Schblaff ! fut le bruit plutôt dissonant d'une personne s'écrasant au sol, accentué par une fougue violente de retrouver un contact privilégié avec Mère Nature. La vérité était pourtant tout autre. Probablement moins... amusante ? En effet, Naaru revenait d'une mission. Ça ne lui arrivait pas vraiment souvent. Enfin, ce n'était pas tous les jours qu'il revenait d'une mission aussi fatigué. En temps normal, tout se passait plutôt bien. Il repassait en mode « gentil » et n'attendait pas plus pour demander à manger. Oui, Naaru aime manger. Pas n'importe quoi, et avec un cuisinier à la maison, il avait appris à être très exigeant.

*J'ai faim...*

Actuellement couché sur le sol, Naaru reprenait une inspiration. Ses cheveux repassaient doucement de leur couleur neige à une teinte plus chocolat. Ses yeux, en revanche, ne parvenaient pas à retrouver leur éclat émeraude d'origine. Ils flashaient, d'aussi rouges qu'ils soient, en direction de son contractant. Il la sentait moyennement, cette mission. Une infiltration, hein ? Ça s'était terminé en bain de sang, et à présent son beau costume bleu ciel était parsemés de vulgaires tâches rouges qui, pour la plupart, ne lui appartenaient pas. Au début, ces éclats de couleurs ne parvenaient que jusqu'à ses habits, mais ce fut bientôt tout son visage et ses pointes de cheveux qui furent pris dans cette débandade de couleurs. D'une manière moins poétique, le jeune Chain ne ressemblait plus vraiment à un humain. La majorité du sang avait séché sur son visage et ses cheveux, et ses vêtements allaient subir une drôle de répercussion en passant au lavage. Il espère en tout cas pouvoir les récupérer au sortir de la machine.

*Et maintenant on est paumé, et j'ai pas la force de bouger.*

Naaru pense de plus en plus fort. Mais il n'a pas tort. Finette et lui ont pas mal mis le bazar dans leur mission. C'était pourtant bien parti. La majorité des informations avaient été recueillies, et il ne restait qu'à rentrer. Mais voilà, à cause d'un malheureux accident dont Naaru ne recensera pas le mérite pour l'avoir en tout cas causé, les deux Baskervilles se sont retrouvés dans un merdier impossible. Il a fallu se battre, mais il se trouvait que les opposant furent plus nombreux. Cependant moins puissants, et beaucoup moins organisés en raison de leur grand nombre. C'est ce qui leur a permis de pouvoir fuir avant d'épuiser leurs dernières ressources. Naaru s'est senti partir vers la fin, un tournis lui a pris la tête et un mal violent lui a scié le ventre. Pendant qu'ils courraient, Nana a même cru qu'il allait tomber dans les pommes. Mais grâce au remède violent mais direct du jeune contractant, communément appelé une baffe, le Chain a pu se réveiller pour ne pas osciller sous la fatigue.

À présent, l'enjeu est tout autre. Les deux jeunes hommes sont en plein milieu d'une clairière, perdus dans un bois qui semble s'étendre jusqu'à « la limite de la frontière nord ». Loin. Naaru n'en peux plus. Il est loin d'être incassable, et les quelques coups qu'il s'est pris se régénèrent bien trop lentement à son goût. Doublé à cette envie fort tentatrice de bouder. Cette envie qui, dès l'instant où il se sentira mieux, prendra le pas sur toutes ses autres sensations, les obstruant jusqu'à en boucher les entrées. Il retournera dans son monde pour n'y plus sortir. Ses yeux se fermèrent. Il était réellement épuisé. Énervé aussi. Partir d'une façon aussi lâche n'était pas dans ses habitudes. Naaru aimait affronter ses adversaires jusqu'au dernier, et si Finn n'était pas intervenu pour le stopper dans ses affaires, il y serait probablement passé. Il n'y avait pas grand monde capable de le calmer lorsqu'il s'énervait. Probablement parce que Finn était son contractant... peut-être, ou peut-être pas.

*Ce n'est pas un contrat qui m'empêche de faire ce que je veux. Il a les bons mots pour parler.*

Ou comment dire que Naaru apprécie réellement son coéquipier. Il lui doit une fière chandelle. Et le duo forme une bonne équipe. Le jeune Chain grinça des dents en gémissant légèrement lorsqu'il sentit ses plaies se refermer. Il était plutôt doué pour se régénérer. Mais ce n'était pas le cas de Finn, et même si ce dernier avait moins participé à la bagarre, il s'en était quand même pris quelques-uns. Et Baskerville ou non, Finn restait encore quelqu'un de très humain. Il n'en mourrait pas, non, ce clan est bien trop proche de l'Abysse pour cela, mais il en subirait quelques conséquences tout de même. Soupirant, Naaru finit par ouvrir les yeux, ces deniers ayant repris leur éclat de jadis. Il se releva en tailleur, et observant son maître, toujours apparemment debout. Il se demandait bien ce qu'il faisait. Il voulait rentrer. Il en avait marre.

Lentement mais sûrement, le Chain se plongea dans des idées saugrenues, construites de toutes pièces par ses propres mains. Il pensa à ci et à ça. Il regrettait de ne pas avoir terminé le boulot, il voulait rentrer chez lui, il voulait manger, il... La liste s'étendait en longueur, et bientôt, il lui faudrait plusieurs pages d'écritures pour décrire tout ce qu'il ressentait. Tout tâché de partout par les marques de sang de ses congénères humains morts, il croisa les bras et baissa la tête.

-Je veux rentrer.

Cette inutile phrase prononcée de son air si craquant et pourtant si humainement probable de boudeur professionnel. Il ne s'énervait pas. Non, ce n'était rien d'autre qu'une flemme submergeant ses émotions, qu'une forte envie de faire autre chose, et d'un refus de soi-même par lui-même. Quelque chose qui ne menait à rien. Qui n'avait d'importance que pour la personne qui allait devoir le supporter. Quelque chose qui se calmerait d'ici trente minutes à une heure, si ce n'est plus, à moins d'avoir le remède miracle. Naaru n'y faisait pour l'instant aucune attention. Il maintenait son attitude, cloué au sol comme un piquet dressé. Son regard ne quittait pas l'herbe qui avait l'air de le fixer de son air trop... vert. Ses mains, plutôt sales, restaient blotties dans les manches du jeune Chain.

-Hey, t'as entendu ?

Et il insistait. Il insisterait jusqu'à sa réponse. Puis jusqu'à ce que l'on accepte ce qu'il souhaite, puis jusqu'à ce qu'il émette une autre demande. C'était une cercle infernal, pourtant ça ne faisait que commencer. Et puis après tout, de Finette ou de Nana, c'était bien ce dernier qui pouvait ramener les deux hommes à leur domicile, lentement certes, mais tout de même, c'était Naaru la boussole ambulante.

Mission d'espionnage, mission plantage, foirage, ratage, dérapage, cabotage, faut-savoir-courir-très-vite-quand-on-se-fait-griller-age.
Et aujourd'hui, mission d'espionnage a rimé avec tous ces adjectifs, et surtout le dernier -le Petit Larousse approuve l'appelation adjectif pour ce terme, même si il ne le sait pas encore-.
Naaru court vite. Son contractant aussi. C'est bien. C'est bien quand il y a la place pour courir. C'est moins bien quand il n'y a pas la place et qu'il faut - très littéralement - se tailler son chemin. Dans la forêt humaine, comme ils disent.
Ça se trouve il n'y avait pas que des humains dans le lot. Oh qu'importe. Mission facile, qu'ils disaient. Pas beaucoup de monde, qu'ils disaient. Dommage que la personne lui ayant confié l'ordre de mission se soit montrée à lui encapuchonnée - c'est impoli en plus !.
Dans tous les cas, les deux jeunes hommes ont réussi à se tirer d'affaire, et si on colle strictement au papier, la mission est même un succès. Les informations voulues sont récoltées.
Evidemment, le fait qu'ils se soient faits repérer en beauté tâche le tableau, et ils se feront taper sur les doigts au retour. Bah...
Pour le moment, la seule chose dont Finn se soucie, c'est de son corps qui lui fait mal tout partout, et de ces endroits où il ne pensait pas qu'il y avait un muscle ou tout autre chose capable de lui faire mal et qui se manifeste actuellement. Comme pour se venger de toutes ces années à ignorer son existance.
Il s'écroule promptement par terre. A cet instant, quelqu'un pourrait le piétiner que Finn s'en ficherait complètement. Il aurait l'impression d'un massage sur son corps tout endolori.

Non loin de là, Naaru fait la même chose. Ils sont tous les deux dans le même état, pas de jaloux.

- Je veux rentrer.

*Génial, moi aussi je veux rentrer. Et prendre un bain. Et manger un truc. Peut être même plusieurs, tout bien réfléchit. Dormir aussi. Que quelqu'un, pourquoi pas une chain, fasse le ménage dans l'appartement. Et la vaisselle, avant qu'un écosystème indépendant ne se développe dedans.
J'ai des projets pour toi Nana, de grands projets.*

Il passe une main lasse - et quelque peu tremblante ? - sur son visage. Oh joie, du sang séché. Est-ce que c'est bon pour la peau ça au moins ?
Une chose est sûre, ça gratte.

- Hey, t'as entendu ?

Finny grogne.

- Mais vas, rentre. Je ne suis pas en état de te retenir.

*Et toi pas en état de rentrer, mais c'est marrant de te voir essayer. A moins que je n'inverse les rôles.*

Il piquerait bien un roupillon là maintenant tout de suite au milieu de nulle part mais... Il aimerait bien que son prochain somme ne soit pas le dernier, et stratégiquement parlant, s'endormir ici augmenterait les chances que cela se produise. Il est flemmard, casse-coup et impulsif, mais pas stupide.
Pas trop, en tout cas.
Non, juste encore cinq petites minutes à faire la larve sur le sol, et ça devrait aller. Juste cinq petites minutes. Le ciel est clair et dégagé, c'est pas terrible pour se cacher, mais en même temps cela rend le chemin beaucoup plus visible. On ne peut pas tout avoir. De toute façon il doute que leurs ennemis viennent les traquer jusqu'ici.
Ok non, ils le feront, mais ils ont encore un peu de marge avant qu'ils ne parviennent jusqu'ici. Le tout est de ne pas surestimer cette marge. Finn a toujours eu une mauvaise appréciation des distances. Couplé à un sens de l'orientation particulièrement désastreux -honnêtement, qui se perd en allant faire les courses à l'épicerie du coin ?- alors qu'il se débrouille remarquablement bien une fois équipé d'une carte, d'une boussole, et en option d'un long discours sur les signes remarquables qu'il trouvera sur son chemin.
En gros, il est bon avec un gps en pièces détâchées. Tout n'est pas perdu. Et puis Nana est là pour le remettre sur le droit chemin, au sens propre.
D'ailleurs en parlant de lui, il est étonnement silencieux depuis quelques secondes alors qu'il semblait parti pour une litanie de plaintes.
Pas que Finn lui même soit un modèle de silence, bien sûr. Mais du coup, aussi vrai qu'il n'arrive pas à se taire bien souvent, il ne supporte pas non plus le silence trop longtemps.

Il tourne paresseusement la tête vers la chain sans se relever, son compère étant lui même parfaitement étalé par terre.
Des fois, ils donnent vraiment l'image d'un duo en parfaite osmose. Sauf qu'il y a un truc qui cloche chez la chain. C'est quoi cette tête qu'il tire ? Et pourquoi qu'il fixe l'herbe comme si elle l'avait insulté, et insulté de manière particulièrement outrageante ?
Finn fronce les sourcils. Et pourquoi... Oh.

- Nana... Tu boudes ?

Il continue à fixer la chain un instant en se demandant si oui ou non il va se relever pour lui enfourner un bonbon dans la bouche. Est-ce que son envie de causer à quelqu'un vaut la peine de soulever sa carcasse battue du sol si confortable ?
C'est une bonne question Jean Pierre. Mais il faut bien rendre utile le fait de toujours se balader avec des bonbons mous à la fraise -la chain est difficile, très difficile- dans la poche, non ?
Si.
Il prend son courage à une main et de l'autre pousse sur le sol pour se relever en position assise, serrant les dents tout du long. La moitié du chemin est faite, hourra ! En jettant un regard noir à l'autre homme par dessus son épaule, il se relève d'un coup. Et sans les mains, s'il vous plaît. Pourquoi, ô souveraine de l'Abysse, pourquoi a-t-il écoppé d'une chain qui, lorsque le bougre est complètement vanné, se met à bouder, hein ? Et pourquoi il faut lui donner un bonbon mou à la fraise pour le faire revenir, hein ? Si on lui avait parlé d'une telle chain avant sa rencontre avec Nana, il aurait ri et se serait longuement fichu de la tête du contractant de la chain en question.
Mais Finn n'est pas très adepte de l'auto-dérision, alors il fait comme si il n'avait jamais pensé cela. Il se permet d'ailleurs d'aboyer sur tous ceux qui osent se moquer de Nana quand il est épuisé. Non mais. Y'a que lui qui ait le droit. Nana est sa chain.

Bref, élans de camaraderie mis à part, pour l'instant Finn est surtout en train de pester intérieurement contre Naaru, tout en traversant laborieusement les quelques mètres qui les séparent. Il se laisse ensuite tomber comme un sac à patates à côté de l'homme, et s'assoit en tailleur. De sa poche droite, celle où il range toujours les petits remèdes miracles aux accès de bouderie de son camarade, il tire un bonbon à la fraise qu'il extrait de son emballage.
Il attrape ensuite le menton de la chain qu'il relève, presse de ses doigts les côtés de sa mâchoire pour lui faire ouvrir la bouche, et y fourre le bonbon mis à nu sans plus de cérémonie.
Après cela, il lâche son menton, et lui tapote le haut de la tête.

- Brave petit.

Ceci n'a pas pour autre but que de taquiner la chain, comme il aime tant le faire.

Il y avait boudaage et boudage pour Naaru. L'un prenait deux « a » et l'autre qu'un seul. Sachez que ça compte beaucoup pour lui. Plus psychologiquement, ça voulait surtout différencier deux styles de moue. L'une apparaissant lorsque l'énergumène n'avait rien à faire d'autre. L'autre, plus rare mais aussi plus longue, se produisait lorsqu'une fatigue après un combat le clouait au sol. Il devenait pour lors insupportable. Vraiment. Et c'est la période qu'il était en train de traverser actuellement. Rien, absolument rien au monde ne pouvait l'en sortir. C'était en tout cas ce dont il était persuadé. En son for intérieur, il savait qu'un remède, un seul et unique, était capable de le remettre sur pieds. Non pas de le faire combattre avec toute la fougue dont il était réellement capable, mais au moins de le maintenir sur ses deux échasses le temps de déguerpir.

Actuellement, son jeu, si on peut appeler cette distraction énervante ainsi, était d'ennuyer son coéquipier humain. Enfin, il ne le faisait pas vraiment exprès. Il insistait juste un peu trop sur quelque chose qui n'avait de toute façon aucune réponse. L'effet escompté ne tarda pas à s'échapper des lèvres de son contractant, qui émit un grognement audible. Mais Naaru fit semblant de l'ignorer. Soudainement, il n'eut plus envie de parler. Plus envie de rien. Il fixa cette herbe qui la fixait aussi. Ils se regardèrent encore longtemps, dans un silence de plomb, jusqu'à ce qu'enfin une parole effleure ses oreilles, bien que visiblement lointaine. Cette herbe était d'une conversation folle. Le Chain leva la tête en silence afin de diriger son regard sur celui de son jeune maître et l'écouta attentivement prononcer ces quelques mots :

- Nana... Tu boudes ?

Oui, vous ne vous êtes pas trompé, il a bien sauté une phrase. Mieux valait d'ailleurs pour lui qu'il l'ignore, vu sa situation actuelle. Le Chain observa encore son interlocuteur. S'il boudait ? Pas le moins du monde. Il... il se reposait. Tout à fait. Une moue ronchon apparue sur son visage, qui ne tarda pas à retrouver la compagnie du sol bien plus attrayante que celle de son ami. Il entendit vaguement cette personne s'approcher de lui. Il ne fit aucun mouvement pour l'aider à se déplacer. Non, ce n'était pas dans ses habitudes, et une flemme atroce le maintenait à terre. Finalement, Finn se posa à ses côtés. Au début, il crut que ce dernier allait l'accompagner joyeusement dans sa râlerie occasionnelle, mais ce ne fut apparemment pas le cas. Sans se tourner, Naaru remarqua qu'on dépliait quelque chose de son emballage. On lui prit rapidement le menton, qu'on força à s'ouvrir. Et puis, ce fut la troisième guerre mondiale dans l'esprit de Naaru, pour le moins brumeux en ces temps durs. Il cligna violemment des yeux au moment de recevoir une petite tape sur la tête suivit d'un :

- Brave petit.

… en guise de remerciement ? Qui sait ? Quoiqu'il en soit, le Chain se releva brusquement au moment de recevoir cette présence trop sucrée sur son palet. Il n'aimait pas ça, et pourtant, il avait horreur de jeter. Ce qui l'entraîna à mâcher la substance molle jusqu'à l'avaler. Pendant ce court laps de temps, il ne dit rien, son énervement suspendu en l'air. Il était concentré sur ce goût abominable de fraise. Il détestait la fraise par-dessus tout. La fraise chimique, cela le dégoûtait rien qu'à en parler. Puis, vint le moment qui devait arriver. Il avala le reste d'un seul coup.

*boooooordel, j'ai soiiiiiif !*

Naaru faisait preuve d'un sang froid hors du commun. Était-ce parce qu'il voyait son jeune maître en mauvaise posture ? Personne n'aurait pu le dire. En tout cas, ce dernier ouvrit les yeux rapidement et se mit à pester une bonne minute, en bougeant dans tous les sens. Il en inventait même de nouvelles insultes, tel « crotte de dinosaure à la noix de coco ». Il se ridiculisait plus que de coutume, mais c'était son seul moyen pour évacuer le mauvais goût. Il ne pouvait pas s'en prendre à l'autre, là. L'AUTRE ! Naaru stoppa son regard noir sur son coéquipier. Il ne pouvait pas lui en vouloir, et.... pourtant, il avait l'air de jeter son dévolu sur lui. Colérique, impulsif, il s'accroupit près de son camarade et lui prit les joues d'un air terriblement frustré.

-Finette, chaussette, qu'est-ce que je vais bien pouvoir mettre ♫.

Ça, c'est devenu la chanson officielle de Finn depuis l'instant présent. Naaru, pendant qu'il chantait sa petite comptine, remuait les joues de son partenaire. Il s'énervait tout seul, il avait l’air d'un idiot, il ne pouvait pas le taper parce que Finn était déjà en situation d'infériorité bref, il n'était pas bien du tout. Et son inutilité lui tapait aussi sur le système. Il voulait rentrer. Oh que oui, il ne souhaitait que ça. Et maintenant qu'il était sur pied, il devait en plus s'occuper de son partenaire qui avait osé lui fourrer un bonbon dans la bouche. C'en était trop. Finalement, Naaru se releva et mis les mains sur ses hanches en observant la vue pitoyable qu'ils avaient de la forêt. Ils étaient paumés, pour sûr. Et leurs assaillants parviendraient bientôt jusqu'à eux. Il soupira. C'était quelque chose de rare, mais Naaru, en période de crise aiguë, devenait quelqu'un de très concentré et quelqu'un en qui l'on peut faire confiance sans problème. Il ramena une main sous son menton, l'air de réfléchir sérieusement.

*Si on essaye de partir maintenant, Finette va douiller avec ses blessures... alors....*

Un immense sourire narquois fleurit alors sur le visage du Chain, qui ne tarda pas à mettre son plan en exécution. Il allait profiter du petit désavantage de son maître pour le narguer jusqu'à la moelle. Ses yeux se teintèrent de malice, et ce dernier ne tarda pas à lancer d'une voix presque mielleuse ces quelques paroles :

-Tu veux de l'aide pour te lever ?

Cette phrase n'avait rien, absolument rien de sympathique. Le ton était plus que moqueur et on trouvait la réponse dans la question par ce seul ton. C'est à dire « non ». Oh, il aimait bien son contractant, mais Naaru était un revanchard après tout. Tout ce qu'il programmait, c'était pour tel ou telle raison. Rien de plus ni de moins. Il inspira profondément et réfléchit en son for intérieur à ce qu'ils allaient bien pouvoir faire. Soudainement, un son de déchirement percuta violemment sa tête. Il connaissait bien ça. C'était la preuve que leurs assaillants se rapprochaient. Mais ils ne pouvaient pas aller bien loin comme ça. Il fixa Finn. Non, décidément, ils n'iraient pas loin, quand bien même Naaru le portait dès maintenant. Il était une Chain, mais la vitesse n'était pas vraiment son point fort. La forêt était plutôt touffue et on n'y voyait rapidement plus la cime des arbres. Il eut alors une idée de fou. Comme il dirait, en tout cas.

-T'as déjà fait de l’accrobranche ? C'est nul. Je te conseille pas.

Et pourtant, Naaru prit Finn sur son dos, sans y faire malheureusement particulièrement attention. C'était un Chain après tout... Les sentiments, il les voyait à travers les humains qu'il tentait de copier. Il n'entendit pas son contractant crier, mais sans doute avait-il grincé des dents. Peu importe, Naaru pensait à leurs deux vies. Petit, il était doué pour grimper aux arbres. Et il l'était encore plus maintenant. C'est ce qu'il fit. Il posa son contractant sur ses genoux, lui-même assis sur une large branche. Il ne prit pas le risque de laisser leurs quatre jambes se balancer. Aussi furent-il bien serré l'un contre l'autre, Naaru tenant par la taille son contractant, l'empêchant de trop bouger ou de tomber, évidemment. Le Chain cracha légèrement en songeant que la cape des Baskerville était bien trop voyante. Il voulut l'en débarrasser, mais ressentit une nouvelle fois le craquèlement annonçant l'arrivée de personnes dans son périmètre. Il priait pour ne pas avoir affaire à un Chain en plus. Pour prévenir d'éventuelles paroles, Naaru posa rapidement sa main sur la bouche de Finn, chuchotant ces quelques mots :

-Chut, ils arrivent.

Mine de rien, le jeune Chain faisait attention à son maître. Même s'il avait l'air de le nier. Les jeunes gens arrivèrent. Ils passèrent sous leurs yeux tétanisés par la suite des événements. Puis, leurs ennemis s’arrêtèrent, à environ 5 mètres de leur nichoir. Naaru ne respirait carrément plus. Il n'osait imaginer ce qui allait se produire s'ils les trouvaient. Il n'avait plus l'avantage. Naaru était incapable d'user de ses pouvoirs à présent. Finalement, au bout d'un temps désespérément long, leurs ennemis firent volte face et repartirent d'où ils étaient venus. Le Chain soupira violemment, relâcha sa prise sur la bouche de Finn et se laissa aller contre l'arbre. Un bon somme après ça et...

*Dodo...*

Franchement Finn ne voit pas ce que ces bonbons ont de mal, mais à chaque fois ils ne manquent jamais de mettre la chain dans tous ses états. Il l'observe avec amusement se relever, baragouiner tout un tas d'insultes dont certaines pour le moins... Inventives, à défaut d'un autre adjectif.
Puis arrive le moment où il se stoppe dans ses pas et fixe son contractant d'un regard qui ne dit rien qui vaille à ce dernier.
Pourquoi, oui pourquoi a-t-il fallu qu'il soit celui qui en prenne le plus dans la face, dans cette histoire de mission, hein ? C'est toujours comme ça, les plus petits sont persécutés au profit des plus grands, et dans la loi de la jungle il faut se battre. Alors quand on est plus petit, on compense avec une grande bouche.
Chez Finn, la grandeur de l'expression précédente n'est pas proportionnelle aux centimètres qui lui manquent. C'est donc qu'il doit compenser pour autre chose, mais quoi ? A moins que ce ne soit lié à sa mauvaise appréciation des distances.
Oh la furie aux yeux verts s'approche dangereusement près du périmètre vital du contractant. La furie est taggée du mot "menace" dans la tête du même contractant assis au sol.
Mais il a franchement trop la flemme de bouger.
Menace s'assoit devant lui, et il sait qu'il ne va pas apprécier la minute qui va suivre.

- Finette, chaussette, qu'est-ce que je vais bien pouvoir mettre ?.

...
Il allait teeeeeellement se taper la vaisselle en rentrant. Et la lessive. Et le ménage. Il lui aurait bien laissé la nourriture aussi mais il tient à rester en vie. Oh tenez, il lui fera couler un bain aussi. Et il ira faire les courses, ça lui fera les pieds.
Finn tente bien de poser ses mains sur les poignets de Nana pour le faire arrêter mais la chain semble plus en forme que jamais -alors qu'en vrai, ce n'est certainement pas le cas-.
Heureusement que, à l'instart d'un gosse, Naaru se détourne vite de ce nouveau jeu pour se relever. Laissant par terre un pauvre petit Baskerville sans défense en train de se masser les joues des deux mains, un air noir sur le visage, et marmonnant toutes sortes de menaces dont:

- Oublie pas que c'est moi qui cuisine tes repas...

Oui, il a déjà en tête plusieurs plans de mort par empoisonnement.
Damn. Si renier sa chain n'entraînait pas la mort du contractant, il... Bref. Il rien du tout, il se vengera plus tard, et Nana se vengera à son tour, ce qui fait qu'il se revengera, et dans trois mois ils y seront encore.
Si ils sortent en vie de cette forêt, bien sûr.
Pourquoi est-ce que la bête debout en face de lui -oh qu'il n'aime pas quand l'autre est plus grand que lui- a de nouveau un air louche sur le visage ?
Ce qui l'effraie chez Nana, c'est qu'ils ont à peu près les mêmes yeux verts, et qu'il est bien conscient que derrière les siens, y'a toujours un plan foireux qui se trame. Alors chez Naaru...

- Tu veux de l'aide pour te lever ?

Il se renfrogne pour de bon.

- Crève.

Pas comme si la chain l'aurait aidé de toute façon. Ce qu'il peut être rancunier... Alors que c'est lui qui lui a dit comment le sortir de sa bouderie -que c'est ridicule- ! Parce que Finn n'aurait certainement JAMAIS trouvé tout seul.
En plus... Un son étrange mais qui ne dit rien qui vaille interrompt ses pensées. Déjà ? Mince alors, les ennemis courent de plus en plus vite de nos jours. Ou alors ils ne sont pas allés aussi loin qu'ils pensaient qu'ils étaient allés -faut suivre-, mais de toute façon débattre là dessus ne sert plus à rien.
Il fixe la chain qui le fixe en retour. Il a l'impression étrange de regarder un type qui serait de sa famille.
Fichue chain.

- T'as déjà fait de l’accrobranche ? C'est nul. Je te conseille pas.

*Merci du renseignement, j'y penserai à l'avenir et OW ! Fais gaffe à ce que tu fais Nana ! Je suis lynché je te rappelle.
Faut lui apprendre la délicatesse à celui-là. Et les manières avec son contractant. Peut être qu'il faut le dresser ?*

Et donc à priori la façon qu'il a de porter Finn, même si c'est supposé être pour son bien, ne plaît pas du tout au contractant.
D'où le fait qu'il fasse la tronche tout le long du trajet où Nana se prend pour le Marsupilami. Pas que cette dernière comparaison ait pu traverser la tête de Finn puisqu'il n'a jamais entendu le mot Marsupilami.
Bref.
Il finit par les poser tous les deux dans l'arbre auquel il a grimpé, un bras sécurisant autour de la taille de Finn, qui, même si il ne le dira jamais à voix haute, en est reconnaissant parce que bon sang, il est haut cet arbre.

- Chut, ils arrivent.

Incapable de parler, il se contente d'un regard noir signifiant entre autre que merci il a entendu, il n'est pas encore sourd.
C'est qui l'patron ici ? Non mais.
Enfin en attendant le patron fait moins le malin quand il voit passer les méchants -ce qui est évidemment une affaire point de vu, mais de celui de Finn, c'est tout vu- non loin de leur cachette. Si on peut réellement appeler cachette le fait d'être exposé à la vue de tous bien qu'en hauteur. Mais hey, la meilleure cachette n'est-elle pas juste sous le nez de l'ennemi ? Il est temps de vérifier les vieux proverbes !
Au moins si on les retrouve mourrants, ils pourront dire dans leurs derniers mots qu'ils se seront cachés battus jusqu'au bout.
Ok, ils seront sérieusement dans la mouise si ne serait-ce que l'un de leurs adversaires pense à lever la tête.
Et cette fichue cape rouge, dans le genre discrétion... Y'a des traditions qui devraient être abandonnées.
Pendant que Finn est très occupé à pester intérieurement sur oh combien sa vie est difficile et qu'a-t-il fait pour mériter ça -Finny est probablement la réincarnation d'une drama queen, avec un service trois pièces-, leurs ennemis finissent par s'éloigner.
A ce moment, la foule se lève pour une hola et...
En fait nan, ils restent tous les deux tétanisés sur leur perchoir pendant une bonne minute sans oser bouger, histoire d'être sûrs que les autres soient bien partis.

La main sur la bouche de Finn se relève. Forcément, comme le robinet n'était pas fermé mais juste bouché, ça se remet à couler. Il fout une grosse pichenette sur l'épaule de sa chain.

- Debout ! Crois pas que je vais te laisser roupiller après tout ça.

Il baisse la tête pour jauger la distance entre là où ils sont, et le sol. Distance qui lui parraît excessivement grande. Il se serait bien amusé à sauter, mais il craint que le reste de son corps ne soit actuellement pas en état de lui accorder ses désirs.
Peut être qu'en utilisant la cape comme parachute... Oh nan, trop la flemme de l'enlever. Mine de rien, c'est fatiguant à remettre. Il reste deux options: faire le singe et descendre avec le tronc. Ou utiliser l'Ascenseur Nana -marque déposée de l'Abysse, tous droits réservés-.

- Faut qu'on se tire avant qu'ils n'aient l'idée de revenir, ou de se mettre à la chasse aux écureuils de bon matin.

Maintenant la grande question est: est-ce qu'il est capable de redescendre ? Probablement que oui, bien que lentement et laborieusement. Marcher aussi lui sera possible, non moins laborieusement, mais au moins plus rapidement.
Après une intense réflexion de deux secondes -une à fixer le sol, l'autre à relever la tête-, il jette un dernier regard noir à Nana pour la forme, se détâche de son bras sécurisant, et, à l'aide d'un peu d'élan, attrape le tronc de l'arbre. Tronc qu'il descend aux deux tiers avant de juger qu'il en a marre, et que rien à faire de ce que pensent ses jambes, il va se laisser tomber. Ce qu'il fait.
La réception, peu gracieuse, est ponctué d'une grimace et d'une longue inspiration douloureuse.

*Plus jamais. Jamais jamais jamais jamais jamais jamais.*

Qui c'est qui va se payer des courbatures monstres pour les deux prochains jours ? Mais c'est Finny bien sûr ! Ça, un bon paquet de bleus, et quelques sales estafilades qui mettront plus de deux jours à partir. Même si dans l'ensemble, le sang qui se trouve sur lui n'est pas le sien. Fort heureusement, sinon il serait déjà à sec. Il a surtout pris des coups, dont certains qui l'ont sonné au moment de les acceuillir, d'où le fait qu'il ait franchement mal partout.
Ajoutons qu'il est évidemment crevé.
Enfin, il a été entraîné dans ce but, non ? Tant qu'il ne s'évanouit pas...

Après sa légère dystonie neurovégétative séquentielle, communément appelé mal de tête, l'énergumène prénommée Naaru se calma. Le mal de tête en question a été provoqué par lui-même, qui, en se forçant sans se forcer à s'énerver finit par se faire du mal lui-même. Suivit à cela d'une légère envie de maintenir les joues de son contractant à portée pour mieux pouvoir les utiliser tel de la patte à modeler. Oui, le Chain est chiant. C'est dans sa nature aussi bien que la vôtre est à se lever, s'habiller et aller aux toilettes. Surtout aller aux toilettes. Parce que ça, peu importe si vous êtes quelqu'un d'important ou non, tout le monde y passe. La nature humaine est bien faite, car il y a quelques points d'égalités.

*On me disait souvent d’imaginer ceux dont j'avais peur sur des WC pour ne plus stresser.*

N'empêche que ça marchait et souvent, il devait s'empêcher de ne pas rire. Voilà pour l'anecdote. Actuellement, il n'avait pas vraiment la tête à penser à ce genre de choses. Sa tête était... curieusement vide. Oh, il éprouvait quelques sentiments qui égayaient ou obscurcissaient son visage, mais ses pensées restaient vide de toute parole. Si c'était dû à la fatigue ? Au fait de se sentir en sécurité quelques secondes ? Il n'en savait probablement rien. Peut-être se sentait-il juste bien. Pas pour longtemps malheureusement.

- Oublie pas que c'est moi qui cuisine tes repas...

Naaru sourit à ce petit avertissement, d'un air pour le moins amusé. Il savait ce qui l'attendrait à son retour. Finn n'était pas le plus gentil des maîtres, mais ça lui allait tout à fait. Il n'aurait pas supporté quelqu'un de toujours serviable. Alors voilà, tout allait pour le mieux. Naaru avait quitté ses joues pour se concentrer sur autre chose. Quoi ? Lui seul le sait. Mais cela méritait qu'on s'y attache, ne serait-ce qu'un centième de seconde. Il fixa d'un air tout mignon son coéquipier, avant de lancer sur un ton bien différent du minois observé :

-Oublie pas que de nous deux, c'est moi qui ai le plus de chance de nous ramener là-bas...

Le Chain adorait voir ce petit air noir sur le visage de son contractant. Ça l'amusait autant qu'un spectacle de marionnette pour un enfant. Il aimait à le mettre dans tous ses états. Malheureusement, il n'eut pas le temps de lui extraire une nouvelle émotion, car un son trop connu à ses oreilles lui parvint. Leurs assaillants les avaient déjà rattrapés. Mince de mince. Gardant cette attitude toujours aussi tranquille cependant, il demanda si Finn avait besoin d'aide pour se lever. Bien entendu, il n'avait aucune envie de l'aider, même si fatalement il devrait s'en charger. Il sourit d'un air gracieux lorsque son contractant lui bouda à la figure en lui lançant un petit mot amusant.

- Crève.

Et pourtant, après un certain temps, certes, le Chain décida de porter son contractant sur son dos afin qu'ils puissent escompter de l'aide d'un arbre afin de se dissimuler. Cachette pas très utile et franchement voyante, mais les gens pensent rarement à regarder au-dessus d'eux. C'est vrai, d'où un piano tomberait-il du ciel ? À moins qu'il ne soit balancé du haut d'un toit, il est impossible qu'un quelconque objet ne tombe du ciel, si ce n'est bien sûr une crotte de quelques oiseaux que ce soit.
Bref, les deux amis non déclarés finirent suspendus en l'air par la sainte bénédiction d'une branche supportant leurs deux poids. Si elle ne faisait, ne serait-ce qu'un seul bruit, qu'un seul bruissement de feuille, ils seraient découverts. Ils seraient aussi à découvert. Il aurait pu suffire qu'un feuille tombe pour que les deux ennemis lèvent la tête et les découvre. Encore une fois, Naaru détestait la couleur pourpre de leur cape. Ils devaient être discret, bon Dieu ! Une cape avec une couleur pareille se repère à des kilomètres. Si en plus, on l'assimile à « Bonjour ! Je suis un Baskerville, je suis pas là pour te tuer aujourd'hui, mais si tu veux, je peux revenir plus tard ♥~ », ça le fait vraiment pas.

Les poursuivants firent demi-tour. Et Naaru fut fatigué. Il ne manqua pourtant d'émettre un léger bruit de langue énervé. Il n'aimait pas particulièrement la tournure des choses, et il ne semblait pas persuadé que les bonshommes aient fait demi-tour aussi vite. Demi-tour sous leur nez, qui plus est. Ils auraient pu continuer leur chemin, et faire demi-tour après, mais non, ils ont distinctement fait appel à la vision du Chain pour lui montrer qu'ils faisaient demi-tour pour l'instant. à partir de cet instant, Naaru se demanda s'il était bien sage de descendre maintenant. Son contractant ne se posait à vrai dire même pas la question. Après avoir reçu une pichenette sur l'épaule, il sentit son contractant vouloir descendre par ses propres moyens. Il voulut sourire en observant la démerdade -ceci est un hapax- de son jeune compagnon, mais se résigna au moment d'écouter les jérémiades de ce dernier.

- Debout ! Crois pas que je vais te laisser roupiller après tout ça.

Ceci dit, comme vu précédemment, Naaru se mit à faire la moue. Il était fatigué, oh que oui. Si son coéquipier lui avait laissé le choix, il serait probablement resté sur son nid bancal à dormir comme un paresseux loir. Imaginez ce que donnerait un animal hybride entre un paresseux et un loir...
Quoiqu'il en soit, Naaru attendit que son contractant soit clairement en bas de l'arbre pour l'observer. Il avait mal partout, ça c'était clair comme de l'eau de roche. Mais c'était aussi le cas de Naaru, bien qu'il fallut qu'il soit torturé pour vous l'avouer. Il inspira profondément, pouffa fortement au moment de voir la réception de ce jeun homme sur le sol dur et se décida alors à sauter. L'avantage d'un Chain, c'est... qu'il n'avait pas vraiment de problème avec les réceptions. Il devait monter comme un humain, mais descendre ne lui posait pas de problème. Enfin, en temps normal. Il ne voulait pas tenter de se réceptionner à 10 bons mètres du sol avec ses blessures quelque peu curées.

- Faut qu'on se tire avant qu'ils n'aient l'idée de revenir, ou de se mettre à la chasse aux écureuils de bon matin.

Naaru était d'accord avec lui, c'est pourquoi il sauta de branches en branches jusqu'à atteindre la plus basse, à environ trois mètres, pour finalement se laisser tomber. Il se réceptionna tranquillement mais sentit malgré lui les blessures se rouvrir. À vouloir faire le zouave devant son contractant, il se mettait au devant de grands problèmes. Naaru avait vraiment un temps de retard. Il avait entendu la phrase prononcée par Finn après qu'il ai sauté, alors qu'en fait, il l'avait prononcé avant. Il remettait tout à plus tard. C'était un cas. Mais bref, en tout cas, il pouvait observer le moment présent, ainsi que l'homme mal réceptionné en train de grimacer d'un air étrange. Il allait falloir qu'ils se bougent l'arrière-train, ou bien ils allaient mal finir. Naaru le pensait très fort, mais n'en laissait rien ressortir. Il soupira un bon moment, comme tout cela l'ennuyait, à défaut de le stresser. Il ne stressait plus.

Le Chain fixa longuement le chemin accidenté qu'ils allaient devoir suivre pour s'éloigner encore davantage de la maison, de la demeure seigneuriale qu'ils avaient fuit. Ça ne lui donnait curieusement pas envie. Il voyait des ronces. Il voyait des arbres plantés on ne sait comment, mais dont certains empêchaient de pouvoir courir aussi vite que l'on veut s'en sans prendre automatiquement un dans la figure. Il voyait les racines grosses comme des pieds s'enrouler tel des lianes sur la terre ferme. Il voyait le soleil faire sa vie et probablement un jour baisser. Mais en fait, ce qui le gênait le plus, c'était cette fichue piste accidentée qui descendait en piqué.

*Je suis même pas sûre qu'on puisse mettre un pourcentage sur la pente qu'on va devoir descendre.*

Dit-il. Enfin, pense-t-il très fort en tout cas. C'est vrai que la pente est particulièrement abrupte.Très, même. Naaru approcha sa main de son menton et semblait réfléchir. Finalement, il inspira profondément avant de se lancer en avant. Mais avant il allait devoir mettre son contractant au courant. Ils allaient devoir continuer sur plusieurs kilomètres tout droit, puis il faudrait tourner à droite sur environ cinq cent mètres, et ils devraient rejoindre la route. C'était beaucoup d'approximation, mais la majorité d'entre elles se trouvaient être exacte. Il voyait cela en fonction de la position et de l'avancement du soleil. Quand il était midi, Naaru perdait tout ses repères, car l'astre lumineux était bien suspendu. Mais il était probablement aux environs de 14 heures. Il commençait à redescendre. Mais ne détaillons pas le gps intégré du monsieur et concentrons-nous sur la route. Naaru indiqua le chemin à suivre, avant de diriger son regard vers son compagnon.

-La route est à l'est, il va falloir aller tout droit puis à droite et nous rejoindrons normalement la route qui se dirige vers la capitale.

Il était intelligent quand il voulait, mais ne s'avançait jamais dans ce qu'il racontait. Voilà pour justifier le « normalement » utilisé. Il ne doutait pas de ses capacités. Il ne voulait juste pas qu'il y ait des retombées sur sa personne. C'est aussi simple que ça. Il commença à avancer, les mains dans son kimono. Très mauvaise idée. Il faut avoir les mains libres quand on descend un chemin abrupt. Petits enfants, ne refaites pas ça chez vous. Le monsieur commença sa descente, attentif. Trop attentif peut-être, il entendit subitement un bruit dans les arbres. Dans les arbres. Oui. Et Naaru se retourne pour voir de quoi il s'agit. Il n'est pour lors pas apeuré. Non. C'est ça le pire.

*Je veux savoir si c'est un écureuil. Ça fait longtemps que j'ai pas vu d'écureuil.*

Oui, il ne regarde donc plus devant lui. Alors qu'il devrait. Il continue à lever les yeux et lorsqu'enfin, dépité d'avoir raté l'animal, il recentre son regard sur son chemin, il voit une racine. Elle est belle, la racine ? Cet individu est idiot quand il veut. Il se prend la racine. Et que ce passe-t-il quand on se prend quelque chose, qu'on ne se trouve pas sur la Lune et qu'il y a une pente énoooorme devant nous ? On tombe.

Finn shoote dans un caillou en fronçant les sourcils, dans l'espoir vain que ce geste ô combien futile mette une muselière à sa mauvaise humeur grandissante. Ils sont paumés, il a mal partout, et ils sont probablement encore traqués comme des bêtes par ces gens méchants là qui l'ont mis dans cet état en premier lieu. D'ailleurs quelle bande d'imbéciles de ne pas les avoir remarqués, perchés comme ils étaient sur cet arbre.
Pas qu'il ne s'en plaigne. Il se permet juste de faire le malin maintenant que les ennemis ne sont plus en vue.
Il jette un regard en coin au trukmarronsuspicieusementsilencieux -on parle bien de Nana-, qui semble complètement absorbé dans une contemplation minutieuse de la vilaine pente devant lui.
Oh pitié qu'il ne songe même pas à descendre par là.

- La route est à l'est, il va falloir aller tout droit puis à droite et nous rejoindrons normalement la route qui se dirige vers la capitale.

Finn retient à grand peine un grognement plaintif qui en fait, sort quand même.
Ils vont tomber. Ils vont se ratatiner la face dans cette pente Jean-Michel, je te raconte même pas. Oh que oui Finny en est sûr. Tellement sûr qu'il est actuellement en train de considérer l'idée de finalement mettre sa cape rouge à profit, pour s'enrouler dedans et se lancer joyeusement dans la pente en se laissant rouler sur le côté jusqu'en bas. Le tout en poussant un grand "WIIIIIII" pour faire bonne mesure.
Une simple pensée à ses côtes bruisées lui enlève cependant l'idée. Dommage, ça avait l'air marrant.
Puisqu'il ne peut pas faire ça, il décide d'utiliser la deuxième chose la plus marrante à faire après se jeter dans une pente en utilisant sa cape comme protection: taquiner Nana qui a son regard à nouveau porté sur la pente.
Avec un sourire surnois, il se glisse derrière la chain et lance:

- Hey Na', j'ai une blague pour toi. Quel est le fruit le plus féminin ?

Un Ange passe.
Trois autres le suivent.

- La Nana bien sûr !

La scène que vous venez de lire est sponsorisée par un type de la direction marketing de chez Carambar, et l'auteure ne tire aucun profit de ce partenariat. Merci de votre attention.
Le contractant ne s'exclaffe même pas de sa propre blague, parce qu'allons, elle n'est franchement pas drôle. Mais il a un énorme sourire sur le visage tout de même, parce que le jeu de mot est là, et qu'exaspérer la chain est en fait un truc qui l'amuse.

Son amusement ne sera cependant que de courte durée, car Naaru décide qu'il est temps de bouger, et donc de finalement poser les pattes dans cette fichue pente. Finn le suit avec prudence après un dernier regard accompagné d'une moue sur la pente. Quelle idée... Il garde son regard rivé au sol, en quête du moindre obstacle, et ils sont nombreux. Très nombreux. Un son émis par son partenaire lui fait relever la tête.
Et il ne comprend rien aux secondes de sa vie qui suivent.
Il voit Nana commencer à se casser lamentablement la figure, et au même moment il a un réflexe. Un réflexe humain, un réflexe normal mais un réflexe stupide. Son bras surgit de sous sa cape et attrape un bout du haut de Naaru.
Alors Finn, il faut t'expliquer quelques principes de base. Il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu dans ta capacité à te tenir debout. Ton équilibre, ta fatigue, la gravité, par exemple. Et quand t'attrapes un truc plus lourd, ce qui est forcément le cas de Nana vu qu'il est plus grand que toi, truc plus lourd en plus lancé pour faire le grand plongeon, et que t'es fatigué, qu'en plus tu tenais déjà mal sur tes papates, et que t'offre à la gravité une occasion de se payer ta tronche beh...

La gravité ne manque JAMAIS une occasion de se payer la tête des êtres qui lui sont soumis. Jamais. Elle est plus vicieuse que la Volonté de L'Abysse.
Et pour faire un paragraphe propre sur l'action en cours, Finn a donc attrapé Nana quand il a commencé à tomber, sur un réflexe. Ce n'est donc pas juste la chain qui s'est payé une dégringolade sur la pente, mais bien la chain et son contractant.
Zou, les deux jusqu'en bas où ils finissent arrêtés par des buissons.
Finn voit des étoiles, bien qu'il doit être aux alentours de 14h. Il secoue la tête, et glisse jusqu'au sol depuis le buisson qui lui tenait une jambe en otage.

- Crétin.

Il n'a même pas envie de crier sur la chain, ou de lui faire pleuvoir une série de jurons sur la figure.
Principalement parce qu'il les a tous épuisés pendant la descente.
Il se demande vaguement si il y aura ne serait-ce qu'une partie de son anatomie qui ne sera pas couverte de bleus ce soir, et soupire lourdement. Il tourne la tête vers Nana étalé juste à côté, se rappelant vaguement avoir fait la même chose en haut de la pente y'a pas dix minutes.
Fichue chain. Il n'en loupe pas une.

- J'espère que tu sais que je vais me venger.

Oh que oui il le sait, c'est leur petit jeu. Avec ça, Finny décide de se relever. Avec difficultés et force jurons marmonnés dans sa barbe. Pas qu'il soit un mec très grossier -ok ça dépend des fois-, mais causer l'aide à se concentrer sur autre chose que ses muscles qui hurlent à l'agonie.
Il baisse son regard sur lui même. Génial, maintenant en plus même la cape est pleine de... Bwah c'est quoi ce truc verdâtre ? Est-ce que ça part au lavage ? Et mince est-ce que le monde a conscience d'à quel point cette cape est difficile à laver, hein ?
Visiblement non.
Et quel est l'idiot qui a conçu ce truc qu'ils doivent porter dès lors qu'ils sont mission pour le clan -et qui dit mission dit souvent combat-, ce truc aussi lourd et aussi difficilement lavable, hein ? Si Finn tenait cet imbécile...
Dire qu'il voulait se lancer volontairement dans la pente... Mais au moins il aurait préparé son coup, et ne serait pas descendu comme un sac à patates, en prenant au passage des positions franchement pas naturelles. Le tout en se cognant avec sa chain, s'il vous plaît.
D'ailleurs en parlant de celui-là. Finn s'arrête d'observer sa cape pour couler un regard vers Nana. LA source de tous ses maux des dernières minutes.
Il lui met un coup dans les côtes avec son pied dans le but de le secouer, sans pour autant chercher à faire mal. Quand son sale caractère est de sortie, Finny n'est pas un tendre.
Comme il a en plus l'habitude d'agir avant de penser de toute manière...

- Debout.

Suite à cela, il fait volte face et commence à marcher sans plus attendre la chain. Il juge dorénavent plus prudent de prendre lui même les devants.
Maintenant Finny, est-ce que tu as pensé à sélectionner ta direction avant de t'y engager ?

Cet idiot était pour le moins... idiot ? Naaru ne parlait pas beaucoup, ce qui n'avait franchement pas l'air de déranger son contractant qui se satisfaisait d'une discussion avec lui-même, ponctué par quelques vagues questions en direction de son interlocuteur. Naaru songeait avec lui-même au temps nécessaire à ses pieds pour effectuer le trajet retour approximativement exact. C'est pourquoi le Chain s'est tu, avant de finalement reprendre du poil de la bête, si l'on puis dire, et d'indiquer simplement le chemin. Oh que oui, le trajet semé d’embûches semblait leur dire de ne pas passer par-là. D'ailleurs, le Chain sentait bien que son coéquipier n'était pas à l'aise avec ce sentier. Mais Naaru le prenait plus à la rigolade. Il savait qu'il avait 99% de chances de tomber, de se ramasser sur plusieurs mètres, et de se plaindre après. Mais il avait depuis longtemps pris confiance envers le 1% restant. Qui souvent pouvait régresser en-dessous, quitte à tendre vers 0. Optimiste ? Ça dépendait des jours. Naaru entendit la plainte de son camarade derrière lui, qui se termina par un long silence. Silence qui ne tarda pas car une autre idée fleurit dans le cerveau de son jeune camarade. Une mauvaise idée. Naaru se retourna à peine pour constater le silence effectivement inhabituel.

- Hey Na', j'ai une blague pour toi. Quel est le fruit le plus féminin ?

Le Chain hausse un sourcil. Il sait qu'il la sent mal. Il sait que de toute façon, il le prendra d'un très mauvais goût. Pourtant, il fixe toujours ce regard narquois face à lui, histoire de se dire qu'il va faire face à une bêtise plus grande que lui. Il n'est pas très patient, et le silence qui règne pendant les quelques secondes précédant la réponse mettent Naaru dans tous ses états. C'est à se demander si Finn aurait dû répondre.

- La Nana bien sûr !

Vous voyez, si Naaru avait eu plus d'énergie, vous auriez pu voir son énervement grimper jusqu'à la limite « transformation ». Oh ! Il n'aurait rien fait de mal, mais ça aurait pu montrer à Finn que sa blague, en plus de sortir d'une sucrerie, n'était ni drôle, et qu'en plus elle provoquait des troubles de la concentration chez le sujet concerné. Par contre, en observant bien, vous pouviez voir Naaru et la légère veine se former à sa tempe, marque visible d'une contraction musculaire de la mâchoire très prononcée. D'une contraction musculaire tout court d'ailleurs. Naaru tourna les talons pour poursuivre son chemin. Il ne répliquerai pas. Il était probablement trop fatigué pour ça. Il n'empêche que son sang bouillonnait beaucoup. Trop. Et le pire de tout ça ? Naaru partit l'air de rien, et oublia tout l'instant suivant, observant même l'écureuil invisible qui causa sa chute. Parlons-en.

Naaru est quelqu'un de relativement léger, mais qui, couplé à l'attraction terrestre, peut devenir un poids lourd. Et c'est dans ces cas-là que le Chain ne comprend décidément plus rien à l'esprit humain. Aux réflexes humains plus particulièrement. Finn l'attrapa. Oui, l'attrapa. Il sentit vivement sa main se poser sur l'habit du monsieur, qui malheureusement se laissait entraîner par sa futur chute sans riposter. Qui entraîna son contractant par la même occasion. Durant cette chute terriblement longue et franchement douloureuse, les deux idiots finirent dans les buissons, délogeant par-là même une famille de mulots. Oui, Naaru n'avait rien à faire d'autre que d'observer leur queue-leu-leu rapide et furtive à travers un autre coin de la forêt, moins sujette aux atterrissages forcés.

Le regard du Chain finit par tomber sur celui de son contractant, juste à côté de lui, avant de fixer de nouveau la cime des arbres. Dans un premier temps, il trouva le buisson plutôt confortable. Ensuite, il se demanda où il était. Troisièmement, il constata avec lenteur que leur dégringolade les avaient légèrement propulsés du mauvais côté. Quatrièmement, les arbres étaient touffus, ce qui empêchait Naaru d'observer l'agencement du soleil. Cinquièmement, il vérifia que la famille de mulot avait bien disparu pour se relever. Sixièmement, et dernièrement, il vérifia que son coéquipier était toujours vivant. Et comme M. Destin était gentil ce jour-là, il put constater que ce fut le cas, sans se tourner vers lui.

- Crétin.

Le Chain était littéralement et effectivement vidé de toute énergie. Il avait mal partout. Vraiment partout. Ses blessures n'étaient plus que superficielles, la majorité d'entre elles étant déjà soignées. Il y avait cependant beaucoup de griffures, de bleues et une tonne d'autres petits détails. Il resta couché un certain temps, parce qu'il voyait encore la famille mulot. Il n'avait pas noté le petit mot de son contractant. Et il savait à vrai dire que ce dernier n'avait plus non plus la volonté pour s'énerver. Bouder était encore ce que Naaru avait de mieux à faire, mais il brûlait tellement d'envie de rentrer chez lui qu'une perte de temps était inenvisageable.

-Et pourquoi tu me rattrapes d'abord ? Vous êtes étrange, vous les humains...

J'ai dit qu'il n'avait plus d'énergie ? Oooh, pour ouvrir sa bouche, il en avait toujours. T-o-u-j-o-u-r-s. Tout comme son contractant si je ne m'abuse. Ils faisaient vraiment une belle paire. Il n'en revenait pas de s'en prendre plein la tête parce que Finn l'avait rattrapé. Il ne s'en remettait pas. Pas du tout. Il ponctua pour ce faire la fin de sa phrase par un léger juron qui traîna en longueur. Soupirant finalement, il fixa les alentours afin de se diriger vers l'endroit qui semblait être la route à suivre. Enfin... si l'on pouvait appeler ça une route. Il y avait toujours autant d'herbes par terre. Autant de ronces, de minuscules rochers, de racines en plein milieu du passage. Et comme il n'y avait pas de passage à proprement parler, ça engendrait encore plus de problèmes. Quand il était légèrement plus jeune, Naaru adorait aller dans la forêt pour découvrir des endroits encore inexplorés, mais là... là ça l'énervait plus qu'autre chose. Il ronchonna dans la barbe qu'il n'avait pas.

- J'espère que tu sais que je vais me venger.

Se venger ? Naaru y poserait ses conditions. Sans quoi ils se disputeraient et finiraient par faire le boulot à deux. Comme d'habitude. Ok, d'habitude, c'était souvent Naaru qui se faisait exploiter. Selon lui. Finn dirait probablement le contraire. En tout cas, Nana ne ferait pas la vaisselle. C'était le pire boulot qu'on pouvait lui donner. Le ménage, ça passait encore, puisqu'il découvrait toujours quelque chose et finissait par le regarder jusqu'au soir. Ensuite, il ne voudrait pas faire la cuisine. C'était le boulot de Finn, ça. Et il lui laisserait le plaisir de s'occuper de la bouche de Naaru. Non mais. Pour répondre à l'attaque de son contractant, le Chain mima Finn comme s'il radotait toujours la même chose. Ça pouvait prouver que sa vengeance serait terrible. Et elle le serait probablement. Plongé dans ses pensées, le petit Naaru fut brusquement ramené à la réalité par un coup dans ses côtes. Il fusilla l'auteur des yeux, l'écoutant d'une oreille frustrée :

- Debout.

L'animal, bien que réticent, dû trouver l'ordre utile pour l'exécuter. Naaru se releva alors tant bien que mal sur ses deux pattes de bipède chimère qu'il était. Son coéquipier fit alors volte face pour quitter sa Chain. Ce dernier parut un instant perplexe. Son énervement fut bouleversé l'espace d'un instant. Il fixa son contractant d'un air blasé. Blasé comme il n'eut jamais dû l'être. Il était pas sympa son camarade, mais il faut avouer qu'il était marrant sur les bords. Il était parti dans la mauvaise direction. Enfin, pas la totale opposé, mais en continuant tout droit, il tomberait sur la route d'ici plusieurs jours. Tous les chemins mènent à Rome, n'est-ce pas ? Le sourire malicieux du Chain apparut, qui s'empressa de suivre le chemin que semblait tracer à l'aveuglette son jeune ami. Il se plaça à ses côtés, finit par poser un bras lourd sur l'épaule du Baskerville légèrement -beaucoup- endommagé, puis sourit de toutes ses dents, indiquant de l'index le chemin à suivre :

-Et sinon, on peut se séparer ici maintenant. On se revoit dans une semaine, mais passe-moi les clés de préférence. J'aimerais éviter de patienter six jours devant la porte.

Ceci dit, il enleva son bras et le remit dans ses manches, prenant un chemin bien escarpé lui aussi mais plus direct à son goût. Ils continuèrent ainsi un long moment. À de nombreuses reprises, Naaru glissait. Il n'en savait rien pour son maître, il s'en fichait totalement. Curieusement, il semblait avoir retenu la leçon, et ne fixa plus l'écureuil volant. C'est qu'il grandissait un peu, de temps en temps. Finalement, lorsque Naaru finit par apercevoir un bout de la route, au loin, il se tourna vers son contractant afin de lui lancer :

-Tu comptes rester avec ta cape tout le temps ? Je veux survivre jusqu'à la maison.

Il ne savait pas ce qu'ils allaient en faire. Et c'était une très mauvaise idée de la mettre dans l'Abysse... Ils ne le retrouveraient probablement jamais et... en plus Finn se ferait engueuler par ses supérieurs. Naaru sourit à cette dernière pensée. Ce pourrait être amusant. Mais avant ça, il s'en fit pour ce qui l'attendait à la maison, et surtout du trajet qu'ils allaient être forcés de faire à découvert un jour ou l'autre.

Stupide Nana. Stupide, idiot, imbécile, crétin de chain.

- Et pourquoi tu me rattrapes d'abord ? Vous êtes étrange, vous les humains...

Parce qu'en plus c'est de la faute de Finn ? Rah il... Il rien en fait. Il ne comprenait pas son réflexe non plus, et ne cherchait pas à le comprendre. Il a vu Nana tomber, il a tendu la main pour tenter de le rattraper et est parti avec, voilà tout.
Nana pourrait au moins être reconnaissant de l'intention de départ.

- T'en étais un j'te signale.

Il le fixe trois secondes quarante de plus et ajoute:

- Je crois.

*Après tout je n'ai aucune preuve et... Ok ok c'est bon. Si ce n'était pas pour cette fichue capacité à se concentrer sur l'inutile et à en oublier de prêter attention à ce qui en a besoin, il pourrait être humain en fait.
Mais son espèce de fascination pour tout ce qui l'entoure ne fait pas trop humain. D'ailleurs...*

- En fait, pourquoi t'es tombé ?

Nul doute que sa capacité de concentration réduite doit être en cause.

Après ça, M.Chain semble blasé au possible devant les menaces de son contractant. Forcément, la réaction n'a que pour effet d'irriter encore plus ses nerfs et lui récolte un énième regard noir ainsi que des promesses de mort lente, horrible et probablement douloureuse. Plus une liste de corvées qui se rallonge, et se rallonge encore.
Hey, Naaru est pratiquement en train de supplier pour que Finn devienne tyranique, y'a pas de raison de ne pas accéder à sa demande. En temps normal Finny menace, met en application, mais ne laisse pas tout faire à Nana qu'il ne considère quand même pas comme son servant. Logique. Oh des fois il fait de l'abus de pouvoir, mais c'est pour embêter la chain. C'est tellement drôle de le voir râler.
Maintenant quand Finny est de sale humeur, et qu'en plus l'autre le provoque, il menace, met en application, et braille si ça ne va pas assez vite. Il est à peu près convaincu qu'actuellement son appartement est en très bon état puisqu'il n'a pas trop eu le temps d'y poser les pattes dernièrement, et qu'il est, avouons-le, un punaise de maniaque compulsif sur son territoire quand ça le prend. Et ça l'a pris y'a pas longtemps.
Donc à moins que Naaru ait foutu le bazar à nouveau -l'espèce de vilain crapouilloux !, la case ménage est pratiquement déjà remplie.
Pas grave, il trouvera d'autres choses.
Sinon à part ça, ils s'aiment bien tous les deux.

Trève de bavardages, il faut quand même rentrer.
Depuis quand est-ce que rentrer de mission est plus difficile que la mission elle même, hein ? Et puis pourquoi y'a fallu aller aussi loin de la ville ? Enfin loin, tout est relatif. Une bonne demie journée de marche, un peu plus peut être.
Mais quand on est crevé et qu'on ne rêve que de s'écrouler, ça semble tout de suite beaucoup plus énorme. Plus délicat qu'à l'aller.

Forcément ils étaient arrivés de nuit, et en prenant un chemin normal, il y a déjà plusieurs jours. Ce que leur fuite erratique de plus tôt dans la journée ne leur a pas laissé le luxe de faire. Oui, quand on fuit, on fuit. Le but ultime est de mettre de la distance entre soi et les poursuivants, peu importe comment. Alors forcément, en suivant cet objectif, ils n'ont pas choisi le chemin le plus pratique, traçant jusqu'à la forêt environnante parce que selon toute logique, c'est encore le meilleur endroit où se cacher.
Et du coup ils sont coincés avec un chemin pourri à suivre.
Chemin pourri que Finn ne prend peut être même pas dans le bon sens. Heureusement, Nana dans sa grande charité d'âme vient à son secours et l'arrête, non sans une pique au passage. Il y a des limites à sa générosité on dirait.

- Et sinon, on peut se séparer ici maintenant. On se revoit dans une semaine, mais passe-moi les clés de préférence. J'aimerais éviter de patienter six jours devant la porte.

Finn ressent un instant l'étrange envie de rire et de pleurer en même temps. Couplée à celle de se rouler en boule dans un coin et de broyer du noir sur son système de repérage innexistant. C'est pas juste, pas juste du tout.
Puisqu'aucune des deux options n'est utilisable, il va pour la troisième. Délogeant d'un haussement d'épaules le bras du chain bien trop fier de lui pour son bien, il s'engage cette fois dans la direction pointée par Boussole-sur-pattes, et lance:

- Hmph. Je le savais. C'était pour tester ta fidélité, voir si t'allais me suivre. Félicitations, tu as passé le test haut la main. Peut être que je n'empoisonnerai pas ta nourriture.

Après ça il tient très exactement dix minutes de mutisme obstiné destinées à le calmer -le tout avec abondance de râleries mentales, bien sûr-, et puis il recommence à causer. Et ça continue comme ça pendant un bout de chemin.

Le cerveau de Finny est passé en mode zombie depuis un petit moment. Il n'arrête pas de pousser des plaintes traînantes qui ressemblent furieusement à des "Maiiiiisooooon". Du coup le propriétaire du cerveau zombifié en question a quelques difficultés à se concentrer correctement. Aussi quand sa chain pose la très pertinente question:

- Tu comptes rester avec ta cape tout le temps ? Je veux survivre jusqu'à la maison.

Il ne comprend pas tout de suite qu'on vient de s'adresser à lui, et avance encore de plusieurs bons pas avant de se geler sur place en revenant à la réalité. Le contractant se tourne alors vers l'autre hom...Chos... Etre vivant d'apparence humanoïde en clignant des yeux dans une imitation fidèle du hibou sur sa branche.

- Tu viens de me poser une question ?

Il semble très perplexe. Et puis finalement la phrase perçue par ses oreilles est analysée et il percute.

- Ah ! La cape.

Il observe un instant de plus Naaru en songeant à la question hautement pertinente qu'il vient de poser. Et puis finalement:

- On échange. Puisque se balader avec sous le bras ne sera pas plus discret sur une route comme ça, tu vas la mettre. Et si jamais on croise quelqu'un sur la route, tu n'auras qu'à rentrer faire un tour dans l'Abysse.

Il sait que sa chain a une sainte horreur de l'Abysse, et honnêtement qui pourrait l'en blâmer ? Finn ne le fait pas. Il a après tout lui aussi eu droit à un séjour rallongé dans l'Abysse, et ça ne lui avait pas plu plus que ça à l'époque.
M'enfin quand y'a pas l'choix, y'a pas l'choix... Avec un peu de chance, ils ne croiseront personne avant le crépuscule et tout ira bien.
Il pourra de toute façon la porter à la main une fois aux alentours de la ville, mais sur une route de campagne... Leur état en dit déjà long sur ce qu'ils ont pu faire de leur journée, alors avec une étoffe rouge aussi imposante dans les bras, franchement.

Le plus jeune joint le geste à la parole et décroche le lourd tissu rouge qu'il a sur le dos, pour ensuite le tendre à sa chain. Une fois que l'autre châtain l'accepte, le Baskerville détourne le regard l'air de rien vers la route et ajoute:

- L'idée ne m'enchante pas. Juste pour que tu saches.

Puis il croise les bras. Son tempéramment de plus tôt est définitivement retombé.
Bien sûr, cela ne veut pas dire que Nana échappera à la liste de corvées qui l'attend. Faut pas pousser mémé Gertrude dans les orties.


[Hrp: Absolument, complètement et totalement NON relu. Pardon. Je reviendrai éditer ça plus tard ♥]

Sérieusement, Naaru aurait pu, aurait dû se prendre des baffes pour ce qu'il racontait à tort et à travers, sans même peser une seconde le poids de ses mots. Ça lui permettrai peut-être d'éviter d'énerver son entourage. Mais le Nana d'aujourd'hui faisait encore moins attention à ce qu'il racontait que d'ordinaire. Il était fatigué, énervé, chamboulé, frustré et blasé. Et tout à la fois, s'il vous plaît. C'est pourquoi il ne tarda pas à faire une remarque forte déplaisante à son contractant, dont l'état actuel n'était guère enviable, tant morale que physique. Enfin c'était ce qu'en déduisait Naaru en fixant son coéquipier. Il n'allait pas bien. En fait, ils n'allaient pas bien. C'était le gros soucis.

- T'en étais un j'te signale.

Naaru se figea en un instant. Il n'aimait pas trop qu'on ressasse son passé, peu importe l'identité de la personne qui en parle. Il baissa la tête, trop inactif pour parler. Humain, hein ? Il l'eut été, un jour dans sa longue vie. Il ignorait aujourd'hui l'âge qu'il aurait pu avoir s'il avait continué sa vie d'humain. Il serait probablement mort. C'était plus difficile de mourir en tant que Chain. Ce dernier soupira lentement en fermant progressivement les yeux. Il ne se souvenait de rien. Volontairement, il s'était forcé à oublier. Oh, il ne regrettait pas cette vie. Elle était plus vivante, mais il gardait des séquelles de sa vie antérieure. Des séquelles si fortes qu'il avait préféré se séparer de ses souvenirs. En parler était comme un petit coup de marteau sur un fer au bord du feu. Tout rougeoyait.

- Je crois.

Naaru passa ses mains derrière sa tête et ouvrit un œil pour fixer son contractant. Le Chain ne se remettait toujours pas de la phrase dite précédemment, mais ne pouvait s'empêcher d'avoir une pointe d'incrédulité face au déroulement des paroles. Mine de rien, cela lui permet d'esquisser un léger sourire.

*Peut-être que dans ma vie antérieure, j'étais un vieux pédophile ermite. Parce que l'ermite il doit bien descendre au village pour faire ses courses de temps en temps.*

Ce fut sans plus de commentaire que Naaru finit finalement par lâcher un petit rire effronté. Son deuxième œil s'ouvrit. C'était un grand avantage pour le Chain de vivre la vie au moment présent. Cela lui permettait de ne pas souffrir. Parallèlement, cela lui avait aussi gâché de bons souvenirs. Pourtant, ils étaient là, quelque part dans son cœur, mais ne s'exprimaient jamais à l'oral. Il les gardait pour lui seul, sans vouloir s'en remémorer. Voilà le genre de personne qu'il était.

- En fait, pourquoi t'es tombé ?

Le Chain réfléchit. Ha ha, il a enfinréfléchi avant de l'ouvrir, sortez le Champomy ! Hrm. Il hésitait un peu. Se ridiculiser ne faisait pas parti de ses mœurs. Et il savait pertinemment que s'il évoquait la véritable raison, il allait être pris pour un fou. Finalement, il se dit que l'esprit de Finn devait déjà être suffisamment détraqué pour avoir vécu quelques aventures avec lui. Ce qui l'amena à la conclusion même : Peu importe ce qu'il dirait, de toute façon il allait passer pour un idiot fini. Peut-être même que Finn le taperai une deuxième fois pour avoir subit des dommages corporels pour un écureuil invisible.

-J'ai cru voir un écureuil. Comme il était apparemment invisible, je me suis dit que j'allais pas voir ça tous les jours.

Et la logique dans tout ça ? Aucune. Naaru voulait passer pour un détraqué mental à présent. Peut-être même pourrait-il s'entendre avec les gens de l'asile. Il se renseignerai en rentrant sur la prison de Réveil. Il devait bien y en avoir une, même plus loin. À moins que l'Abysse ne soit le châtiment suprême, et en ces cas-là, Naaru préférerai encore qu'on le pende pour sa folie. Oh et puis, il y avait des cas à Pandora apparemment. Ils ne lui en voudraient pas pour son autodérision.

Quoiqu'il en soit, le Chain reprit bien rapidement son mutisme, se contentant d'observer son contractant débiter un nombre incalculable de paroles. Le mieux était encore de lui jeter un regard blasé. C'est ce qu'il fit. D'accord, il n'avait rien à foutre de ce que lui racontait son ami. Il était tombé, ça ne servait à rien qu'il le lui bassine encore jusqu'au chemin du retour. Il ne ferait pas pour autant la vaisselle. Et puis, Finn avait probablement tout rangé à la maison. Rien que ça, ça suffisait à rendre Naaru malade au pont de tout vouloir lâcher et crier « J'te quitte ! ». Tout à fait. Rajoutez à cela un fond sépia, des feuilles qui tombent lentement, une porte qui claque, des larmes de crocodiles couler des yeux de Finn et... Ok, là on s'éloigne vraiment trop de la réalité. Quoiqu'il en soit, les deux jeunes gens devaient rentrer sains et saufs. Et que Finn n'aillent même pas essayer de faire un détour par chez les Baskerville pour faire un compte rendu de la situation. Car il n'irait pas parce qu'il était trop fatigué. Ensuite parce qu'il n'avait pas envie de s'en prendre une par le supérieur pour avoir semé la pagaille dans une mission censée être facile. Elle l'était d'ailleurs. Jusqu'à ce qu'ils se fassent repérer.

*Je n'ai rien à dire pour ma défense.*

Ce qui prouvait justement qu'il se sentait coupable de quelque chose. Son dos eut un léger frisson et il pensa que c'était dû l'air froid. Ouais, c'est ce qu'on dit. Quoiqu'il en soit, le jeune Chain préféra penser à autre chose, une façon de fuir la réalité comme d'habitude, et s'amusa en son for intérieur à observer l'éloignement de son contractant prendre le mauvais chemin. Il se serait beaucoup amusé à le voir continuer tout droit sans rien dire. D'ailleurs, si l'envie ne s'était pas faite sentir de rentrer au plus vite, il l'aurait suivi sans rien dire pour finalement lui annoncer la nouvelle quelques kilomètres plus loin. Quelque part, ça le déprimait de voir son compagnon galérer autant avec l'orientation. C'était à s'en demander s'il se repérait mieux dans l'Abysse. Apparemment, le gentil petit Finn n'apprécie pas la charité du Chain et en fut à la limite de grogner après sa phrase. Oooh, mais c'est qu'il devait être rudement fatigué pour ne pas s'en prendre une. La chose étant que Naaru était aussi fatigué que son contractant.

- Hmph. Je le savais. C'était pour tester ta fidélité, voir si t'allais me suivre. Félicitations, tu as passé le test haut la main. Peut être que je n'empoisonnerai pas ta nourriture.

Naaru éclata d'un rire franc et mélodieux. Il avait rarement l'occasion de s'exclamer à ce point sur une chose pareille. Mais le contractant faisait fort. Il était bien tenté de lui dire qu'il lui avait menti sur la direction et que la sienne était la bonne, mais ç'aurait été trop méchant pour lui. Et puis, Naaru voulait économiser les piles de son voisin. Et le chargeur était à la maison. Finette s'était détaché du bras de Naaru et continuait son chemin, du bon coté cette fois. Le Chain le suivit de plutôt loin, fasciné par une nature si verte et si calme. Il était tout à fait dans son élément. Ou tout du moins il tâchait de s'en persuader, afin que le temps lui paraisse moins long et que les jérémiades enfantines de ses pieds cessent.

Son coéquipier sembla bien silencieux tout à coup. Était-ce dû à la petite pique de la part de son ami le Chain ? Oh, il s'en voyait désolé. Vraiment. Mais pas sincèrement. Ils marchèrent ainsi encore un certain temps. Un long moment plus tard, ils arrivèrent enfin en bordure de route. À Naaru de prendre ses responsabilités et de marquer un temps d'arrêt sur la cape trop voyante des Baskerville. Grmbl, il irait se plaindre un jour au comité de design des Baskerville. Et il changerai la couleur de cette fichue cape. Finette ne sembla cependant pas noter la phrase.

- Tu viens de me poser une question ?

Naaru soupira avec désolation. Finn devait bien savoir qu'il n'aimait pas répéter.

- Ah ! La cape.

Le Chain acquiesça sans en dire plus. Il attendait davantage une réponse qu'un simple accusé de réception. C'est pourquoi il se tut jusqu'à ce que l'homme fasse à lui se décide à lui proposer quelque chose. Ce qui ne tarda heureusement pas.

- On échange. Puisque se balader avec sous le bras ne sera pas plus discret sur une route comme ça, tu vas la mettre. Et si jamais on croise quelqu'un sur la route, tu n'auras qu'à rentrer faire un tour dans l'Abysse.

Naaru émit un léger bruit de langue, témoignant de son dénigrement total pour ce genre de choses. Aller dans l'Abysse ? Et puis quoi encore ? Quand était-il supposé savoir quand sortir ? Il n'allait pas abandonner son contractant comme ça, sans rien dire. Oh non, il le ramènerai vivant chez lui, et en bonne santé pour qu'il puisse faire la cuisine. Il ferait même la vaisselle. Non, quand même pas. Mais il l'aiderait ! Peut-être. Quoiqu'il en soit, Finn allia le geste à la parole et décrocha sa cape qu'il tendit soigneusement à son Chain. Celui-ci n'eut d'autre choix que de se bouger un peu, et sortit son bras de sa manche pour saisir le lourd tissu. Il détourna un peu le regard, subitement boudeur. Naaru passa le cape par-dessus son épaule et remit sa main dans la manche opposée.

- L'idée ne m'enchante pas. Juste pour que tu saches.

Naaru haussa un sourcil interloqué. Était-ce un mot gentil ? Autant le Chain était doué pour énerver son monde, autant il se trouvait démuni face à des mots gentils, et n’avait pas d'autres choix que d'en prononcer aussi. En plus, Finn l'avait totalement pris au dépourvu, et Naaru ne put prononcer mot l'instant qui suivit. Puis, il tenta la fuite vers le ciel, même s'il sentait légèrement ses joues s'enflammer. Pas pour longtemps. Il inspira profondément, puis, l'air de rien, il continua son chemin vers la route et lança d'une voix curieusement posée :

-Ça me va. Tâche de pas mourir si on me repère avant que j'ai le temps de faire quoique ce soit.

Instant de pause.

-Sinon, j'aurai rien à manger ce soir.

Ouais, et c'est qu'il joue drôlement mal le rôle de la personne qui en a rien à faire de l'humain.

La raison de leur chute étant complètement ridicule, Finn a préféré ne pas y donner suite. Il savait de toute façon déjà en posant la question que la réponse ne ferait que l'exaspérer. Et par la suite, le chemin a réussi a le calmer. L'écureuil qui n'en était pas un est déjà oublié.
Comme tous ses prédécesseurs avant lui.

Le méchant garçon qui lui sert de chain prend malgré tout docilement la cape, et un instant Finn se demande si le chain serait prêt à exécuter n'importe quel ordre. Prêt, ou contraint ? La première possibilité est de loin la plus préférable. On est plus efficace lorsque l'on est volontaire. D'après Finn en tout cas. Et puis quelque part, ça lui ferait quand même un peu mal que l'urluberlu qu'il en est venu à considérer comme un très bon ami n'agisse que par contrainte, et non pas par volonté propre. Obéir volontairement à un ordre, c'est aussi en reconnaître la valeur et en approuver le contenu.
La raison même pour laquelle Finny serait lui prêt à tout pour maître Glen. Parce qu'il croit dur comme fer que ce que le maître dit est forcément ce qu'il y a de mieux. Qu'on le traîte de mouton suivant aveuglément un berger ne fait que le traverser comme une brise dans un pré. C'est presque agréable, que de se faire insulter par des gens qui ne comprennent pas, et ne peuvent surtout pas comprendre ce que cela fait d'avoir quelqu'un à admirer et à suivre.
Dommage pour eux. Tant mieux pour les Baskervilles.

Pour en revenir à la relation entre les deux zigotos, elle n'est pas exactement comparable à celle qui inclue le maître, mais c'est aussi une histoire de respect. Et peut être aussi qu'un morceau concerne l'amitié.
Lorsque (ba)Nana reprend sa route, Finn fait de même après une dernière petite prière à tous les dieux de l'Abysse et du monde réel pour qu'ils ne croisent personne. C'est ce moment que choisit Naaru pour parler à nouveau.

- Ça me va. Tâche de pas mourir si on me repère avant que j'ai le temps de faire quoique ce soit.

Le contractant observe le dos de sa chain en clignant des yeux, mais qu'on se rassure, le hibou est retourné dans son arbre cette fois. Oooooh des mots gentils.

- Sinon, j'aurai rien à manger ce soir.

Tout ce que tu veux Nana, les oreilles de Finn ont de toute façon sorti le filtre à piques juste après ta première réplique, sachant pertinemment - il commence à te connaître que veux-tu - que le truc qui suivrait ne vaudrait pas le coup.
Finny se permet de sourire un instant dans le dos de la chain, parce qu'il ne faudrait quand même pas qu'il voit que sa réplique a été bien accueillie.

- T'es un cas désespéré en cuisine. Tu serais obligé de trouver un moyen de me ramener de toute façon, sinon tu risques de crever de faim un bout de temps jusqu'à ma réincarnation.

Sérieusement. Ce bougre qui manipule le métal comme si c'était du tofu est incapable, combien même cela lui sauverait la vie, de cuisiner. Finn l'a interdit de cuisine d'ailleurs. Il n'a autorisation d'y mettre les pieds que pour faire la vaisselle, et quand Finn lui même le permet. Et alors quand le contractant cuisine, il devient une bête sauvage qui protège sa tanière. Nana a déjà expérimenté les coups de spatule, cuillères et autres fourchettes dirigés vers sa personne dans le but évident d'annihiler la présence génante qu'il représente dans ces moments.
Finn a, et c'est un phénomène très intéressant à observer, un coup de spatule-défensif remarquable. Précis et douloureux. Merci à Naaru de lui permettre, jour après jour, via sa bêtise son soutient sans faille, de pratiquer cette discipline délicate à maîtriser.
Merci Nana.

L'(a)Nana en question porte d'ailleurs suprenament bien la cape rouge des Baskervilles.
Bon en même temps c'est difficile de mal porter une cape.

- T'aurais fait un bon Baskerville. Au moins en apparence.

Oui parce que sinon à part ça, Naaru respire l'Abysse à plein poumons quand on est un peu trop prêt et qu'on fait attention, donc c'est un peu mort. En plus de cela, il agit un tantinet trop bizarrement pour être vraiment humain. Dommage Nana, dommage.

La première heure de voyage se déroule tranquillement et normalement, avec Finn et son intarissable moulin à parole faisant la conversation pour lui et pour les autres. Des fois Nana a daigné répondre. Des fois. Pas un passant non plus, rien, et c'est tant mieux. Enfin si, il y a bien eu ce petit vieillard à un moment, mais ils l'ont vu de loin et le vieux allait à une allure de... Ben, vieux, en fait. Il n'a pas été très dur, donc, de ne pas se faire voir.
Actuellement, le contractant n'a rien dit depuis deux minutes comme ça lui arrive des fois - oui, il sait en fait se taire, mais là il voulait s'occuper pendant le trajet - et il s'ennuie. Comme un rat crevé, pour sortir une expression classe, propre et distinguée.
Et il fait quoi Finn quand il s'ennuie ? Ben il continue de parler.

- On va où demain soir pour fêter ma paie ? Ou peut être après demain soir parce qu'en fait je me sens de dormir une journée entière.

Oui c'est logique, quand il gagne de l'argent, il va le dépenser. Enfin il veille à toujours en garder assez pour le loyer et les dépenses indispensables. Il peut bien faire ce qu'il veut du reste, non ?

Une paire d'yeux tenta une faible vision vers l'ennemi. Naaru, posté devant Finette, ne revenait lui-même pas de la fameuse phrase gentille qu'il avait prononcé quelques minutes auparavant. Oh, il lui arrivait par moments de lancer quelques félicitations, mais en général, cela n'allait pas plus loin qu'aux talents gastronomiques de son contractant. Il faut dire que Naaru appréciait particulièrement les plats préparés par son jeune maître. Il remerciait toujours son cuisinier à la fin des repas. C'en était même devenu une évidence, et Finn n'y faisait probablement même plus attention. Pourtant, c'était à l'heure du repas que fleurissaient les plus grands adages.

Le regard de Naaru tâcha de ne pas rester trop longtemps sur celui de son contractant, plus en retrait. Il ne voulait pas alerter ce bon monsieur de l'élan de gentillesse dont il lui avait fait part. Il se sentait exténué, et curieusement c'était à ce moment-là qu'il devenait plus doux. Naaru avait d'ailleurs déjà pompé dans ses dernières forces pour sortir -inutilement- la pique qui vint poursuivre le petit mot amical. Le Chain se sentait devenir humain par moments. Réagir comme un humain le ferait. Vivre comme un humain le ferait. D'un côté, même s'il s'évertuait à se sentir normal d'être un chain, il appréciait ses moments où son contractant l'emmenait partout comme s'il se connaissaient de longues dates, comme de vieux amis. Finette et Naaru n'étaient certes pas toujours sur la même longueur d'onde, mais il arrivait qu'à des moments ils se sentent tous deux soutenus par l'autre. Grâce aux combats notamment.

- T'es un cas désespéré en cuisine. Tu serais obligé de trouver un moyen de me ramener de toute façon, sinon tu risques de crever de faim un bout de temps jusqu'à ma réincarnation.

Naaru grimaça un peu en serrant dans son poing la cape que lui avait refilé son contractant. Il pensait depuis plusieurs minutes à la joie qu'il éprouvait à passer du temps aux côtés de son compagnon et voilà que ce dernier ne notait que sa dernière phrase. Intérieurement, il savait que son coéquipier avait bien apprécié, et il était heureux de penser à tort qu'il n'avait rien compris, comme pour se satisfaire. Pourtant, en paradoxe ambulant, le jeune chain n'appréciait pas cette phrase. Bref, bien qu'ayant un esprit très intelligent, Naaru se prenait beaucoup trop la tête. Certes, il ne savait pas cuisiner. Ça, il l'avait compris depuis qu'il avait failli s'empoisonner après un repas qu'il croyait avoir réussi. Mais racontons donc cette période tout à fait passionnante de son histoire.

Ce devait être le troisième ou quatrième jour de son nouveau contrat avec Finn. La nourriture, ou plutôt le pâté carbonisé, gisait brunâtre devant les yeux de Naaru. Il avait tenté son expérimentation de soupe au mixeur, sauf qu'elle avait terminée par défier les lois de la gravité et s'était muée en pâte bien consistante. La couleur et l'odeur n'étaient pas particulièrement alléchante, et si l'un d'entre vous s'était trouvé là à ce moment, vous l'auriez balancé par la fenêtre avec Naaru en prime. La cuisine plutôt étroite était devenue une porcherie en l'espace de trois dixième de secondes. Naaru n'avait lui-même pas confiance en ce qu'il avait cru créer. C'est pourquoi il voulu le faire goûter à Finn en premier. Ce dernier qui bien évidemment mis le tout à la poubelle. Et c'est le Chain qui finit par tout engloutir en vingt secondes, sous les yeux ébahis de son nouveau contractant. Mine de rien, le chain a passé les trois jours suivants dans l'Abysse sans reparaître. Son ventre a dû lui faire atrocement souffrir. Bref, depuis ce jour, Finn ne lui a même plus proposé d'éplucher les concombres.

Voilà donc la raison pour laquelle Naaru privilégiait la cuisine de son gentil maître. Enfin, seulement quand il était à table... Le reste du temps, s'il osait un passage éclair à la cuisine pour goûter les succulents plats du dîner, il manquait de se prendre de vilains coups de trucs étranges avec des formes farfelues. Comme Naaru n'avait jamais l'air de retenir la leçon, il était toujours le premier dans la cuisine. Un peu masochiste sur les bords. Quoiqu'il en soit, le chain accéléra rien qu'à penser au repas qu'il allait préparer. Râlant doucement, il répondit quand même à la réponse de son interlocuteur :

-Je fais de la cuisine contemporaine. C'est mangeable. Les Chains pourraient apprécier.

C'était bien pour cela qu'il avait terminé malade. Un sourire sadique se dessina sur ses lèvres. C'en était une nouvelle idée pour attaquer ses futurs ennemis. Cadeau empoisonné... Et puis... Oh oui, c'était mangeable. À condition d'avoir un sacré estomac, une bonne descente et une habitude des nausées. Ajoutons à cela en priorité une résistance à la vue de ses plats. Si vous trouvez un jour un homme ou une femme possédant ces critères là, amenez-le lui. Nana continua d'avancer. La route était étonnamment calme, et c'était tant mieux. L'Abysse ne donnait pas plus envie que ça. Le Chain attacha la cape autour de lui, et la trouva vraiment chaude. Le soleil ne tapait pas tant que ça, mais le tissu était lourd. Presque comme du velours. Avec son kimono, son haori et la cape, la pauvre petite énergumène suait presque à marcher.

- T'aurais fait un bon Baskerville. Au moins en apparence.

Naaru tourna la tête en arrière pour fixer Finn. Lui ? Un bon Baskerville ? Pourquoi avait-il dit ça ? En tout cas, il avait bien fait de préciser en apparence. Mentalement, Naaru se fichait du Glen en question que tous recherchaient. Il se fichait de la hiérarchie qu'ils se fixaient entre eux, des missions parfois suicidaires qu'on leur donnaient. Il ne manquait d'ailleurs pas d'annoncer à haute voix, honnêtement, quand tel ou telle chose ne lui semblait pas faisable, si bien que Finn partait parfois sans lui chercher des missions de peur de se faire trop remarquer. Pourtant, d'eux deux, c'était Finny le plus bavard. Naaru cherchait quelque chose à répliquer mais il finit bien vite par se concentrer sur autre chose, si bien que cette pensée ne fut bientôt qu'un lointain souvenir.

Au cours de l'heure de marche qui suivit, Naaru se contenta d'écouter la vie passionnante de son contractant. Parfois, il ne répondait pas aux questions, accaparé par le vol d'un papillon devant lui. Il s'arrêtait de temps à autre, empêchait son contractant d'avancer parce qu'il avait vu un bousier sur le sol traverser la route. Il se trouvait bavard quelquefois, sans en arriver à un paroxysme de décibels. Un moment, ennuyé, il fit le chemin sur les mains, sur environ 500 mètres. La cape le gênait pas mal, c'est pourquoi il avait finit par l'attacher à son pied le temps d'effectuer ses pirouettes. Au bout d'un moment, environ vingt minutes après son ennui, un vieux était passé. Naaru avait avancé de manière à être dans son dos en prenant sa propre voie, puis s'était arrêté pour l'observer marcher. La lenteur dépressive de l'homme finit par l'énerver, et il calma ses nerfs déjà exténués sur la mouche qui lui tournait autour depuis un temps déjà.

Deux minutes passèrent, deux minutes silencieuse qui n'allaient pas tarder à être comblées par Finny. C'était environ le temps qu'il lui fallait pour chercher un nouveau sujet de discussion.

- On va où demain soir pour fêter ma paie ? Ou peut être après demain soir parce qu'en fait je me sens de dormir une journée entière.

Sur la fin de la phrase, Naaru était d'accord. Il savait qu'il dormirait un certain temps compris en douze et seize heures. Oh oui, ce n'était déjà pas un lève-tôt en temps normal, mais là, il avait en plus dû puiser dans ses dernières ressources pour avancer. Il n'y avait plus d'huile dans le moteur, et la station essence n'était pas encore toute proche. Vraiment pas. Quand à la première partie de la phrase, Naaru n'en avait aucune idée. Il n'était pas humain, il n'avait pas les mêmes envies que les humains, et là tout ce qu'il voulait, c'était un lit et un bon repas. Rien qu'à cette idée, il ne put s'empêcher de bâiller, et une larme de crocodile vint se nicher sur le bord de son œil gauche. Le Chain fit cependant un effort considérable pour chercher l'endroit en question. Il se souvint alors d'une affiche collée à un lampadaire.

-Y'a une nouvelle représentation de je sais plus quelle pièce au théâtre en ce moment. Je suis jamais allé au théâtre.

Enfin si, Naaru, dans sa vie d'humain, avait déjà vu une pièce de théâtre. Mais ça, c'était profondément encré dans une partie de son cerveau, fermé à double tour par sa seule volonté. En tout cas, dans l'instant présent, le chain trouva que son idée était plutôt acceptable. C'était une sortie originale après tout.

Quelques nouvelles heures passèrent, et Naaru commençait à se faire un sérieux soucis. Le soleil déclinait à l'horizon, et ses rayons avec. Il n'y eut aucun problème sur le retour. Enfin, un léger. Des étrangers en calèches qui apparemment ne connaissaient pas le coin. Par manque de temps, Naaru n'a pas pu se cacher dans l'Abysse, mais ces gens-là n'avaient même pas l'air de faire attention à lui, trop accaparé par les conseils de Finny pour aller dans une contrée éloignée. Contrée pas si loin de l'endroit qu'ils avaient tout deux quittés.

Il arrivèrent à destination en début de soirée, et la lune avait déjà commencée son ascension lorsque les premières lumières de Réveil parvinrent jusqu'aux yeux des deux jeunes hommes. C'était tant mieux. La couleur pourpre serait cachée par la lumière jaune des lampadaires. Arrivés à la maison, ce fut Naaru qui s'écroula le premier sur le tapis de la salle principale. L'odeur de la maison lui avait manqué.