunte mère auquel elle tenait tout particulièrement.
A petites foulées, la jeune fille entama sa recherche, regardant à gauche à droite, et ne prêtant guère attention à ce qu'il se passait à ses pieds, de telle façon qu'elle ne vit pas tout de suite le corps de Sora. Sharon trébucha, et finit sa course à terre.
Une seconde d'étonnement. Elle cligna des yeux, et d'une main elle tâta le terrain.
*Mais que?*
La jeune femme se rendit compte que sous ses paumes il y avait un… visage. Oups?
D'un bond, elle se redressa, tentant de garder un tant soit peu de dignité:

"Ho excusez moi! je ne vous avais pas vu!"

Tilt. Mais que faisait un homme étalé dans son jardin? un maraudeur? un voleur? un stalkeur?
Mais en considérant ce dernier, la jeune fille se rendit compte qu'il était en fort mauvais état: des bleus, des égratignures, sans doutes quelque chose de cassé.
Sharon porta ses mains à sa bouche, et se pencha rapidement sur Sora, un visage décomposé par l'inquiétude.

" Ho! mon dieu! monsieur, répondez moi! allez vous bien? "
Elle avait peur de l'avoir blessé encore plus qu'il ne l'était.
Sharon posa ses mains sur ses épaules, sans doutes pour le secouer un peu, mais se ravisa tout de suite, ne voulant pas rajouter de souffrances inutiles au pauvre corps meurtri qui se trouvait là.
"Est ce que vous pouvez bouger?"
Sa voix trahissait une réelle inquiétude, ses yeux se remplissaient de larmes.
Fichu rhume.

hrp: désolée c'est court ;;w;;

Le gazon était assez agréable, tout compte fait. Il se serait bien vu rester là jusqu'à la fin de journée, voir y passer la nuit. Bon le fait que les brins d'herbes le chatouillaient partout où sa peau était exposée était un bémol évidemment – à la longue, les démangeaisons provoquées empiraient –, mais Sora n'avait vraiment pas la foi de bouger là, même remuer son petit doigt était un obstacle insurmontable. Son corps était lourd et meurtri, son esprit brumeux et fatigué. C'était comme si on l'avait court-circuité avant de l'abandonner ici, livré à lui-même et incapable de bouger. Du coup, ses seules occupations (si on pouvait appeler ça comme ça) étaient fixer le ciel et somnoler. Un observateur lointain pourrait croire qu'il se payait une petite après-midi tranquille à faire la sieste, mais de près on ne pouvait pas louper toutes ses petites blessures. Jusqu'ici sa journée avait été tout sauf paisible, c'était l'épuisement et non la paresse qui le clouait au sol. Et plus il restait là, sans bouger, plus la lassitude montait en lui. C'était un cercle vicieux auto-suffisant, sans le sens où l'humeur maussade qu'il produisait au fur et à mesure était justement le carburant dont il avait besoin pour continuer à tourner en boucle. Si seulement ce fichu serpent qui le rongeait de plus en plus consommait tout ce qu'il produisait à chaque tour qu'il faisait, son moral resterait dans un état stable... Mais non, évidemment, cette charogne n'avait pas besoin de grand chose pour continuer son manège.

Bref, vive l'optimisme, la vie en rose et les petits oiseaux qui chantaient, mais actuellement Sora n'avait pas tout cela en tête. En fait il se sentait étrangement vide, mais sans doute était-ce dû à son manque d'énergie.
À le voir ainsi, on oublierait presque qu'il n'était pas en pleine campagne dans une énorme prairie vide de tout, mais juste à côté d'un immense manoir. À croire qu'être sur une propriété privée sans autorisation ne le dérangeait pas plus que ça, jouer les invités non désirés n'était pas important comparé à la possibilité de profiter du temps et de la température, tous deux délicieux malgré un début de journée maussade, sur une pelouse bien entretenue.  
Mais évidemment, le jeune homme n'allait pas pouvoir goûter à ce calme ni à cette impunité indéfiniment. Il avait déjà été assez chanceux pour avoir le temps de frôler l'évanouissement puis de rester un long moment – allez donc savoir exactement combien de temps mais un long moment – allongé à cet endroit sans se faire repéré puis chasser. Si cela se trouvait, on l'avait vu mais tous ses petits bobos avaient inspiré pitié et on l'avait laissé tranquille ? Quoi qu'il en soit, les bruissements d'herbe qui lui parvinrent auraient dû l'alerter mais son cerveau s'était complètement déconnecté, de manière à ce que sa logique ne comprenne pas qu'une personne se rapprochait.

Non pas que Sora put ignorer cette présence encore longtemps, puisque celle-ci buta contre son corps avant de s'étaler contre lui subitement. Encore heureux que la personne soit légère sinon il aurait bien pu mourir étouffé, déjà qu'une mince jeune femme avait réussi à chasser l'air de ses poumons... Mais bon, disons que la surprise avait fait son office aussi, d'ailleurs c'est aussi à cause d'elle que ses yeux s'ouvrirent soudainement et que son esprit passait du mode « ralenti » au mode « alerte générale ».
Que ?! Quoi ? On voulait le plaquer ? On lui en voulait ? Qu'est-ce qu'il se passait ? Qui était cette demoiselle qui s'excusait ? La fixant avec surprise en battant des cils, notre contractant illégal devina bien vite qu'elle devait être de bonne famille vu la qualité de ses vêtements.
De son côté, l'inconnue remarqua bien vite l'état peu enviable dans lequel il était et lui demanda s'il allait bien sur le ton de la panique totale, tandis qu'il se passait la main dans la tête en fermant étroitement les paupières et en lâchant un mince râle : chaque parcelle de son corps était en train de lui faire une révolte. Malgré tout, le jongleur fit un effort pour se reprendre et porter son attention sur la brune. Mais... Pourquoi était-elle au bord des larmes ? Elle avait peur que toutes ses blessures soient de sa faute ? Elle était hypersensible ? Cela le rendit quelque peu perplexe mais, avant de se soucier de ce sujet, il chercha par réflexe à la rassurer – il n'aimait pas voir les autres s'inquiéter pour lui alors la voir dans cet état le faisait se sentir coupable – en commençant par se redresser. A son rythme, c'est à dire sans précipitation, se brusquer n'était pas une bonne idée dans son état.

-Je vais bien, ne vous en faites pas.

Parvint-il à articuler sans que sa voix ne ressemble trop à celle d'un homme plus mort que vif. Sora put même esquisser un mince sourire, pour tout vous dire.
Après une courte pause pendant laquelle il étudia ce qui l'entourait, son regard se fit interrogateur alors qu'il regardait la demoiselle dans les yeux.

-Qui êtes-vous.... ? Et où suis-je ? Je crois bien que je me suis perdu...

Très bonne observation, Sora. Évidemment, tu n'avais pas pu t'en soucier avant. Genre, pendant que tu étais allongé là à rien faire. Maintenant, tu allais déranger cette enfant qui n'avait certainement rien demandé – oh, suis-je bête, c'était déjà chose faite. Et puis, comment allais-tu expliquer ta présence ici ? La galère ne faisait que commencer pour toi...

[HRp : en espérant que ça t'ira ;w; ]

Haut dans le ciel, les nuages continuaient leur course lente mais inexorable.
Il y avait dans l'air comme une sorte de sentiment étrange, car plus aucun oiseau ne chantait, ou peut être était-ce une impression que la jeune fille avait?
Comment décrire ses sentiments en cet instant? Difficile, très difficile. Il y avait déjà cette impression de déjà vu, qui, sans le savoir, la traînait dans les tréfonds de sa mémoire, de ses souvenirs d'enfance. Un moment idéalisé, qui lui semblait alors si doux. Mais aussi autre chose. Danger? curiosité? tristesse? joie? elle ne pourrait pas vraiment déterminer le sentiment exact qui semblait lui tordre les entrailles, juste un ensemble de choses qui teintaient l'atmosphère d'étrange.

Le vent qui continuait à s'abattre sur les lieux, faisait danser les brins d'herbe du joli jardin. Le sol devenait comme une sorte de mer verte, mouvante et vivante.
Sharon continuait à fixer le jeune homme étendu sous elle, une expression circonspecte figée sur son visage d'enfant. Il ne semblait pas mort, mais il était comme vidé de son énergie vitale… encore une fois, une impression de déjà vu s'empara d'elle, alors que ses yeux cherchaient à comprendre comment il avait fait pour se retrouver là, et surtout, comment il avait fait pour finir dans un aussi mauvais état.
Il se redressa, lentement, peinant presque à chaque mouvement, et sa voix vacillante, qui se voulait rassurante, ne fit que confirmer ses craintes, ses blessures devaient être bien douloureuses.
Sharon quant à elle, ne s'était pas relevée, restant à genoux à côté de Sora, ne sachant pas trop que faire de ses mains. Elle ouvrit la bouche, puis la referma, fronça les sourcils d'inquiétude, puis, posa ses mains sur ses genoux, serrant les poings légèrement.
Jadis, elle avait été confrontée à une situation similaire, mais sa mère était présente, et avait pu prendre les choses en main, et e de la façon la plus efficace qui soit. Mais désormais, elle était seule.
La jeune fille se mordit la lèvre inférieure, puis, ferma les yeux un instant. Non, elle n'avait pas besoin d'aide pour secourir cette personne, non, elle n'appellerait pas Break, sa grand-mère, et gérerait la situation toute seule. Enfin, elle rouvrit les yeux, et comme mue par une détermination toute nouvelle, posa ses yeux singuliers sur Sora.

"Je suis Sharon Rainsworth, vous êtes ici dans mon jardin. "

Lentement, elle prit entre ses petites mains blanches celles du jeune homme, le plus doucement qu'elle put, et esquissa un sourire qui se voulait rassurant:

"Hors de question de vous laisser là, seul dans cet état. "

Encore une fois, elle ferma quelques secondes ses yeux en un rire cristallin, et sans laisser le temps au jeune homme de répondre, ajouta:
"Eques!"
Un cercle sombre se forma sous leurs pieds, alors qu'on pouvait entendre un hennissement répondre à l'appel de la petite demoiselle.
En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, ils furent engloutis dans l'ombre, entraînés dans une sorte de tunnel sombre et froid. Le silence était complet, si ce n'était le bruit de sabots d'un cheval au galop.
Le voyage ne dura que quelques secondes, secondes durant lesquelles la jeune noble n'avait pas lâché le blessé.

Le bout du tunnel était lumineux, et l'atmosphère de la pièce dans laquelle ils émergèrent étaient calme, parfumée, chaude.
Sharon, non sans une certaine difficulté, obligea le pauvre ère égaré à s'allonger sur un canapé de soie luxueusement orné, et d'une largeur presque effarante.
Ce ne fut pas forcément une sinécure, mais elle voulait y arriver seule.

"Comment êtes-vous arrivé là? où avez vous mal? je vais faire venir un médecin"
Son visage trahissait une inquiétude sourde, et elle semblait prendre toutes les précautions du monde, ne le touchant qu'avec des gestes mesurés, comme si elle avait peur qu'il ne casse.
Elle s'était penchée à nouveau vers lui, détaillait sa personne avec une attention toute méticuleuse. Puis, comme si elle revenait sur terre de nouveau, se redressa et alla tirer une cordelette qui se trouvait dans un coin de la pièce, avant de revenir s'assoir sur le bord du divan.

"Comment vous appelez-vous?"

Bon, point positif, sa tête ne tournait plus. Elle était encore douloureuse, mais les palpitations qu'il sentait sous son cuir chevelu se calmaient. Il avait eu bien de la chance, aucune de ses blessures n'aurait de répercussion à long terme, pas même celles dues à sa chute. Sora ferait juste la grimace à chaque mouvement trop brusque ou trop ample pendant quelques jours et garderait des bleus plusieurs semaines, c'est tout.
N'empêche, s'il s'était vu dans un miroir juste après que la demoiselle ne l'ait réveillé, il aurait eu peur. Le jeune homme ressemblait presque à un cadavre, son teint avait tellement pâli qu'il aurait pu se faire passer pour un fantôme.
Dans ces conditions, c'était sans doute naturel de la part de celle qui l'avait trouvé étendu de s'inquiéter pour lui. Après tout elle était humaine, l'ignorer et partir en le laissant ainsi aurait pesé sur sa conscience. Non pas que certains n'en étaient pas capables, mais ces gens-là étaient plus des monstres que des hommes au final. Ils avaient abandonné toute compassion et leur sens de l'entraide, devenant des êtres faits de cruauté et d'égoïsme. Il n'allait tout de même pas en vouloir à la jeune femme de ne pas appartenir à cette catégorie bien sombre de personnes, certainement pas quand il préférerait que personne ne soit aussi froid qu'eux. Ni quand lui-même n'aurait pas pu rester sans rien faire en voyant quelqu'un en aussi piteux état que lui au pied de son immeuble.

Cela dit, Sora était du genre à ne pas vouloir que des gens s'inquiètent pour lui – et encore moins des inconnus. Il considérait ne pas valoir la peine qu'ils perdent leur temps à l'aider ou même à lui demander s'il allait bien. Pourquoi ? Alors là. Bon, sans doute qu'il avait tendance à se dévaloriser, à penser qu'il n'était pas digne qu'on l'assiste. Et puis, il devait aussi avoir un côté solitaire qui a l'habitude de se débrouiller seul. Mais en même temps il avait effectivement vécu dans une sorte d'isolement pendant presque trois ans, en se débrouillant par lui-même pour subvenir à ses besoins ou régler ses problèmes.
Ah, ça faisait un moment qu'il n'avait pas été aussi proche de l'état dans lequel il était, quelques mois auparavant. L'état d'esprit, je veux dire. C'est fou comme sa rencontre avec Alfic l'avait changé. Sans oublier que, depuis qu'il était revenu à Réveil, le contractant illégal avait rencontré des gens désormais importants à ses yeux. Avoir de nouveau des amis n'avait pas été anodin pour lui, retrouver un peu de relationnel l'avait beaucoup aidé à retrouver le sourire. Peut-être avait-il accordé de l'importance à certaines de ces personnes trop rapidement – ou, du moins, sans avoir pris le temps de tout leur dire. Résultat, maintenant que l'une de ces amitiés devenues des piliers de sa vie semblait se fissurer, il en pâtissait grandement. Si cela se trouvait, rester dans son coin à marauder seul n'aurait pas été une si mauvaise idée tout compte fait...

Non, il ne fallait pas être aussi négatif. Le pessimisme, ça le connaissait bien et Sora ne voulait pas retourner dans ses profondeurs. À la place, il décida de se concentrer sur son objectif : rassurer la jeune fille. Oh, évidemment qu'il y parvint tiens, tellement qu'elle fronça les sourcils d'inquiétude. Crotte, sa voix l'avait trahi, il aurait dû se taire.
Elle sembla tout d'abord peu sûre de la marche à suivre, une certaine hésitation se lisait sur son visage. Mais après avoir clos les paupières, une assurance nouvelle la gagna et l'inconnue se présenta.
Sharon... Rainsworth ? RAINSWORTH ? Purée, mais comment avait-il réussi à atterrir dans le jardin de l'une des familles ducales ? Notre jongleur lui lança un regard surpris et incrédule en se demandant si elle se fichait de lui, mais au final, il n'eut même pas la force de douter de sa parole. Ses yeux descendirent en direction de ses mains quand il la sentit les saisir, puis remontèrent alors qu'elle reprenait la parole sur un ton doux et avenant.
Ensuite, quelque chose d'étrange se produit. La demoiselle prononça un mot (enfin plutôt un nom) et, tout d'un coup, une sorte de trou noir se forma sous eux. Que- ?! Il fit les gros yeux en voyant ce cercle sombre mais, avant qu'il n'ait le temps de faire quoi que ce soit d'autre, les deux protagonistes furent happés dans... Une autre dimension, sans doute, qu'en savait-il.

Par réflexe, Sora ferma les yeux étroitement en retenant son souffle, comme s'il plongeait non pas dans une sorte de vide intersidéral mais dans une piscine, et attendit. Attendit quoi ? Que ce phénomène étrange cesse, pardi. Parce qu'il espérait bien que ça ne durerait pas.
Heureusement pour lui, ce ne fut pas le cas (sinon il serait mort par manque d'oxygénation, quelle fin idiote). Il sentit autant qu'il vit à travers ses paupières closes qu'ils avaient quitté le tunnel : la lumière fut. Battant un peu des cils tout d'abord, notre Enderstar finit par ouvrir franchement les yeux et se laissa guider jusqu'à un canapé en faisant de son mieux pour que la noble n'ait pas à supporter tout son poids. Non pas qu'il pèse particulièrement lourd, mais ils avaient une certaine différence de gabarit. Une fois installé, il l'écouta le questionner et la regarda se déplacer avec tonicité. On ne pouvait pas dire qu'elle manquait d'énergie, mais si chez certains cela rendait leurs mouvements et leur ton agressifs, chez elle ça avait le don étrange de l'apaiser. Cependant, ceci ne changeait rien au fait qu'elle lui avait posé l'embêtante question du comment était-il arrivé dans son jardin. Ou plutôt comment il y avait atterri, puisque pour le coup, l'expression prenait tout son sens. Un air gêné passa très rapidement sur son visage, avant qu'il ne réponde.

-Ne vous dérangez pas pour moi, j'ai juste besoin d'un peu de repos. Mon nom est Sora. Je crois que j'ai pris un méchant coup à la tête, tout ce dont je me souviens est que je me baladais dans les bois...

Oooouh, la mauvaise excuse. Mais avant de lui laisser le temps de formuler un doute quelconque sur son histoire, Sora décida de l'interroger à son tour.

-Lady Rainsworth ? Qu'était ce... Trou noir ? C'est vous qui l'avez invoqué ?

Tandis qu'il parlait, l'associé défendu avait légèrement modifié sa position mais le regretta rapidement : ses nombreuses petites blessures se réveillèrent, lui arrachant une grimace de douleur juste après qu'il ait fini sa réplique.
Si il y réfléchissait, une seule conclusion logique s'imposait à son esprit : elle était une contractante. Ce n'était pas vraiment une chance, puisqu'elle pourrait très bien découvrir qu'il s'était lié illégalement à une Chain. Or si la brune faisait partie de la noblesse, elle devait forcément avoir un lien avec Pandora.
Attendez. Mais oui, elle était noble ! Et lui l'avait interrogée comme si de rien n'était... Il n'était pas resté à sa place. Légèrement contrit, il ajouta alors :

-Pardon. Si vous ne voulez pas répondre à mes questions, ce serait naturel.

Qui sait, elle voulait peut-être garder cette information secrète, même si Sora en savait assez sur ce monde et l'Abysse pour tirer des conclusions assez claires. De toute façon, ça, elle ne le savait pas, à ses yeux il devait être un citoyen comme les autres - donc tout aussi ignorant qu'eux.

[HRp : voilà, pardon pour la qualité qui laisse à  désirer, j'ai honte ;w; mais j'espère que ça t'ira quand même, que tu as de quoi répondre surtout !]

hrp: ne t'en fais pas c'est super! désolée pour mon temps de réponse, mon firefox me gobe les nouveaux messages! j'en ai raté plein!

Enfin, le jeune homme semblait reprendre peu à peu  ses esprits, et ce, malgré ses blessures. Sharon ne put s'empêcher de sourire, soulagée, mais il était hors de question de relâcher l'oiseau avec son aile cassée, non, non.
Elle alla chercher une bassine en porcelaine visiblement travaillée avec goût, dans laquelle elle avait versé le contenu d'une jarre, et revint s'assoir aux cotés de Sora.

"Ne bougez pas trop, Monsieur Sora. Vous pourriez très bien avoir quelque chose de cassé... empirer votre état ne serait guère réjouissant" Sharon sourit de nouveau, espérant rassurer son patient.  

"Elle devait être bien étrange, votre promenade pour que, soudainement, vous vous retrouviez dans le jardin de ma propriété. "
Elle essayait de parler doucement, pour ne pas inciter le jeune homme à trop bouger.
La petite noble avait sortit un mouchoir en soie de sa manche qu'elle trempa dans l'eau fraîche, et commença à le tapoter sur le front du blessé.
Elle le considéra un instant, continuant sa tâche avec autant de douceur qu'elle pouvait faire montre, ajoutant sur le même ton:

"Je ne vous forcerez pas à me dire ce qu'il en est, ni à me révéler ce que vous ne voulez pas me dire" Elle avait dardé ses yeux couleur pourpre dans ceux de Sora. Les agapes de ce dernier était tellement limpides,  qu'il était évident qu'il ne disait pas tout. Cela dit, c'était bien pour cette raison, ainsi que la couleur si chatoyante de ce regard qu'elle ne chercha pas à en savoir plus.
Sharon n'était néanmoins pas dupe, il devait y avoir une raison plus logique que "je me baladais, sur l'avenue, le cœur ouvert à l'inconnu".
Sora sembla par contre déstabilisé par son petit voyage avec Eques, comment ne pouvait-il en être autrement?
La demoiselle eut un air désolé:

"Je suis désolée, je ne voulais pas vous faire peur, juste... nous savons tous les deux que je n'aurai pas pu vous transporter seule et rapidement... alors... "
Elle secoua la tête lentement.
"Vous avez des secrets, permettez que j'ai les miens" finit-elle par conclure, éludant avec gentillesse la question de Sora. " Et nous ne nous connaissons que depuis si peu de temps"
Un rire enfantin emplis la pièce, alors qu'elle portait ses mains à ses joues.
La demoiselle faisait la princesse un peu mijaurée, mais c'était plus une tentative , maladroite, pour détendre l'atmosphère.

"Ne vous en faites pas, je ne me sens pas offensée, il est bien naturel de se questionner lorsque l'on vit ce genre d'aventures je dirais. "
Elle se pencha et murmura à son oreille:
"Peut être qu'un jour, je vous le dirais"

Puis, elle se redressa, et trempa de nouveau son mouchoir.
"Souhaiteriez vous manger quelque chose? boire? le médecin ne devrait plus tarder"

Sharon marqua un temps d'arrêt, et ajouta avec sa voix la plus joviale:
"Jusqu'à votre rétablissement, souffrez d'être mon invité!"