C’était une journée complètement banale, comme toutes les autres avant elle au lycée Lutwidge, qu’Elliot Nightray décida d’aller passer un moment dehors. Il faisait beau, alors il n’allait certainement pas rester enfermer à l’intérieur. Il soupira et se leva, en refermant son livre. Il se trouvait dans sa chambre, et regardait surtout dehors, qui semblait plus intéressant que son livre. Il se leva, posant ainsi son ouvrage, et sortit de sa chambre en s’étirant.

Aller prendre l’air ne lui ferait pas de mal. Il parcourra les couloirs de l’établissement, jusqu’à sortir dans la cours. Il inspira, et leva les yeux vers le ciel. Il y avait quelques nuages qui avançaient paresseusement au gré du vent. Elliot alla s’assoir dans un coin. Il aimait bien venir ici avant, ou après les cours pour se détendre. Avec un temps pareil, et un petit vent léger, cela faisait du bien de temps en temps. D’autres élèves étaient venus profiter du temps qu’il faisait pour débarquer dans la cours. Du moment qu’ils le laissaient tranquille, ça lui allait. Cependant, il regardait les lycéens aller et venir, ou même faire comme lui, se détendre, assit ou même debout. C’était bien, de pouvoir se reposer dans le calme, sans le stresse des cours, ou d’autres raisons diverses et variées. C’était bien de pouvoir profiter du soleil quand il se pointait, au lieu de rester à l’intérieur à glander.

Elliot salua parfois des étudiants qui lui faisaient signe de-ci de-là, mais resta en grande parti assit, la tête levée vers le ciel, regardant cet océan azur d’un air distrait, observant les nuages. Cela le détendait. Il ne pensait à rien, ce qui pouvait évacuer ses soucis pendant un laps de temps. Il ne songeait à rien non plus. Ces moments de tranquillité, le jeune homme en avait rarement, et quand il en avait, il en profitait. Elliot ferma les yeux en inspirant profondément. Il était fatigué, il avait mal dormi cette nuit, mais il ne se plaignait pas. La seule personne qui le savait, qu’il dormait mal, c’était son valet, Leo, qui était également son confident. Sinon, il s’évertuait à gommer les traces de ses nuits quasi-blanches. De toute manière, il ne répondrait pas si quelqu’un le lui faisait remarquer. Ce qui ne pouvait pas être évident, puisque il agissait comme tous les jours. Elliot bâilla, tout en gardant les yeux fermés. C’était pour ça qu’il bénissait ce genre de moment, car cela lui permettait de se reposer. Mais, parce qu’il y a un mais, ces moments étaient toujours brisés à un moment donné.

Un soleil radieux, un ciel bleu parsemé de petits nuages, une douce brise parfumée par les fleurs, voilà ce que l'on pourrait appeler un beau temps. Mais cela ennuyait Agathe plus qu'autre chose. Non pas qu'elle détestât la chaleur à ce point mais parfois, elle préférait la pluie, le ciel gris et son ambiance douce. Elle soupira, et se mit en quête d'une occupation. Quittant la bibliothèque, elle retourna dans sa chambre, attrapa quelques-unes de ses partitions et un en-cas. Elle se surprit à trainer des pieds dans les longs couloirs, et arrivée devant le piano, elle ressentit une lassitude impressionnante. La musique lui permettait pourtant souvent de se reposer et de s'évader, mais aujourd'hui, elle se dit qu'elle avait besoin de discuter plutôt que de rester enfermée dans son coin. Elle regarda par la grande fenêtre, qui éclairait la pièce d'une lumière douce, et crut apercevoir une de ses rares connaissances. Elle décida donc de sortir et pourquoi pas, de marcher un peu. Elle arrangea son noeud papillon, qui lui chatouillait sans cesse le menton, et fixa quelques instants le piano, mais l'envie de jouer ne lui revenant pas, elle sortit. Abandonnant ses partitions, elle marcha jusqu'à la porte, et déboucha dans la cour.

De nombreux élèves étaient déjà dehors, et semblait heureux, comme soulagés d'un poids trop lourd qu'ils auraient pendant trop longtemps dût soutenir. Agathe les enviaient, n'ayant pas vraiment de meilleurs amis, juste quelques copines. Elle n'étaient pas inscrite ici depuis très longtemps, en tout cas pas assez pour connaître beaucoup de monde. Pour beaucoup, elle n'étaient encore que "la petite nouvelle qui mange tout le temps". Cela ne la dérangeait pas, et elle s'amusait de cette situation. Elle croqua dans un de ses cookies, et se surprit enfin à sourire. Vraiment, son meilleur réconfort était sans aucun doute la nourriture. Étrange, certe, mais très efficace. Ayant retrouvé une partie de sa bonne humeur, elle chercha des yeux une personne qu'elle connaissait.

Au lieu de ça, elle aperçut quelqu'un sur un banc, en train de piquer un petit somme semblait-il. Elle s'avança vers lui et reconnu Elliot Nightray. Aussi loin qu'elle se souvienne, Elliot lui avait toujours semblé légèrement fatigué, mais elle ne résista pas à l'envie de le réveiller. Elle avait toujours prit un malin plaisir à réveiller les gens au pays des songes. Non pas qu'elle cherchât l'engueulade, mais cela l'exaspérait de voir quelqu'un dormir. Elle, elle était paresseuse, mais il était hors de question que les gens autour d'elle en fasse autant. Agathe aimait avoir autour d'elle des gens dynamiques, et pas une bande de gros dormeurs, qui roupillaient sans cesse. Tout se complète se disait-elle ! Si elle se faisait engueuler, au moins, cela aurait quelques peu animé sa journée. Elle piocha de nouveau dans son sachet et en sortit un cookie, savourant les petites pépites de chocolat. Toute sa mauvaise humeur avait maintenant disparue, et elle se dit qu'elle allait enfin s'amuser. Elle l'apostropha donc, peut-être un peu trop brutalement, en lui cognant son sachet contre le front.

-Eh ! Ce n'est pas un temps à dormir !

Sans s’en rendre compte, Elliot s’était assoupi. Il ne rêvait pas, ni ne cauchemardait. Il dormait paisiblement, car cela lui était rare. Etant assoupi, le jeune homme ne vit pas la lycéenne s’approcher de lui. Cependant, il sursauta méchamment quand il reçut un coup de sachet dans le front, sortant ainsi de ses songes. Il entendit cette même fille l’apostropher. En revanche, il ne comprenait pas pourquoi elle le faisait. Jusqu'à preuve du contraire, il ne l'avait pas embêtée, donc Elliot ne comprenait pas pourquoi elle l'engueulait. Sa lanterne s'éclaira quand il entendit sa tirade.

<< Eh, ce n’est pas un temps à dormir ! >>

Tout s'éclaire. Il était en train de dormir ... Et alors ? C'était son droit, non ? De quoi elle se mêlait, celle-là ? C'était quoi, son problème ? De quel droit était-elle venue le réveiller ? Surtout que, à sa connaissance, il n’avait dérangé personne. Ce fut donc avec un regard noir qu’Elliot fixa la jeune fille, exprimant sa mauvaise humeur quand on le réveille.

<< Non mais tu te crois où, là ? Je dors si je veux, t’as pas à me réveiller comme bon te semble ! >>

La vilipenda-t-il, limite en criant. Elle n’avait qu’à se mêler de ses oignons au lieu de venir le déranger. Elliot souffla un bon coup. Non. Il n’allait pas s’énerver pour si peu. Enfin, juste pour un réveil assez brutal. Il fallait rester calme. Surtout que des élèves avaient tourné la tête vers lui quand ils l’avaient entendu crier. Ouais bon, comme discrétion, on en reparlera.

<< Pourquoi viens-tu me déranger, d’ailleurs ? T’as pas autre chose à faire que de venir réveiller les gens qui dorment ? >>

Dit-il. Qu’elle le réveille était une chose. Qu’elle l’apostrophe pour l’unique raison qu’il dorme était un peu abusée, quand même. Il avait tout de même le droit de dormir où bon lui semblait ? Surtout qu’il faisait beau, et que ça lui permettait de remplir ses poumons d’air frais. Mais bon, Elliot aurait tout le temps de lui dire sa façon de penser une fois qu’il aura mis un nom sur ce visage. Le Nightray observa la jeune fille. Il l’avait déjà vu, et d’ailleurs, ce n’était pas la première fois qu’il lui parlait. Ca y était, il avait son nom en tête. Elle venait parfois jouer au piano, et savait qu’elle était arrivée il n’y avait pas si longtemps, et qu’elle n’avait pas trop d’amis. Elle devait sûrement en avoir, bien entendu, mais pourquoi elle venait l’embêter, lui ? N’avait-elle pas autre chose à faire que de venir lui donner des coups avec son sachet ? Apparemment non, puisqu’elle se trouvait devant lui. Il retint un soupir, et resta assit sur son banc, à observer la lycéenne. Il se dit qu’il devait attendre que son interlocutrice lui réponde. C’est suivant la réponse qu’il aura le droit de l’enguirlander comme il se doit. Elliot n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, il allait lui faire comprendre, et tant pis si il passait pour l’énergumène de service.

Le réveil du garçon fut, on peu le dire, explosif. Agathe le vit sursauter, puis lui lancer un regard plus que noir. Il était de mauvaise humeur c'était certain. Agathe reprit son sachet, en sortit un cookie et continua à manger comme si de rien n'était. Elle l'écouta continuer sur sa lancée, patiemment.

- Non mais tu te crois où, là ? Je dors si je veux, t’as pas à me réveiller comme bon te semble !

La moitié de la cour s'était retournée, le jeune Nightray criant presque. Bien sûr qu'il avait le droit de dormir, là n'était pas le problème. Seulement, la nuit était faite pour dormir, le jour lui, pour faire autre chose que roupiller. Elle n'arrivait tout simplement pas à comprendre qu'il gâche ainsi son temps. Mais elle ne pût lui exposer son point de vue que lycéen avait reprit ses tirades :

- Pourquoi viens-tu me déranger, d’ailleurs ? T’as pas autre chose à faire que de venir réveiller les gens qui dorment ?

Non, en effet elle n'avait pas grand-chose à faire. Elle s'ennuyait à mourir et sa mauvaise humeur commençait à reprendre le dessus. Le garçon avait enfin arrêté de parler, et il semblait qu'il attendait sa réponse. Il gardait une expression de tueur, on peut le dire, et Agathe avait l'impression qu'il essayait tant bien que mal de retenir sa colère, sûrement pour tout lui balancer de plein fouet dès qu'il en aurait l'occasion. S'adressant donc à lui d'un air las, elle lui lança :

- Je pense simplement que lorsqu'il fait un temps pareil, dormir n'est pas la meilleur occupation possible. Et je te rappelle que c'est la nuit qui est faite pour dormir, pas le jour.

Elle lui avait dit cela d'un ton calme, ne voulant pas hausser le ton, car elle détestait se faire remarquer. Elle se souciait peu de ce que pouvait penser les autres, mais n'amait pas se mettre dans des situations abracadabrantes. Elle ne souhaitait pas non plus avoir la réputation d'une enquiquineuse de première, pour qui le seul plaisir est de faire hurler son entourage. Elle regarda le ciel, espérant qu'une petite pluie vienne rafraîchir l'atmosphère, dans tous les sens du terme. Elle dévisagea son interlocuteur, et trouva qu'il dégageait une sorte de douleur diffuse, une fatigue étrange. Pas la seule fatigue physique qui vous prend lorsque vous avez couru pendant plusieurs kilomètres, mais une fatigue qui prend l'esprit, qui vous amène au pays des cauchemars, dans un monde sombre, même parfois sanglant. Elle en savait quelque chose, car après la perte de sa famille, son sommeil avait été perturbé par des cauchemars affreux. Elle s'assit sur le banc, le regard perdu dans le vague.

- Tu n'arrive pas à dormir, la nuit ?

Elliot attendit la réponse de la jeune fille, en la toisant toujours de son regard noir, qui reprit son sachet, et en sorti un cookie pour commencer à le manger, avant de lui répondre sur un ton qu’il perçu comme las.

<< Je pense simplement que lorsqu’il fait u temps pareil, dormir n’est pas la meilleure occupation possible. Et je te rappelle que c’est la nuit qui est faite pour dormir, pas le jour. >>

Elle lui dit ça d’un ton calme. Là, elle marquait un point, mais s’il voulait dormir, c’était son droit, même si c'était sur un banc avec un temps ensoleillé. Au moins, il usait d'un banc pour dormir, contrairement à son frère adoptif, Vincent, qui lui pouvait dormir n'importe où, même par terre en plein milieu d'une pièce. Il jugea bon de ne rien dire, trouvant inutile de discuter sur ce point-là. Hurler sur une fille n’avait rien de plaisant. Elliot remarqua que la jeune fille, qu’il avait déjà vue et qui s’appelait Agathe Lilween, lever la tête vers le ciel, comme si elle voulait quelque chose. Quoi donc ? De la pluie ? Il n’en savait rien, et à dire vrai, ce n’était pas son problème. Il s’aperçut ensuite que la lycéenne le dévisageait. Elliot haussa un sourcil, mais ne dit rien, lui aussi l’observant. La jeune fille s’assit à côté de lui, semblant regarder un point invisible, vague.

<< Tu n’arrives pas à dormir, la nuit ? >>

Dit-elle. Elliot tourna la tête vers elle, perplexe. Cela se voyait tant que ça ? Hormis le fait qu’il était en train de dormir sur le banc par une belle journée. Franchement, personne jusqu’à présent ne le lui avait fait remarquer, sans compter Leo qui lui, le sait. Le jeune Nightray leva la tête vers le ciel.

<< Tu dis ça comme ça ou bien tu l’as remarqué ? >>

Cette fille était quelque peu … Etrange. Elle semblait avoir un fort caractère, pourtant elle avait agi avec calme … Bon, elle s’était permis de le réveiller, ce qu’il n’appréciait pas, mais elle avait vu, en quelque sorte, qu’il était fatigué. Bon, il fallait qu’il soit plus ou moins aimable, et pas l’envoyer bouler au bout de deux minutes, ce qu’il faisait très bien en général. Elle ne semblait pas chercher les problèmes, mais elle cherchait plutôt à discuter … Ou bien, comme elle l’a dit, elle n’avait rien à faire, donc elle tuait le temps en discutant avec lui, c’était possible. Mais bon, Elliot n’allait pas se prendre la tête avec ça. Dans l’état actuel des choses, la première chose qu’il se demande, c’est si son état de fatigue se voyait tant que ça … Il faudra qu’il demande à Leo, si il y pense, mais pour l’instant, la plus apte à lui répondre, c’était Agathe.

Assise sur le banc, Agathe s'était perdue dans ses souvenirs, tantôt heureux, tantôt douloureux. Elle avait le regard vide, et avait l'esprit ailleurs. Elle n'entendit donc qu'à moitié son interlocuteur lui répondre.

- Tu dis ça comme ça ou bien tu l’as remarqué ?

Elle tourna la tête vers lui et il lui fallut un petit moment pour comprendre ses paroles. Elle avait vu juste apparemment. Quant elle eu retrouvé tous ses esprits, elle se mit à réfléchir à la question. C'était compliqué à expliquer. Elle n'avait pas dit ça au pif, non, mais elle ne savait pas elle-même comment elle avait fait pour deviner juste.

- Ça ne se voit pas physiquement, ne t'inquiète pas, tu n'as pas des cernes de trois mètres sous les yeux ! On va dire que c'est... l'intuition féminine, le sixième sens si tu préfère.

Elle avait dit cela avec un petit sourire mélancolique, étant bien consciente de ne pas être très claire, mais ne trouvant pas mieux pour exprimer ce qu'elle avait ressentit. Elliot lui rappelait juste elle-même, il n'y a pas si longtemps. Elle se remémora quelques passages du massacre, qui ne lui faisait à présent plus grand chose, à part peu-être faire monter la colère et la soif de vengeance dans le coeur de la jeune fille.
*Le sixième sens, comment j'ai pu sortir un truc aussi débile ?* se demanda-t-elle soudain. Elle garda cette exclamation pour elle, vu son utilité moindre, et retînt un petit rire nerveux, que ses connaissances définissait comme un rire de psychopathe. Elle balançait à présent ses jambes dans le vide, un geste rassurant et certes un peu gamin, mais qui la détendait. Puis, pour éclaircir un peu plus ce qu'elle avait dit précédemment, elle murmura, comme pour elle-même :

- Et puis quant on a déjà vécu quelque chose, on est plus apte à le reconnaître chez les autres par la suite.

Mais bon, elle n'allait pas continuer à se lamenter intérieurement, elle n'était pas comme ça. Elle se reprit, chassa ses sombres pensées et se remit à manger. Reprenant de nouveau sa bonne humeur, elle décida de laisser la parole à Elliot. Elle n'avait pas particulièrement envie de continuer sur ce sujet, mais si il lui posait des questions, elle y répondrait tout de même. Voyant qu'elle avait déjà bouloté tout le sachet, elle se dit qu'en proposer au lycéen ne serait pas malpoli. Elle lui tendit donc un cookie, avec un grand sourire, histoire de détendre l'atmosphère.

- Tu en veux ? Faits maison !

Elliot vit Agathe tourner la tête vers lui, comme si elle n’avait pas compris, ou pas écouté. Puis, le Nightray remarqua qu’elle réfléchissait. Ah, donc elle avait entendu. Tant mieux. Il n’avait pas vraiment l’intention de répéter quarante fois la même chose.

<< Ça ne se voit pas physiquement, ne t'inquiète pas, tu n'as pas des cernes de trois mètres sous les yeux ! On va dire que c'est... l'intuition féminine, le sixième sens si tu préfères. >>

Fit-elle, pas très clairement. Elle se fichait de lui ou quoi ? L’intuition féminine … Tu parles d’un sixième sens ! Elliot haussa un sourcil sceptique. Le jeune homme ne put retenir une petite remarque.

<< Tu parles d’un sixième sens, toi … >>

Il avait dit ça tout doucement, presque inaudible pour la lycéenne assise à côté de lui. Qui sembla se retenir de rire. Un rire nerveux ? Et puis, c’était sa propre remarque qui la faisait rire ou bien l’inutilité de sa phrase dans ce qu’elle a dit ? Allez savoir. Elliot observa la lycéenne qui était en train de balancer ses jambes. Un geste assez enfantin, mais c’était son droit de faire ça, si ça lui faisait plaisir.

<< Et puis quand on a déjà vécu quelque chose, on est plus apte à le reconnaître chez les autres par la suite. >>

Ah ? Agathe aussi faisait des cauchemars ? Ou bien elle avait vécu quelque chose de traumatisant ? Mais il n’allait pas demander, cela ne le regardait pas vraiment. Il s’aperçut qu’Agathe s’était remise à manger. Allons bon, elle n’avait pas vraiment envie de s’attarder sur ce sujet. Tant mieux, lui non plus. Puis soudainement, elle lui tendit un cookie avec un grand sourire. Pour changer de sujet, se dit-il.

<< Tu en veux ? Fait maison ! >>

Elliot prit le cookie proposé par la lycéenne, en souriant. Il n’allait certainement pas refuser quelque chose proposé si gentiment … Enfin, ça dépendait de quoi il s’agissait et de celui qui le propose.

<< Merci. >>

Après sa réponse, Elliot croqua dans le cookie, qu’il trouva bon, en passant, et le mangea distraitement en regardant le sol, ne pensant à rien en particulier. Il trouvait qu’Agathe était gentille, quoiqu’un peu … Bizarre. Mais gentille tout de même, semblant avoir un caractère similaire au sien, très possiblement, mais qui préfère rester discrète quand le besoin s’en fait sentir. Il garda ça pour lui, et resta un moment silencieux. Ce qui pouvait le changer des fois où il hurlait. Un peu de calme lui faisait du bien, quand même, de temps en temps.

- Merci.

- De rien.

Elliot accepta son cookie, avec un sourire en prime, ce qui fit plaisir à Agathe. Il était tout de même capable de sourire, bonne nouvelle. La jeune fille, l'avait, ne n'oublions pas, tout de même assez agacé. Mais le garçon semblait se radoucir, et la jeune fille eue l'impression qu'il s'était calmé, et qu'il n'avais plus envie de lui crier dessus, ce qui l'arrangeait. Le garçon mangea silencieusement son cookie, et regardait maintenant le sol. Agathe décida de le laisser profiter du calme, en compensation du sommeil qu'elle lui avait fait perdre. La lycéenne avait surtout entendu parler d'Elliot pour ses accès de colère, et bien évidemment pour la musique. Mais il était plutôt gentil, la preuve, il s'était retenu de lui crier dessus. Elle leva les yeux au ciel. Elle commençait à apprécier ce beau temps et n'espérait plus à présent que la pluie tombe. Elle aussi profitait du calme et se mit inconsciemment à fredonner l'air d'un morceau qu'elle aimait particulièrement, et qu'Elliot et Leo jouaient souvent. Agathe l'avait écouté tellement de fois qu'elle le connaissait par coeur. Puis elle se dit que puisqu'un des compositeur en question était là, autant lui en demander plus sur la mélodie, et plus particulièrement, son nom.

- J'adore le morceau que vous jouez Leo et toi. Il est magnifique. Comment s'appelle-t-il ?

Elle lui dédia un sourire radieux, ce sujet lui tenant vraiment à coeur. C'est vrai, elle n'avait jamais entendu un aussi beau morceau, doux et triste à la fois. Le nombre de fois ou la jeune fille était venue les écouter ne se comptait plus, mais elle se garda bien de le préciser. Une de ses soeurs aimait beaucoup écouter du piano, et c'est en grande partie pourquoi la jeune Lilween s'était mise à cet instrument, qui lui avait plu tout de suite. Elle occupait la plupart de ses après-midi à jouer, ne s'en lassant jamais. Il s'était avéré qu'elle était douée, surtout pour déchiffrer les partitions. Mais pour la composition, c'était une autre affaire. C'est pour cela qu'elle admirait les deux lycéens. Et ce morceau, d'après elle, suffisait à lui seul à montrer tout leur talent.

- Tu as composé d'autres morceaux ?

Si oui, elle aurait vraiment aimé les écouter. Ils devaient tous êtres aussi beaux les uns que les autres, ça ne faisait aucun doute. Agathe regarda autour d'elle : la cour de désemplissait pas, normal, avec ce beau temps personne ne souhaitait s'attarder dans la bibliothèque, entre les livres amassés en tas, qui ne trouvaient plus de place sur les étagères. Elle voulu prendre un autre gâteau, mais sa main ne rencontra que du vide. C'était normal après tout, vu le nombre de biscuits qu'elle mangeait chaque jour. Il ne lui restait donc plus qu'a attendre la réponse de son interlocuteur, et pour s'occuper, elle continua de balancer ses jambes dans le vide.

<< De rien. >>

Ayant fini son cookie, Elliot regarda un moment le sol, avant de relever la tête. Il était plus serein qu’il y a cinq minutes, où il était prêt à apostropher quelqu’un. Enfin, il l’avait fait sur Agathe, mais s’était retenu malgré tout à lui sortir ses quatre vérités. Maintenant il était plus calme. Le jeune homme se demanda vaguement ce que pensait Agathe de lui. En général, il était quelqu’un que les autres pouvaient qualifier de colérique. M’enfin bon, il s’en fichait pas mal de ce qu’on pouvait penser de lui. A part parfois où il pouvait se tenir tranquille. Ou bien quand Leo le réprimandait lorsqu’il avait tort, ou lorsqu’il était énervé. Agathe aussi était silencieuse, et regardait le ciel, profitant sans doute du calme aussi. Elle avait bien le droit, elle aussi. La jeune fille brisa le silence lorsqu’elle se mit à fredonner un petit air de musique, qui lui était très familier. C’était le morceau qu’il jouait à quatre mains avec Leo.

<< J'adore le morceau que vous jouez Leo et toi. Il est magnifique. Comment s'appelle-t-il ? >>

Lui demanda-t-elle avec un sourire radieux. Elle était déjà venue quand Leo et lui jouaient ? C’était probable, puisqu’il n’y faisait pas vraiment attention. Dans tous les cas, elle devait être venu pas mal de fois pour connaître la mélodie jusqu'à la fredonner. Oz aussi lui avait déjà posé cette question, et il répondit naturellement à Agathe, qui semblait attendre sa réponse.

<< Cette mélodie se nomme Lacie. >>

Il avait répondu en regardant distraitement les nuages qui volaient paresseusement dans le ciel. Elle enchaîna avec une autre question, toujours basée sur la musique.

<< Tu as composé d'autres morceaux ? >>

Elle lui demanda ça en regardant un peu autour d’elle. Elliot l’imita, et remarqua que le nombre de lycéens ne baissait pas. En même temps, ne pas sortir par un temps pareil serait dommage au lieu de rester enfermer dans le bâtiment. Après tout, le point de vue des élèves étaient très différent. Plusieurs préfèreraient aller dehors, et d’autres vont rester à l’intérieur. Leo faisait sans doute partit de la deuxième catégorie, mais en général il restait avec lui. Mais bon, actuellement, il n’était pas là. Sûrement en train de lire quelque part. Il mit un temps avant de répondre à la jeune fille, qui voulait prendre un autre cookie dans son sachet, mais la ressortir aussi directement. Elle devait être à cours de gâteaux. Agathe s’était aussi remise à balancer ses jambes dans le vide.

<< Oui, ça m’arrive, mais le morceau que je joue le plus souvent reste Lacie. >>

Expliqua-t-il. Apparemment, elle lui avait laissé la parole, après lui avoir posé ses questions. Ce n’était pas plus mal, au moins, ils avaient trouvé un sujet de conversation pour passer un peu le temps. C'était quand même mieux que de continuer à vilipender Agathe, qui l'avait dérangé un peu plus tôt. Mais bon, ce qui avait été fait l'était, pas besoin d'en faire toute une histoire, surtout qu'il se rendit compte que Agathe n'était pas désagréable du tout.

- Cette mélodie se nomme Lacie.

Elliot lui avait répondu, l'air distrait, les yeux tournés vers le ciel. Il avait l'air plutôt surpris qu'elle connaisse si bien la mélodie que lui et Leo jouaient, et devait se douter qu'elle était venue les écouter. Apparemment, il n'avais pas dût faire attention, mais ça ne la vexa pas. Après tout, elle ne venait pas pour s'incruster. *Lacie, quel joli nom.* se dit-elle. Elle continua à questionner Elliot, notamment sur l'éventualité qu'il ait composé d'autres morceaux. Il posa un petit silence avant de lui répondre.

- Oui, ça m’arrive, mais le morceau que je joue le plus souvent reste Lacie.

Elle s'en doutait, sinon comment aurait-elle pu aller jusqu'à fredonner cette mélodie ? Elle espérait qu'ils continueraient à la jouer, car elle savait qu'elle ne s'en lasserait jamais. Mais maintenant qu'Elliot se doutait qu'elle était venue les écouter, elle allait peu-être s'abstenir quelques temps de leur rendre visite. Elle sentit tout à coup un petit vent frais, et remarqua que le ciel s'assombrissait. Le soleil n'avait pas encore totalement disparu, cependant, des nuages gris commençaient à avancer dans le ciel, créant une atmosphère oppressante. Les branches des arbres s'agitaient, malmenaient leurs feuilles, qui parurent devenir aussi fragiles que si elles étaient uniquement soutenues par de minces fils. Quelques élèves commençaient à partir, se réfugiant à l'intérieur par précaution, en prévention de la pluie qui ne tarderait pas à tomber. D'autres, moins soucieux, restaient là à papoter joyeusement, ne s'occupant pas du mauvais temps qui se profilait à l'horizon. L'ambiance était maintenant lourde, et peu à peu, la lumière semblait disparaître, ne laissant que de minces filets éclairer la cour à travers les nuages, qui devenaient de plus en plus noirs. Agathe arrêta de balancer ses jambes, pour admirer le ciel. Elle aimait ce genre d'atmosphère, qui selon elle, était rassurante, comme si chaque bruit était étouffé, comme si chacun marchait sur du coton, comme si le temps peu à peu ralentissait. Cela semblait à la jeune fille encore plus calme que de coutume. Le temps avait changé très vite, presque sans aucune coupure, comme si il cherchait à ne pas laisser de vide, à le combler. Un dernier rayon de soleil persistait, comme un pantin, que son marionnettiste pourrait retirer à tout moment. Agathe fixa un long moment ce fin rescapé, jusqu'à ce qu'il s'estompe pour de bon. Elle ne ressentait pas l'envie de rentrer, et au contraire, avait bien l'intention de rester là. Elle changeait d'humeur extrêmement rapidement : en début d'après-midi, elle avait souhaité de la pluie, puis lorsqu'elle se mettait à apprécier le beau temps, l'orage pointait le bout de son nez, et la dissuadait d'espérer la moindre éclaircie.

- Quel temps magnifique...

Murmura-t-elle. Agathe se demanda vaguement ce que pensait Elliot de ce temps, et se tourna vers lui pour observer sa réaction.

Elliot se fit ramener sur Terre quand il vit des nuages gris au loin. C’était bizarre, car il faisait beau jusque-là. Comme quoi, le temps se gâtait très rapidement. Un vent frais, pas désagréable du tout se fit sentir, faisant bouger les feuilles et les branches. Le Nightray vit quelques élèves rentrer dans le bâtiment, et d’autres qui restaient dehors, comme Agathe et lui. Les rayons de soleils disparaissaient un a un, jusqu’à que les nuages gris emportèrent la moindre éclaircie. Le jeune homme remarqua qu’Agathe était paisible, comme si elle aimait ce temps. C’était bien possible, certaines personnes aimaient la pluie, d’autres aimaient le contraire. Chacun a ses goûts, et heureusement encore, sinon personne n’aurait de personnalité. En ce qui concerne Elliot, il s’en fichait. Le temps qu’il faisait n’était pas sa préoccupation première, et ne le sera jamais. Il observait ces nuages noirs là-haut dans le ciel, menaçant de pleuvoir à tout moment. Il semblait que l’orage n’allait pas tarder à éclater. C’était dommage, une journée si bien commencée … Quoique cela ne changeait strictement rien.

<< Quel temps magnifique... >>

Dit-elle. Elliot haussa un sourcil. Il avait rêvé ou bien Agathe avait dit que c’était un temps magnifique ? Non, il n’avait pas rêvé, et bien entendu. Qu’elle drôle de fille … Elle devait se classer dans la catégorie des gens qui aimaient la pluie, c’était son droit. Bien qu’un peu bizarre, il devait l’avouer. Cependant, il la voyait plus calme. Elle changeait d’humeur très rapidement, à son humble avis. Il vit la lycéenne tourner la tête vers lui, semblant observer sa réaction.

<< Tu trouves ? Franchement, je ne vois pas ce que tu trouves de plaisant dans un orage. >>

Demanda-t-il. C’est vrai quoi. En demandant ça, il vit un éclair zébrer le ciel. Et c’était parti ... Sauf qu’il n’entendit pas le tonnerre gronder. Ce qui pouvait signifier qu’il était encore assez loin, mais qui se rapprochait plutôt rapidement. Du moment qu’il ne pleuvait pas, ça allait. Il balaya la cour du regard, et vit que d’autres étudiants rentraient dans le lycée, ne voulant pas se faire surprendre par la pluie. Ils avaient bien raison, ils étaient prévoyant, car Elliot savait que si il pleuvait et qu'il restait sous la pluie, il attraperait sans doute un rhume, et ça, c'est la dernière chose qu'il veut. Mais comme il ne pleut pas pour le moment, ce n'est pas un problème, même si il sait que par ce temps, la pluie peut tomber à tout moment.

Un éclair zébra le ciel, annonçant que l'orage se rapprochait. Agathe remarqua qu'Elliot ne semblait pas s'en préoccuper, et à vrai dire, il avait même l'air de s'en ficher totalement. Pour lui le temps qu'il faisait ne devait pas être sa préoccupation première, ce que la jeune fille pouvait tout à fait concevoir. Après tout, elle non plus ne détestait pas le beau temps, mais aujourd'hui, elle préférait avoir une bonne petite averse, ça ne faisait pas de mal de temps en temps. Lorsqu'elle annonça qu'elle aimait la pluie, il haussa un sourcil et paru franchement surpris.

- Tu trouves ? Franchement, je ne vois pas ce que tu trouves de plaisant dans un orage.

Elle était censée lui répondre ou pas ? Elle n'allait quand même pas lui faire une liste ? Mais bon, si il n'amait pas la pluie, elle s'en fichait pas mal. Elle décida de lui donner une réponse courte, histoire de ne pas y passer la nuit.

- Je trouve ça plus calme. Et puis, par mauvais temps, personne ne sort alors c'est moins bruyant.

C'est vrai, le brouhaha des élèves avait laissé place à un silence léger. En jetant un oeil autour d'elle, elle remarqua que la cour était à présent presque vide. Apparemment, les lycéens n'amaient pas se mouiller. Ou peut-être avaient-ils peur d'attraper un rhume ? Agathe ne tombait presque jamais malade, les rares fois où elle était restée clouée au lit n'avaient pas duré plus de quelques jours, et c'était seulement quand elle ne pouvait vraiment pas se lever. Elle ne raterait pas l'école pour un simple mal de tête ou une petite toux par exemple. Ses pensées furent interrompues par une goutte d'eau qui roula le long de sa joue.

- Ah, ça y est, ça tombe.

Dit-elle simplement. La pluie, d'abord très légère, s'intensifia quelques peu, mais tout en restant agréable. Enfin, pour Agathe. Il ne faisait pas froid, loin de là, mais la pluie, elle, était fraîche. Il ne pleuvait pas non plus averse, et le vent se faisait plus doux. Elle se demanda si le lycéen avait l'intention de rentrer, ou de rester lui aussi sous la pluie *Sûrement* se dit-elle. Vu qu'il n'avait pas l'air d'apprécier les orages plus que ça, il allait sûrement se mettre à l'abri, bien que la pluie ne soit pas non plus insupportable. Ça ne faisait rien de toute façon, elle lui était déjà reconnaissante de ne pas l'avoir envoyé balader dès sa première phrase. Et puis, il n'était pas si colérique que ça. Elle se leva et fit quelques pas, histoire de se dégourdir un peu les jambes. De toute façon, même si elle avait voulu rentrer à l'intérieur, elle se serait mouillée, alors bon, être trempée ne la dérangeait vraiment pas. Un éclair et un coup de tonnerre se succédèrent, preuve que l'orage n'allait pas s'arrêter de si tôt. Elle se retourna vers Elliot, qui lui aussi n'allait pas tarder à être trempé, surtout que le banc n'était pas vraiment abrité. Elle lui demanda avec un sourire, légèrement amusée par la situation :

- Tu compte rester sur ce banc toute ta vie ?

<< Je trouve ça plus calme. Et puis, par mauvais temps, personne ne sort alors c'est moins bruyant. >>

Expliqua-t-elle. Sur ce point, Agathe n’avait pas tort. Les élèves s’étaient tous, ou du moins pour la grande majorité, mis à l’abri. Il sembla aussi à Elliot que la lycéenne avait mis un temps avant de répondre. Sa phrase l’avait agacé ou quoi ? Après tout, il se moquait bien de ses états d’âmes. Il avait le droit d’affirmer ses pensées et de dire ce qu’il voulait, rien ne le lui interdisait. Il remarqua aussi qu’Agathe était plongée dans ses pensées, mais elle fut ramenée à la réalité par une goutte de pluie tombée sur sa joue.

<< Ah, ça y est, ça tombe. >>

Dit-elle. *Sans blague ?* pensa-t-il. Mais le Nightray se retint de le dire à voix haute. La pluie n’était pas forte au début, mais s’amplifia au bout de quelques secondes. Sauf qu’il nota que ce n’était pas non plus une averse monstrueuse qu’il y avait là. Le vent qui accompagnait la pluie était plutôt doux, qui contrastait un peu avec les gouttes froides. Agathe avait l’air de se demander s’il comptait rester ici, ou rentrer s’abriter. Evidemment qu’il allait rentrer. Il regarda la jeune fille se lever pour faire quelques pas, sûrement pour se dégourdir les jambes, sous la pluie. Maintenant c’était trop tard, si lui ou Agathe voulait rentrer, l’un comme l’autre était déjà mouillé, donc ça ne changerait rien du tout. Il vit un éclair, puis entendit le tonnerre presque directement après. L’orage était là, et n’avait pas l’intention de finir tout de suite. Dommage. Mais bon, là, il y avait une bonne raison de rester à l’intérieur. Il remarqua aussi que la cour s’était vidée aussi. Agathe se tourna vers lui, et Elliot l’observa. Elle devait se dire qu’il allait bientôt être trempé aussi, mais qu’importe, c’était trop tard maintenant.

<< Tu comptes rester sur ce banc toute ta vie ? >>

Lui demanda-t-elle en souriant, semblant être amusée. Elliot toisa Agathe d’un air qui se voulait blasé, et se leva à son tour, limite exaspéré par cette question qu'il jugeait inutile de répondre. Mais il formula sa réponse tout de même.

<< Franchement, je ne suis pas bête au point de passer ma vie sur un banc. >>

Dit-il en faisait quelques pas. Elle se permettait de faire ce genre de réflexion, et cela commençait à l’agacer sérieusement. Il se demanda aussi comment il avait fait pour ne pas l’envoyer sur les roses au moment où elle l’avait dérangé. Allez savoir, Elliot ne savait pas non plus, mais maintenant c’était un peu tard pour chercher à comprendre. Le tonnerre continuait de gronder au-dessus de leur tête, alors que la pluie se mit à tomber un peu plus fort, accompagné par un vent qui secouait les branches des arbres. Vraiment, quel temps pourri …

- Franchement, je ne suis pas bête au point de passer ma vie sur un banc.

Elliot lui avait dit cela avec un air blasé, limite exaspéré. Il semblait même s'être forcé à lui répondre. *Eh ben dis donc...* pensa Agathe. *L'humour n'est pas son point fort on dirait...*. Elle commençait seulement à apprécier sa compagnie qu'il redevenait déjà rabat-joie. Le lycéen s'était levé pour faire quelques pas, mais lui avait l'air de vouloir rentrer pour s'abriter, même si il était déjà trempé. Apparemment, pour lui, seules les phrases censées avaient leur place dans une conversation, et il devait se dire que la jeune fille parlait bien inutilement. Il semblait regretter de ne pas l'avoir envoyer balader dès qu'elle l'avait réveillée. *Trop tard* pensa Agathe. Elle entendit le tonnerre gronder, mais elle ne s'en inquiéta pas plus que ça. Revenant à la conversation avec son interlocuteur, elle lui lança, non pas méchamment, mais toujours avec ce même air amusé sur le visage :

- Je m'en doute bien, mais la question sous-entendue était : tu compte rentrer ou pas ?

Il voulait jouer à qui était le plus exaspérant ? Alors il n'avait pas encore gagné. La jeune lycéenne avait toute une panoplie de remarques toutes plus inutiles les unes que les autres, puisque cela semblait l'agacer plus que tout, en réserve. Et connaissant son tempérament impulsif et colérique, ça allait être marrant. Elle avança de quelques pas, dos à lui, s'éloignant petit à petit. Arrivée à une distance qu'elle trouvait respectable, elle se retourna et lui lança, sur le même ton moqueur :

- Oh pardon, tu as dit quelque chose ? Désolée de ne pas t'avoir écouté, mais puisque tout ce que je dit te semble apparemment si inutile, tu ne dois pas être trop déçu, je suis tellement inutile !

Elle avait fait semblant de ne pas avoir entendu sa précédente remarque, et avait bien insisté sur les deux "inutile" et le "tellement", rien que pour l'agacer. La pluie commençait à tomber de plus en plus fort, et le vent se faisait plus froid et plus violent. Les nuages se teintaient d'un gris presque noir, les nombreux éclairs traçant de temps en temps de longs filets lumineux dans le ciel. Les arbres étaient agités de violentes secousses, courbés par le vent et le tonnerre grondait, menaçant. Un véritable orage. Mais Agathe ne s'en souciait pas le moins du monde, concentrant son esprit sur la prochaine réplique d'Elliot. Plus le temps passait, moins elle faisait semblant d'être énervée. Elle savait être calme et discrète, mais dès que la conversation se gâtait, elle pouvait hurler, claquer les portes ou même lancer un vase, un verre ou une tasse sur quelque chose... ou quelqu'un.

<< Je m'en doute bien, mais la question sous-entendue était : tu comptes rentrer ou pas ? >>

Agathe lui dit ça sur un ton moqueur, pas méchamment. Elliot leva les yeux au ciel, sans faire de commentaire, mais répondit quand même. Vu que Agathe semblait focalisée sur sa futur réponse, elle allait l’avoir.

<< A ton humble avis ? >>

Répondit-il simplement. Là, elle commençait sérieusement à l’énerver. Le Nightray vit la lycéenne faire quelque pas, s’étant mise de dos, jusqu’à s’arrêter à une distance qu’il jugea respectable.

<< Oh pardon, tu as dit quelque chose ? Désolée de ne pas t'avoir écouté, mais puisque tout ce que je dis te semble apparemment si inutile, tu ne dois pas être trop déçu, je suis tellement inutile ! >>

Fit-elle en se retournant, et en faisant mine de ne pas avoir entendu sa précédente remarque. Elle le prenait vraiment pour un imbécile, surtout que là, son côté colérique n’allait pas tarder à refaire surface à un moment donné. Les gouttes tombèrent avec plus de force, ainsi que le vent s’amplifia, devenant aussi plus froid. Les éclairs zébraient toujours le ciel, quasiment noir, avec insistance, et le tonnerre grondait peu après. Il fit quelques pas en direction d’Agathe.

<< A quel moment j’ai dit que ce que tu disais est inutile ? >>

Dit-il simplement. Il sembla au jeune homme qu’Agathe était aussi un peu énervée, dans le fond. Ben tiens. Parce qu’il aurait soit disant dit que ce qu’avait dit Agathe était inutile ? Déjà, ce n’était pas le cas, c’était simplement sa question qui l’était. La lycéenne devenait vraiment agaçante au fur et à mesure que le temps passait. Là, Elliot pu se dire qu’elle pouvait être gentille comme elle pouvait être une vraie casse-pied. Comme quoi, chacun son caractère, et surtout que le jeune homme n’avait pas vraiment son mot à dire, vu son tempérament à lui. Maintenant, il attendait la réponse d’Agathe à sa question. En attendant, il était totalement trempé maintenant, et s’était rapproché de la lycéenne. Allait-elle l’ignorer, l’envoyer balader ou bien lui répondre simplement avec une tirade bien à elle ? Parce qu’il avait remarqué qu’elle était quand même énervée au fil de la conversation. Et alors ? Si elle l’avait laissé tranquille, rien de tout ça ne serait arrivé. Mais bon, là, c’était vraiment trop tard pour le regretter, Elliot en était bien conscient. Un éclair illumina le ciel de sa couleur froide, suivit par le tonnerre qui rugit au-dessus de leur tête. Cela faisait un moment qu’il n’y avait pas eu un orage de ce genre. Bien entendu, c’était quand il se disputait avec quelqu’un que l’orage éclatait. Vraiment, il avait de la chance. Seulement, dans le fond, il ne voulait pas tellement se disputer avec Agathe, même si elle l'énervait. C’était juste que … Comme ils avaient tous deux un fort caractère, cela faisait des étincelles. Il faudrait maintenant qu’il parvienne à essayer de calmer la jeune fille. Ce qui n’allait pas être chose aisée.

- À ton humble avis ?

Agathe eue un rictus agacé. Donc "à son humble avis", la réponse devait être oui. Encore un qui n'aimait pas se mouiller. *Quel dommage* pensa-t-elle. Elle fit mine de ne pas avoir entendu, et lorsqu'elle se retourna de nouveau vers Elliot, elle lui lança sa réplique, à laquelle son interlocuteur répondit plutôt calmement, tout en marchant vers elle, même si au fond, il paraissait un peu agacé.

- A quel moment j'ai dit que ce que tu disais est inutile ?

Agathe ouvrit grand ses yeux bleus. Elle n'avait quand même pas rêvé, depuis tout à l'heure, elle avait l'impression qu'Elliot était agacé par tout ce qu'elle disait. Il la regardait d'un air blasé, air qu'elle détestait. Elle était affreusement susceptible, elle le savait, et détestait reconnaître qu'elle avait tort. Ça lui faisait une belle paire de manche, surtout dans ces cas-là. Elle n'avait pas non plus envie de lui répondre, surtout qu'elle n'avait absolument rien à lui dire. Le lycéen ne semblait pas vouloir continuer sur le ton qu'elle avait pris, et il restait calme. Ce qui énervait Agathe plus encore. Elle regardait par terre, fixement, essayant de se calmer, mais n'arrivait plus à réfléchir. Si elle avait pu, elle aurait lancé le premier objet à porté de main, mais malheureusement, la cour était vide. Elle fit donc la seule chose qu'elle se sentait encore capable de faire : elle éclata en sanglots. Tout ce qu'elle avait amassé depuis la mort de sa famille refaisait surface, ainsi que toutes les petites mésaventures de tous les jours, qui venaient s'ajouter par-dessus. Elle ne pouvait pas s'arrêter, mais bizarrement, cela la soulageait de pleurer un bon coup, comme pour évacuer tout ce dont elle voulait se débarrasser. Elle resta ainsi quelques bonnes minutes, puis se mit à sourire au milieu de ses larmes, riant presque. Elle releva la tête vers son interlocuteur, essuyant ses joues.

- Non, laisse tomber, j'ai rien dit, désolée.

Comme quoi, elle pouvait changer d'expression vraiment très rapidement. Et elle s'était excusée, ce qui était rare, et qui prouvait qu'elle était vraiment d'excellente humeur. Elle n'avait pas non plus répondu à la question d'Elliot, ne voulant tout de même pas admettre qu'elle avait exagéré. Agathe savait qu'elle pouvait décontenancer les gens par ses sautes d'humeur, on le lui avait souvent fait remarquer, mais après tout, l'avis que les autres avaient sur elle, elle s'en fichait. La jeune fille remarqua qu'Elliot était maintenant complètement trempé, et en plus, la pluie ne faiblissait pas. Mais bon, du moment qu'il ne faisait pas froid en plus. Elle ne voulait pas continuer à parler pendant des heures, et songeait maintenant à aller dormir, et accessoirement, manger. Agathe étouffa un petit éternuement. Ah mince, ça faisait longtemps. Elle se demanda vaguement comment allait réagir le lycéen, si il allait, comme elle le lui avait suggéré, laisser tomber, ou si il allait insister pour avoir sa réponse. C'était à voir. En attendant, elle se rendit compte qu'en fait, rentrer n'était pas une si mauvaise idée, car il commençait vraiment à faire froid. On aurait même pu se demander si il n'allait pas neiger.

Elliot était déconcerté. D’abord Agathe venait lui adresser la parole de bonne humeur, ensuite, il avait sûrement dû dire quelque chose pour mettre la jeune fille de mauvaise humeur, et alors qu’elle était à la limite de lui envoyer quelque chose dessus – par chance, la cour était vide –, elle se mit à pleurer soudainement. Vraiment, cette fille changeait d’humeur de façon terriblement rapide. Ne sachant pas trop quoi faire, le Nightray regarda Agathe pleurer, hésitant à aller la réconforter, mais ayant vu la vitesse avec laquelle elle change d’humeur, il savait que cela n’allait pas durer longtemps. Pendant plusieurs minutes, la jeune fille pleura, puis bizarrement, se mit à rire à travers ses sanglots. Elle releva la tête vers lui en essuyant ses joues. Elle avait les yeux rouges, mais elle reprit la parole.

<< Non, laisse tomber, j'ai rien dit, désolée. >>

Elliot haussa un sourcil, consterné. Ses sautes d’humeurs étaient mémorables … Et elle avait été jusqu’à s’excuser. Elliot songea qu’elle ne devait pas aimer s’excuser … Comme quoi, il n’était pas le seul. Cependant, il ne fit aucun commentaire sur sa petite crise de larmes.

<< Non … C’est moi qui suis désolé … Si j’ai dit quelque chose qui t’a vexé, ou mise en colère. Mais tu as vraiment un sale caractère. >>

C’était vraiment rare que l’héritier des Nightray s’excuse de la sorte, mais comme d’habitude, il avait rajouté la phrase de trop. Que pouvait-il ? Il était comme ça, et puis c’est tout. Il finit par remarquer qu’il était totalement trempé. Super. Avec un peu de chance, il ne serait pas malade. Il voulait éviter ça, car pour lui, la maladie, ça craint. La pluie n’avait pas faibli depuis tout à l’heure, à son grand damne. Bah, inutile de se blâmer pour ça, maintenant qu’il était trempé, il n’y pouvait plus rien. Si, rentrer et se sécher avant d’attraper froid. Il entendit Agathe éternuer. Ah, elle, elle a dû attraper froid. Mais il ne faisait pas le malin non plus, car il n’avait pas très chaud non plus. Il se mit à côté d’elle et la regarda.

<< Tu devrais rentrer avant que tu ne sois malade. >>

Lui conseilla-t-il. Bon, elle avait parfaitement le droit d’ignorer son conseil, mais si elle voulait être dans un état grippal, c’était son choix. Après tout, avant de donner des conseils aux autres, il ferait mieux d’écouter ses propres paroles. Mais ce qu’il avait dit s’appliquait à la jeune fille et à lui. En pensant ça, il remarqua qu’il faisait quand même froid, et il leva la tête vers le ciel. On aurait presque dit qu’il allait neiger. Soupirant presque, il se dit qu’il faisait un temps magnifique à souhait. C’était vraiment une journée que l’on pouvait qualifier de pourrie, ce qui ne changeait pas beaucoup du quotidien. Mais il n’allait certainement pas faire un scandale pour ça, même s’il était doué pour faire ça. Reportant son attention sur Agathe, il attendit sa réponse.

Agathe remarqua qu'Elliot n'avait fait aucune remarque sur sa crise de nerfs, même si il avait haussé un sourcil. Cependant, elle lui en était reconnaissante, et l'en remerciait intérieurement.

- Non … C’est moi qui suis désolé … Si j’ai dit quelque chose qui t’a vexé, ou mise en colère. Mais tu as vraiment un sale caractère.

La jeune fille trouva gentil qu'il s'excuse, car apparemment, il ne devait pas faire cela très souvent. Mais il avait tout de même rajouté un petit commentaire, dont Agathe aurait pu se passer, même si elle ne s'en vexa pas plus que ça. D'après elle, lui non plus n'avait pas très bon caractère. Elle jugeât utile de le lui faire remarquer, car après tout, ce n'était que la stricte vérité.

- Toi non plus, il faut dire.

Elle n'avait pas dit cela méchamment, jugeant qu'elle n'avait pas grand chose à dire, car il avait raison. Elle ne voulait pas qu'il se vexe, mais n'avait pas pu s'empêcher de le lui faire remarquer. Et puis elle ne tenait pas à l'énerver, même si il semblait plutôt calme. Lorsqu'elle éternua, Elliot sembla remarquer lui aussi qu'il commençait vraiment à faire froid. Et accessoirement, qu'il était trempé. Mais contrairement à Agathe, il ne semblait pas s'être enrhumé. Tant mieux pour lui après tout, surtout que ce n'est pas vraiment très agréable de tomber malade. Il se plaça à côté d'elle et la regarda. Oui, elle était lamentablement tombée malade, et alors ?

- Tu devrais rentrer avant que tu ne sois malade.

Ah, il ne lui avait pas fait de remarque désobligeante ou de reproches, mais lui avait plutôt adressé un conseil. Qui s'appliquait aussi bien à lui qu'à Agathe, ceçi dit. Malheureusement, la jeune lycéenne était déjà malade. Mais bon, elle fût touchée par ses paroles, et en profita pour le remercier. Agathe éternua une deuxième fois, comme pour appuyer les dires du lycéen. Vraiment, elle ne s'était pas loupée cette fois. Elle resserra sa veste contre elle, se disant qu'aujourd'hui, elle ne sortirait sûrement plus de la journée.

- Tu as raison, merci. Mais toi aussi tu ferais bien de rentrer.

Elle lui avait dit cela avec un grand sourire, sincère cette fois-ci. Elle ne doutait pas que le lycéen rentrerait dans le lycée. Il n'avait sûrement pas envie de s'enrhumer lui aussi. Il avait jusqu'à présent eu de la chance, autant la conserver le plus longtemps possible.

- Au revoir, Elliot.

Elle le salua et se dirigea vers le bâtiment. Arrivée dans le hall, elle essora ses cheveux, et marcha dans les couloirs, ses pas résonnants sur le sol. Vraiment, ce lycée était trop grand. En seulement une semaine, elle s'était déjà perdue trois fois, ne trouvant jamais sa salle de cours. Maintenant qu'elle était habituée, ça allait nettement mieux. Elle finit par arriver dans sa chambre, sans encombre, presque un miracle. En fin de compte, ce n'était pas une si mauvaise journée. Elle s'assit au bureau, et s'occupa de la seule manière possible, par un temps pareil, dessiner.

(Fin ?)

<< Tu as raison, merci. Mais toi aussi tu ferais bien de rentrer. >>

Lui dit-elle. Oh, mais c’est ce qu’il avait l’intention de faire. En lui disant ça, Elliot vit qu’Agathe lui faisait un grand sourire. Il n’allait certainement pas attraper froid alors qu’il ne l’était pas jusque-là … Enfin, il le serait très probablement si il restait sous la pluie.

<< C’est ce que je vais faire. >>

<< Au revoir, Elliot. >>

Elle le salua avant de se diriger vers le bâtiment, et le Nightray la suivit des yeux, avant de la saluer à son tour avant qu’elle ne rentre dans l'école pour aller se changer et rester au chaud pour minimiser son rhume, bien qu'elle l'ai déjà attrapé.

<< A bientôt. >>

Dit-il assez fort pour qu’elle entende, puis elle disparue dans le bâtiment. Lui non plus, n’allait pas s’attarder dehors plus longtemps, c’est pourquoi il se dirigea aussi vers le lycée, pour y rentrer. Une fois à l’intérieur, il remarqua la différence de température et se demanda vaguement s’il allait être malade. Rester avec des vêtements mouillés n’allaient pas arranger sa situation, et il se dirigea vers sa chambre, en mouillant le sol en marchant. Il se dit que les élèves devraient faire attention, car ils pourraient éventuellement glisser … Mais l’eau, ça sèche plus ou moins vite, donc pas de problème. Elliot se demanda aussi, au passage, si Leo était toujours en train de lire quelque part dans le grand bâtiment, ou bien dans leur chambre, qui ressemblait vaguement à un champ de bataille à cause des livres pas rangés. Il haussa les épaules et passa sa main dans ses cheveux, pour évacuer l’eau qui s’y était accumulée. Il éternua, signe imminent d’une maladie, en l’occurrence d’un rhume. Super, rien de tel que pour finir la journée. Le Nightray soupira, entra dans sa chambre, qui était le point de départ de ce jour, et se dit qu’en fin de compte, cette journée n’avait pas été si tranquille que ça. Il vit son valet, en train de bouquiner, et après s’être changé, lui proposa d’aller jouer au piano.

Fin ~